Confronté à la multiplication des interventions des personnes privées dans l’exécution des missions de service public, le juge administratif dû très vite s’adapter pour parvenir à soumettre ces personnes aux mêmes exigences de légalité que celles qui s’appliquent aux personnes publiques. Cependant, si la nature particulière de leurs missions commandait d’aller en ce sens, le caractère privé de ces entités imposait, lui, de ne faire peser ces exigences que sur ceux de leurs actes les plus intimement liés à la sphère publique. Pour ce faire, le Conseil d’Etat et le Tribunal des conflits élaborèrent, alors, un ensemble de solutions afin de circonscrire le champ des actes de ces entités pouvant être qualifiés d’administratifs. L’arrêt présentement commenté se révèle une illustration particulièrement didactique des principes retenus dans le cas où le service public géré est un service public administratif (SPA).

Dans cette affaire, l’ACCA (association communale  de chasse agrée) d’Abondance, en Haute-Savoie, a modifié, lors de son assemblée générale du 04/07/2004, ses statuts et son règlement intérieur. Plusieurs membres ont, du fait de leur désaccord avec les dispositions relatives au montant des cotisations, saisi le Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains en vue de faire annuler ces décisions. Celui-ci estima, cependant, le 31/08/2006, que cette affaire ne relevait pas de la compétence du juge judiciaire. Frappé d’appel, ce jugement fut, ensuite, confirmé le 06/03/2007 par la 1° Chambre civile de la Cour d’appel de Chambéry. Les requérants décidèrent, alors, de saisir le Tribunal administratif de Grenoble qui, le 22/11/2011,  s’estima aussi incompétent et renvoya l’affaire au Tribunal des conflits pour que celui-ci détermine l’ordre juridictionnel compétent.  Ce fut chose faite le 09/07/2012 : le juge des conflits décida, ainsi, que les décisions des ACCA fixant le montant des cotisations de leurs membres devaient être regardées comme administratives et être, dès lors, portées devant les juridictions de l’ordre administratif.

Si, en statuant de la sorte, le Tribunal des conflits innove au regard de la qualification de la décision attaquée, il se révèle, au contraire, beaucoup plus traditionnaliste au plan des principes. En effet, la Haute juridiction confirme les deux critères habituels permettant d’identifier les actes administratifs des personnes privées gérant un SPA, tels qu’ils résultent de la jurisprudence Magnier, à savoir le rattachement à la mission de service public et la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique. Et, c’est à l’aune de ces deux critères qu’il appréhende la décision prise par l’ACCA d’Abondance, organisme de droit privé en charge d’un SPA, de modifier le montant des cotisations dues par ses membres. C’est là que se situe l’innovation puisque le juge des conflits qualifie cette décision d’administrative au motif que l’adhésion à l’ACCA étant obligatoire, tout comme la cotisation subséquente, cette décision manifeste l’exercice de prérogatives de puissance publique. La Haute juridiction prend, ainsi, le contre-pied d’un arrêt du Conseil d’Etat de 1985 où le juge administratif avait, en pareille hypothèse, décliné sa compétence, mais se montre fidèle à de multiples décisions reconnaissant un caractère administratif à des mesures identiques prises par d’autres organismes privés. L’une d’elles concernait les fédérations départementales de chasse, dont la proximité avec les ACCA ne pouvait que commander la solution retenue en l’espèce.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les ACCA en tant qu’ils constituent une terre d’élection de la jurisprudence Magnier (I), puis d’analyser, dans une seconde partie, la nature administrative des décisions prises par ces associations pour déterminer le montant des cotisations dues par leurs adhérents (II).

  • I – Les ACCA : une terre d’élection de la jurisprudence Magnier
    • A – Des organismes de droit privé en charge d’un service public
    • B – Une confirmation de la vivacité de la jurisprudence Magnier
  • II – La fixation du montant des cotisations par les ACCA : un acte administratif
    • A – Un élément déterminant : l’adhésion obligatoire à une institution
    • B – Une solution inspirée de la jurisprudence Bouchot-Plainchant
  • TC, 09/07/2012, ACCA d’Abondance

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