En droit de la responsabilité administrative, dès lors qu’un comportement imputable à l’Administration cause un dommage à un administré, celui-ci ouvre droit à indemnisation. Il arrive, cependant, que le juge administratif écarte la responsabilité de l’autorité administrative lorsqu’il considère que ledit préjudice résulte non d’un fait qui lui est imputable, mais de la situation illégitime dans laquelle la victime s’est sciemment placée. C’est un tel problème qui est posé dans l’arrêt Imbert, objet de ce propos.

Dans cette affaire, M. Imbert exploitait, sans autorisation, un établissement d’élevage de sangliers. Le préfet du Puy-de-Dôme l’a mis en demeure de régulariser cette situation, notamment, par le dépôt d’une demande d’autorisation. Constatant que les exigences posées n’avaient pas été respectées, le préfet du Puy-de-Dôme ordonna, par un arrêté du 11 Octobre 2000,   l’abattage des sangliers. Cet arrêté fut annulé par la juridiction administrative au motif que la décision de détruire ce cheptel n’était pas justifiée. Par la suite, M. Imbert a saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand pour obtenir réparation du préjudice ainsi subi, mais sa requête a été rejetée le 30 Avril 2008. Il a donc saisi le Cour administrative d’appel de Lyon, mais celle-ci a, le 8 Avril 2010, refusé d’indemniser ce préjudice au motif que celui-ci résultait de l’irrégularité de la situation dans laquelle M. Imbert s’était placé. L’intéressé se pourvoit donc en cassation devant le Conseil d’Etat qui, le 30 Janvier 2013, lui accorde une indemnisation partielle en considérant qu’une partie du préjudice est imputable non à l’illégalité de la cette situation, mais à une faute de l’Administration.

Avec cet arrêt, la Haute juridiction synthétise l’ensemble de sa jurisprudence sur l’exception d’irrégularité. Cette théorie vise à écarter la réparation d’un préjudice lorsque celui-ci résulte de l’illégalité de la situation dans laquelle la victime du dommage s’est sciemment placée. Elle peut, alors, être rapprochée de la théorie de l’exception de risque acceptée. Longtemps, elle fut appréhendée par le juge administratif au travers de considérations tant juridiques que morales. Mais, avec le temps, ce mécanisme s’est vu réserver un contenu quasi-exclusivement juridique, devenant, ainsi, un élément d’appréciation de la causalité entre des faits et un dommage. C’est  ce mécanisme, ainsi juridicisé, que l’arrêt Imbert vient synthétiser en disposant qu’il y aura absence de réparation si le dommage découle directement et exclusivement de la situation irrégulière de la victime. Le juge réserve, cependant, une possibilité d’indemnisation partielle si une partie du dommage résulte d’une faute de l’Administration.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, le mécanisme général de l’exception d’irrégularité (I), puis d’analyser, dans une seconde partie, l’apport de l’arrêt Imbert à ce mécanisme (II).

  • I – Le mécanisme général de l’exception d’irrégularité
    • A – Un objectif : prendre en compte la situation illégitime de la victime
    • B – Une théorie qui a évolué avec le temps
  • II – L’apport de l’arrêt Imbert à la théorie de l’exception d’irrégularité
    • A – Des principes posés
    • B – Des principes appliqués
  • CE, 30/01/2013, M. Imbert

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