Le droit administratif regorge d’originalités. Certaines d’entre elles concernent la responsabilité que peut encourir la puissance publique. Ainsi, le Conseil d’Etat a, depuis longtemps, développé diverses hypothèses de responsabilité sans faute. Certaines d’entres se fondent sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques : et le juge a admis d’engager la responsabilité de l’Etat du fait des lois et des conventions internationales. Plus célèbres pour le principe qu’elles posent que pour leurs applications positives, ces jurisprudences trouvent, cependant, de temps à autre matière à s’appliquer. Ainsi, en va-t-il dans l’affaire étudiée.

Dans cette affaire, Mme. Susliawati a été embauchée comme femme de ménage auprès de Mr. Macki, diplomate représentant le Sultanat d’Oman auprès de l’UNESCO. En réalité, la requérante a été victime d’une forme de travail forcé. Elle a donc poursuivi, avec succès, le diplomate devant le juge civil pour obtenir une indemnisation. Mais, ce dernier a toujours opposé à Mme. Sisilawati l’immunité d’exécution dont il dispose, immunité qui empêche toute exécution des décisions du juge civil. Après 7 ans de procédures infructueuses, l’intéressée a donc saisi le juge administratif pour obtenir de celui-ci la réparation du préjudice causé sur le fondement de l’égalité devant les charges publiques. Tant le tribunal administratif de Paris que la cour administrative d’appel ont rejeté cette requête. Saisi en cassation, le Conseil d’Etat estime, au contraire, que Mme. Susilawati avait droit à une réparation.

Pour parvenir à cette solution, le Conseil d’Etat applique une jurisprudence ancienne permettant la réparation par l’Etat des préjudices causés par les conventions internationales. Consacrée, à l’origine, à propos de la responsabilité du fait des lois, cette jurisprudence va, en 1966, être étendue aux dommages causés par les traités internationaux. En l’espèce, était en cause la Convention de Vienne sur les immunités dont bénéficient les diplomates. La requérante estime, ainsi, qu’elle n’a pu obtenir réparation du préjudice causé du fait de l’immunité attribué à Mr. Macki sur la base de ladite convention. Elle estime donc que son préjudice trouve sa source dans un traité international. Cette position est celle que prend le Conseil d’Etat. Celui-ci estime, ainsi, que la convention en cause n’a pas exclu l’indemnisation des préjudices qu’elle pourrait causer et qu’elle a été régulièrement introduite dans l’ordre juridique interne. Surtout, le juge administratif suprême se livre à une analyse détaillée du préjudice. En effet, ce dernier doit présenter certaines caractéristiques pour être indemnisable. Ainsi, il doit d’abord être spécial : le Conseil d’Etat écarte, en l’espèce, l’exception du risque accepté et l’argument selon lequel le nombre de victimes serait important. Puis, après avoir jugé que le dommage est anormal, la Haute juridiction le qualifie de certain, ce qui pose la question de l’appréciation par le juge des effets de l’immunité dont dispose Mr. Macki.

Il convient donc de tenter de définir, dans une première partie, la responsabilité de l’Etat du fait des conventions internationales (I), puis d’analyser, dans une seconde partie, les caractères que doit présenter le préjudice pour être indemnisable (II).

  • I – Un principe : la responsabilité de l’Etat du fait des conventions internationales
    • A – Des concepts classiques dépassées
    • B – Une consécration : l’arrêt Cie.générale d’énergie radioélectrique
  • II – Des conditions : les caractères du préjudice
    • A – Un préjudice anormal et spécial
    • B – Un préjudice certain
  • CE, 11/02/2011, Mme. Susilawati

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