Les problématiques internationales n’ont cessé d’occuper, depuis la seconde moitié du XX° siècle, le devant de la scène contentieuse en droit administratif. Les positions prises par le juge administratif français en la matière sont de nature à impacter les rapports de la France avec les ordres juridiques internationaux auxquels elle participe, voir même ses relations diplomatiques. C’est cette seconde hypothèse qui est en cause dans l’arrêt présentement commenté.

Dans cette affaire, Mme. Cheriet-Benseghir, titulaire d’un diplôme de docteur en médecine délivré en 1997 par l’Institut national d’enseignement supérieur en sciences médicales d’Oran, souhaitait exercer la profession de médecin en France. Elle considérait détenir les diplômes requis par le Code de la santé publique pour exercer cette profession. En effet, l’article 5 de la déclaration gouvernementale du 19/03/1962 relative à la coopération culturelle entre la France et l’Algérie prévoit que « les grades et diplômes d’enseignement délivrés en Algérie et en France, dans les mêmes conditions de programmes, de scolarité et d’examen, sont valables de plein droit dans les deux pays ».Sur cette base, elle a donc demandé son inscription au tableau de l’ordre des médecins en France.

Le Conseil national de l’ordre des médecins français, confirmant ses instances départementale et régionale, a, cependant, par une décision du 19/03/2008, rejeté cette demande au motif que le diplôme de Mme. Cheriet-Benseghir ne pouvait être considéré comme valable de plein droit en France : en effet, pour l’autorité médicale, l’article 5 de la déclaration de 1962 ne peut être invoqué par l’intéressée faute d’application réciproque de ladite déclaration par l’Etat algérien.

Mme. Cheriet-Benseghir saisit, donc, le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation de la décision du 19/03/2008. Le 9 juillet 2010, la Haute juridiction rejette, par un arrêt d’assemblée, la requête au motif que si la convention est, contrairement aux arguments soulevés par la partie adverse, bien applicable, Mme. Cheriet-Benseghir ne remplit pas les conditions pour bénéficier de ses dispositions.

L’essentiel de la controverse contentieuse porte donc sur l’application réciproque de la déclaration du 19/03/1962 par l’Etat algérien. Il s’agit là de la condition, dite de réciprocité, prévue par l’article 55 de la Constitution du 04/10/1958 au terme duquel une convention internationale n’a une autorité supérieure à celle des lois françaises, et n’est a fortiori applicable en France, que dès lors qu’elle est appliquée par l’autre partie signataire. Jusqu’à l’arrêt présentement commenté, le juge administratif ne s’estimait pas compétent pour en contrôler le respect et procédait, lorsque la question était soulevée devant lui, à un renvoi préjudiciel au ministre des affaires étrangères dont l’avis s’imposait à lui. Elément fondamental de la primauté des traités sur les lois, cette question allait être renouvelée lorsque, par son arrêt Nicolo, le Conseil d’Etat donna sa pleine portée à l’article 55 de la Constitution. A partir de cette date, le juge administratif décida de se doter des outils lui permettant de contrôler le respect des conditions de cette autorité. C’est ce que fait le Conseil d’Etat en l’espèce à propos de la condition de réciprocité dont il estime qu’il lui revient, désormais, d’en apprécier le respect.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, la condition de réciprocité en tant qu’elle est au cœur de l’autorité des traités sur les lois (I) et, dans une seconde partie, l’appréciation désormais souveraine de cette condition par le juge administratif (II).

  • I – Une condition au cœur de l'autorité des traités sur les lois
    • A – Les contours de la condition de réciprocité
    • B – Une question renouvelée par la jurisprudence Nicolo
  • II – Une condition souverainement appréciée par le juge administratif
    • A – Les déterminants du revirement
    • B – Une autonomie du juge administratif consacrée
  • CE, ass., 9/07/2010, Mme. Cheriet-Benseghir

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