L’administration dispose de plusieurs moyens d’actions parmi lesquels on retrouve l’acte réglementaire. Le Professeur Didier Truchet le définit comme « un acte administratif unilatéral général et impersonnel. Il s’adresse anonymement à ceux auxquels ils s’appliquent. Peu importe le nombre des intéressés (…). L’important est que l’autorité qui prend l’acte veut qu’il s’applique à tous ceux qui entrent dans son champ d’application (…). Bien sûr, seule une autorité disposant du pouvoir réglementaire peut prendre des actes réglementaires, dans la limite de sa compétence » (D. Truchet, Droit administratif, 7e Ed., Coll. Thémis, PUF, 2017, p. 247). Le gouvernement dispose notamment de ce pouvoir réglementaire, dans un cadre constitutionnel précis : la Constitution du 4 octobre 1958 opère une distinction claire entre domaine de la loi et domaine réglementaire (art. 34 et 37). L’article 21 de notre Constitution précise que, sous certaines conditions, le Premier Ministre « exerce le pouvoirréglementaire ». Il faut distinguer le règlement autonome, du règlement d’application qui est pris uniquement en appui d’un texte législatif. Aussi, conformément aux dispositions du Code de justice administrative (CJA), il faut rappeler que le Conseil d’État est notamment juge en premier et dernier ressort pour les recours dirigés contre les décrets et actes réglementaires du gouvernement (v. notamment : CJA, art. R. 311-1 2°). L’autorité réglementaire n’agit pas dans un cadre totalement libre, mais dans celui fixé par l’ensemble des normes supérieures, notamment les traités internationaux.

En l’espèce, la Compagnie Alitalia, société italienne implantée à Rome, a demandé au Premier ministre, en date du 2 août 1985, d’abroger l’article 1er du décret du 27 juillet 1967 et plusieurs dispositions du décret du 29 décembre 1979 codifiées au sein du Code général des impôts. La société argue de l’incompatibilité entre ces dispositions concernant le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les objectifs figurant dans la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977.

Malgré un délai de quatre mois, le Premier Ministre n’a pas répondu à cette demande. Dans une requête enregistrée le 11 décembre 1985, la Compagnie a donc demandé au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet du Chef du gouvernement. La Haute-juridiction est donc amenée à se prononcer à la fois sur la question de l’abrogation d’un acte réglementaire illégal et sur les effets juridiques internes d’une directive européenne.

En donnant raison à la Compagnie Alitalia, les juges du Palais-Royal font évoluer, de manière considérable, la jurisprudence en matière d’abrogation des règlements (I) et permettent une expansion non-négligeable des effets juridiques reconnus à une directive européenne (II).

  • I – Une considérable évolution jurisprudentielle en matière d’abrogation d’actes réglementaires illégaux
    • A - Une jurisprudence antérieure relativement incertaine
    • B - La reconnaissance d’une obligation d’abroger les règlements illégaux
  • II – L’expansion non-négligeable des effets juridiques reconnus aux directives européennes
    • A - La particularité initiale des directives : l’absence d’effet direct
    • B - Une évolution favorable de la jurisprudence française
  • CE, ass., 03/02/1989, Cie. Alitalia

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