Les métiers d’art se distinguent de l’artisanat traditionnel en ce qu’il repose sur des savoir-faire d'excellence. Etienne Vatelot, président d'honneur du Conseil des Métiers, déclarait ainsi : « Les métiers d'art sont un des laboratoires du futur. Dans leurs ateliers, les quelques trente mille artisans d'art français s'ingénient à restaurer, reproduire, réparer et créer les objets de l'art. Les restaurations des tableaux du Louvre ou du dôme des Invalides, les statues du jardin des Tuileries, les broderies des collections de haute couture et les vitraux de la cathédrale de Chartres … Le travail des maîtres d'art est partout présent dans notre vie quotidienne ».
Ce secteur représente, en France, selon les estimations actuelles, plus de 60 000 entreprises et 150 000 professionnels pour un chiffre d'affaires cumulé estimé à 19 milliards d'euros en 2019, dont 8 milliards à l'export. Cet écosystème repose à 80 % sur la créativité et l'expertise d'artisans indépendants. Il s’agit, pour l’économie française, d’un actif patrimonial majeur et d’un secteur d'avenir où la France partage avec un très petit nombre de pays l'image de leader. Ainsi s’explique que les pouvoirs publics mènent, depuis plusieurs années, différentes politiques publiques visant à soutenir ce secteur stratégique. Le dernier plan en date remonte au 30 mai 2023, date à laquelle le ministère de la culture et le ministère délégué chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme ont annoncé conjointement les grands axes de la stratégie nationale en faveur des métiers d'art.
L’un des outils de soutien à ce secteur est le crédit d’impôt en faveur des métiers d’art (CIMA). Ce crédit d’impôt a été instauré par l’article 45 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005. Son régime est codifié à l’article 244 quater O du Code général des impôts (CGI), dont les dispositions sont précisées par le Bulletin officiel des finances publiques (BOFIP) n° BOI-BIC-RICI-10-100 dans sa version du 24 mars 2021. Initialement prévu pour une durée de 2 ans, ce dispositif fiscal est régulièrement reconduit. C’est ainsi que la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 a prorogé ce dispositif pour trois ans (soit jusqu’au 31 décembre 2026).
Le CIMA est souvent l’objet de controverses juridiques et politiques. En effet, les conditions posées par les textes pour en bénéficier sont sujettes à discussion du fait de leur imprécision ou de leur caractère incomplet. Aussi, leur analyse s’avère importante pour permettre de mieux cerner les contours de ce crédit d’impôt.
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, le champ d’application du CIMA (I), d’analyser, dans une deuxième partie, le calcul du CIMA (II) et d’examiner, dans une troisième partie, le contrôle du CIMA (III).
Le champ d’application du CIMA est circonscrit à certaines entreprises (A) et à certaines activités (B).
L’article 244 quater O III définit trois catégories d’entreprises éligibles au dispositif du CIMA : les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art représentent au moins 30 % de la masse salariale (1), les entreprises industrielles des secteurs de l’horlogerie, de la bijouterie, … (2) et les entreprises portant le label « Entreprise du patrimoine vivant » (3). Il doit être précisé que ces entreprises doivent être imposées à l'impôt sur les bénéfices d'après leur bénéfice réel et que ce crédit d’impôt est applicable tant aux entreprises dont les résultats sont imposés à l'impôt sur le revenu ou qu’à celles relevant de l'impôt sur les sociétés.
En vertu de l’article 244 quater O III 1° du CGI, peuvent bénéficier du CIMA « les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale ». Ce seuil est apprécié en tenant compte du total des charges de personnel relatives aux salariés exerçant un métier d’art au sens des dispositions précitées, y compris la part ne se rapportant pas à l'activité de restauration du patrimoine ou à la réalisation de travaux de création d’ouvrages uniques ou en petite série pour les salariés qui ne sont pas exclusivement affectés à ce type de travaux (n° 10 du BOFIP).
L’arrêté visé par cet article est l’arrêté du 24 décembre 2015. Celui-ci recense 198 métiers d'art et 83 spécialités répartis en 16 domaines (architecture et jardins, ameublement et décoration, métal, céramique, verre et cristal, …). Les métiers d’art visés par ce texte sont ceux qui sont mentionnés dans la colonne « métiers » du tableau figurant en annexe de l’arrêté et non ceux indiqués dans la colonne « spécialités » de ce même tableau. Le Tribunal administratif de Dijon a, ainsi, jugé qu’un ébéniste peut bénéficier du CIMA dès lors que ce métier figure sur la liste des métiers d’art posée par l’arrêté du 12 décembre 2003 (qui a précédé à l’arrêté du 24 décembre 2015). L’existence d’une spécialité rattachée à ce métier n’a, donc, pas pour effet de réserver le bénéfice dudit crédit aux seuls ébénistes exerçant cette spécialité (TA Dijon, 16/03/2010, n° 08-2864, 2° ch., Goyon).
Il est, toutefois, possible de considérer que cette condition est une condition nécessaire mais non suffisante. En effet, l’arrêté du 24 décembre 2015 a été pris en application de l'article 20 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. Or, cet article donne une définition des métiers d’art qui est susceptible d’emporter des conséquences fiscales. Celui-ci dispose ainsi que « relèvent des métiers d'art, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat, les personnes physiques ainsi que les dirigeants sociaux des personnes morales qui exercent, à titre principal ou secondaire, une activité indépendante de production, de création, de transformation ou de reconstitution, de réparation et de restauration du patrimoine, caractérisée par la maîtrise de gestes et de techniques en vue du travail de la matière et nécessitant un apport artistique. La liste des métiers d'art est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'artisanat et de la culture. » En d’autres termes, selon cette disposition, pour être reconnu comme exerçant un métier d’art, un artisan doit, en plus de ses compétences traditionnelles, donner à son travail une dimension artistique.
Cette conclusion apparaît confirmée par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de cette définition lors du vote de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dont l’article 9 a modifié l’article 20 de la loi du 5 juillet 1996. Ainsi, dans son rapport fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, M. Didier Marie considérait que « si les métiers cités [dans l’arrêté du 12 décembre 2003] sont ceux des artisans d'art, ils peuvent également correspondre à l'activité d'artisans dont la pratique ne comporte aucune dimension artistique. Aucun critère, au sein de cette liste, ne permet de poser clairement la frontière entre artisanat traditionnel et artisanat d'art. Ainsi, les ébénistes peuvent être des artisans, sans pour autant être des artisans d'art. » En adoptant cette disposition, les sénateurs visaient à valoriser l’artisanat d’art et à mieux cibler les politiques publiques de soutien à ce secteur.
Cette approche a été retenue par le Tribunal administratif de Lyon (TA Lyon, 24/04/2012, n° 1003809, 6° ch., SARL Loire Confection Literie). Dans cette affaire, une entreprise de fabrication et de négoce d’articles de literie (oreillers, couettes, édredons, matelassages à façon) demandait à bénéficier du CIMA au motif que l’arrêté du 12 décembre 2003 faisait figurer dans la liste desdits métiers, dans la catégorie « textile », la fabrication d’objets décoratifs en tissus. Cette position n’a pas été retenue par le juge : celui-ci a considéré que « la fabrication de simples articles de literie, même décorés et surpiqués, ainsi que de couvertures matelassées, oreillers, traversins, couettes, édredons, ne peut être regardée comme la fabrication d’objets décoratifs présentant un caractère artistique ou d’artisanat d’art au sens des dispositions précitées de l’arrêté du 12 décembre 2003 ». Par ce considérant, le Tribunal regardait la mention du métier au sein de la liste dressée par l’arrêté du 12 décembre 2003 comme une condition nécessaire, mais non suffisante. Il exigeait, en outre, que l’activité présente un « caractère artistique ou d’artisanat d’art ».
Cette définition légale des métiers d’art posée par l’article 20 de la loi du 05 juillet 1996 peut donc être considérée comme emportant des conséquences sur le dispositif fiscal du CIMA. En effet, l’article 244 quater O III 1° du CGI et le BOFIP n° BOI-BIC-RICI-10-100 se fondent, notamment, sur l’arrêté du 24 décembre 2015 pour déterminer les entreprises pouvant bénéficier du CIMA. Or, cet arrêté a été pris en application de l’article 20 de la loi de 1996. Il doit donc être lu à l’aune de la définition légale des métiers d’art ainsi posée. Ces dispositions peuvent donc être regardées comme formant un tout juridiquement indissociable pour délimiter le champ d’application du CIMA en conduisant à distinguer artisanat traditionnel et artisanat d’art. D’ailleurs, la dernière version de ce BOFIP en date du 24 mars 2021 fait référence à l’arrêté du 24 décembre 2015 en rajoutant que celui-ci a été pris « en application de l’article 20 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat » (n° 10). Pour l’heure, toutefois, aucun arrêt du juge administratif n’a formellement retenu cette argumentation.
Le dispositif du CIMA concerne, également, en vertu de l’article 244 quater O III 2°, « les entreprises industrielles des secteurs de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l'orfèvrerie, de la lunetterie, des arts de la table, du jouet, de la facture instrumentale et de l'ameublement ». En plus de cibler des secteurs d’activités spécifiques, cette disposition impose qu’il s’agisse d’entreprises industrielles. Les activités industrielles peuvent se définir comme celles qui concourent directement à l'élaboration ou à la transformation de biens corporels mobiliers, en d’autres termes en la transformation de matières premières ou de produits semi-finis en produits fabriqués. Aussi, le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre doit être prépondérant (n° 10 du BOFIP).
Les nomenclatures des activités et des produits concernés ont été définies par l’arrêté du ministre chargé de l'industrie du 14 juin 2006.
Sont également éligibles au CIMA, au terme de l’article 244 quater O III du 3° du CGI, « les entreprises portant le label " Entreprise du patrimoine vivant " au sens de l’article 23 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. »
L’article 23 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprise dispose ainsi : « Il est créé un label Entreprise du patrimoine vivant pouvant être attribué à toute entreprise qui détient un patrimoine économique, composé en particulier d'un savoir-faire rare, renommé ou ancestral, reposant sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité et circonscrit à un territoire. Le label Entreprise du patrimoine vivant est attribué selon des critères et des modalités définis par décret en Conseil d'Etat ». Ce label peut être attribué à une entreprise même si elle exerce une activité qui ne relève pas des métiers d’art énumérés dans l’arrêté du 24 décembre 2015 fixant la liste des métiers d'art.
Deux activités sont éligibles au CIMA : la création d’ouvrages réalisés en un exemplaire ou en petite série (1) et la restauration du patrimoine (2).
Jusqu’au 31 décembre 2012, les activités éligibles au CIMA étaient les activités de « conception de nouveaux produits ». L’article 244 quater O I 1° du CGI visait ainsi « la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III ». L’article 49 septies ZL de l’Annexe III du même code précisait cette disposition : « Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes. » La jurisprudence résumait ces dispositions en exigeant la production d’un « travail de création original » et considérait comme insuffisants le fait que le produit soit fabriqué sur mesure et qu’il nécessite la mise en œuvre d’un savoir-faire exigeant pour répondre à la demande individuelle d’un client (par exemple : CAA Nancy, 2° chambre, 12/11/2020, 19NC00060).
Ces critères ont été considérés comme trop difficiles à mettre en œuvre et ont donné lieu à des appréciations divergentes de la part de l’administration fiscale. Aussi, l'article 35 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 est venue substituer à la notion de « conception de nouveaux produits » celle de « création d'ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série » censée être plus appréhendable juridiquement.
Désormais, selon l’article 244 quater O I 1° du CGI (applicable à compter du 1° janvier 2013), l’activité doit consister en « la création d'ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série. La création d'ouvrages uniques, réalisés en un exemplaire ou en petite série, se définit selon deux critères cumulatifs : a) Un ouvrage pouvant s'appuyer sur la réalisation de plans ou maquettes ou de prototypes ou de tests ou encore de mise au point manuelle particulière à l'ouvrage ; b) Un ouvrage produit en un exemplaire ou en petite série ne figurant pas à l'identique dans les réalisations précédentes de l'entreprise. » Cette notion d’ouvrages réalisés en un exemplaire ou en petite série a été précisée par le BOFIP n° BOI-BIC-RICI-10-100 : celui-ci l’a circonscrite aux biens meubles corporels (n° 20 du BOFIP). Le même texte a, par ailleurs, détaillé les exigences à respecter pour satisfaire les deux séries de conditions.
Sur le premier point, certaines entreprises ont considéré que ce BOFIP ajoutait à la loi et méconnaissait le champ d’application du CIMA en restreignant celui-ci aux seuls ouvrages ayant le caractère de biens meubles corporels. Elles considéraient que la notion « d’ouvrages » devait être entendue dans un sens large comprenant tant les biens que les services. Aussi, ce texte dans sa version du 25 septembre 2013 a-t-il fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État (CE, 8° et 3° s.s., 09/04/2014, So. Anges & Design et autres, n° 373436, 373437, 373438).
Dans ses conclusions, le rapporteur public a évoqué les travaux parlementaires ayant eu lieu à l’occasion de l’adoption du nouveau dispositif et a cité la position du ministre de l’économie : celui-ci considérait que même l’ancien dispositif était réservé aux seuls biens meubles corporels (voir la notion « d’objets industriels ou artisanaux existants » de l’ancien article 49 septies ZL de l’Annexe III du CGI). Il a, aussi, évoqué plusieurs décisions de tribunaux administratifs excluant les prestations de services de l’ancien dispositif, ainsi que le critère d’unicité ou de petite série qui se réfère nécessairement à des biens meubles corporels. Il a, alors, conclu qu’antérieurement à la loi de finances rectificative pour 2012, le CIMA était déjà réservé aux seuls biens meubles corporels et que l’article 35 de cette même loi, qui avait pour objet de restreindre le champ d’application du CIMA, ne pouvait, donc, avoir eu pour effet de l’étendre aux prestations de services.
Le Conseil d’Etat a suivi cette position en décidant : « 3. Considérant que ces dispositions, issues de l'article 35 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, réservent désormais le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art aux entreprises exerçant une activité de " création d'ouvrages uniques, réalisés en un exemplaire ou en petite série ", alors que pouvaient bénéficier de ce crédit d'impôt, dans la rédaction antérieure à cette loi, les activités de " conception de nouveaux produits " ; qu'ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires, cette modification a eu pour objet de restreindre les activités pouvant bénéficier de ce crédit d'impôt, en excluant du bénéfice de ce dispositif, par l'emploi du mot " ouvrage ", d'une part les activités de prestation de service, d'autre part, celles conduisant à la production de biens immeubles ou de biens meubles incorporels ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'en réservant le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art aux seules entreprises exerçant une activité de production de biens meubles corporels, le paragraphe 20 de l'instruction litigieuse aurait ajouté un critère que les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts ne prévoyaient pas et, ainsi, méconnu ces dispositions, doit être écarté. »
Sur le second point, les opérations de création d’ouvrages uniques réalisés en un seul exemplaire ou en petite série se définissent selon deux critères cumulatifs. Le premier suppose que la création de l’ouvrage s’appuie sur la réalisation de plans ou maquettes ou de prototypes ou de tests ou encore de mise au point manuelle particulière à l’ouvrage (n° 60 du BOFIP). Ainsi, l’entreprise doit pouvoir justifier d’un travail de recherche et de création en amont de la production qui se traduit par la réalisation d'un plan, d'une maquette ou d’un prototype, de tests permettant d'éprouver les qualités et le bon fonctionnement de l'ouvrage, ou par une mise au point manuelle particulière à l'ouvrage, c’est-à-dire la mise en œuvre d’un savoir-faire nécessitant une technicité éprouvée.
Le second critère suppose que l’ouvrage soit réalisé en un seul exemplaire ou en petite série et qu’il ne figure pas à l’identique dans les réalisations précédentes de l’entreprise. Ainsi, l’ouvrage peut être réalisé en un exemplaire unique. Cette unicité peut aussi s’entendre de la production de pièces réalisées sur mesure conformément à la commande d’un client (n° 90 du BOFIP). La notion de petite série s’entend, elle, d’une production de quelques dizaines d'unités (n° 70 du BOFIP). Au-delà, les dépenses de création correspondantes ne sont pas éligibles au CIMA. Pour certains ouvrages, l'unité est composée de plusieurs éléments, dès lors que la preuve peut être apportée de l’indissociabilité de ces derniers : par exemple, dans le cas des arts de la table, l’unité considérée est le service et non l’assiette. Enfin, ces ouvrages ne doivent pas être identiques aux réalisations précédentes de l’entreprise, au regard notamment (critères non cumulatifs) de leur forme, de leurs fonctionnalités, des matériaux qui les composent ou de leurs lignes (n° 80 du BOFIP).
Il s’agit là du second type d’activité éligible au CIMA. Prévue par l’article 65 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 et applicable à compter du 1° janvier 2017, cette hypothèse vise les entreprises œuvrant dans le domaine de la restauration du patrimoine (n° 95 du BOFIP). Elle ne concerne, toutefois, que les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un métier d’art représentent au moins 30 % de la masse salariale et celles portant le label « Entreprise du patrimoine vivant ».
L'activité de restauration du patrimoine ouvre droit au CIMA lorsqu'elle est exercée sur le patrimoine matériel définit au premier alinéa de l’article L. 1 du Code du patrimoine. Celui-ci prévoit que « le patrimoine s'entend, au sens du présent code, de l'ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique. »
Pour déterminer le montant du CIMA d’une entreprise, il convient d’évaluer les dépenses éligibles (A) et de procéder au calcul dudit crédit selon certaines modalités (B).
Il existe quatre types de dépenses éligibles au CIMA : les salaires (1), les dotations aux amortissements (2), les frais liés aux dessins et modèles (3) et les dépenses confiées à des stylistes ou des bureaux de style (4).
Les salaires et charges sociales des salariés directement affectés aux travaux de création d’un ouvrage unique ou fabriqué en petite série (art. 244 quater O I 1° du CGI) et à l’activité de restauration du patrimoine (art. 244 quater O I bis 1° du CGI) sont éligibles au CIMA (n° 100 et s. du BOFIP).
Les salariés concernés sont ceux qui sont liés à l’entreprise par un contrat de travail et qui participent réellement l’une de ces deux activités. Il s’agit, plus précisément, des personnes qui, au sein de l’entreprise, maîtrisent une technique ou un savoir-faire et qui interviennent dans le travail de création ou de transformation de la matière. Cela inclut les apprentis, mais exclut, en revanche, les stagiaires. Ne sont, également, pas visés les personnels affectés à un poste administratif, tel que le secrétariat ou le service comptable, à un poste de commercial ou ceux qui assurent les services tels que les transports et les livraisons. Dans l’hypothèse où le salarié exerce, en partie, d’autres fonctions, le montant des charges de personnel éligibles au crédit d’impôt est calculé au prorata temporis.
Les éléments à prendre en compte concerne les salaires proprement dits, mais aussi les charges sociales dès lors qu’elles correspondent à des cotisations obligatoires. Sont, ainsi, à comprendre, les cotisations patronales légales ou conventionnelles à caractère obligatoire versées par l’entreprise, assises sur des éléments de rémunération éligibles au crédit d’impôt et ouvrant directement droit, au profit des personnels concernés ou de leurs ayant-droits, à des prestations et avantages. Sont, donc, exclus de la base du CIMA les versements dus par l’employeur qui sont sans contrepartie directe pour les salariés.
S’agissant des dirigeants, seules les rémunérations ayant la nature de salaires (ainsi que les charges sociales relatives à ces salaires) peuvent être prises en compte dans la base de calcul du crédit. Les rémunérations des dirigeants non salariés ne peuvent, en revanche, pas être incluses dans la base de calcul du CIMA, quand bien même ils participeraient aux opérations de création d’ouvrages uniques ou en petite série ou à l'activité de restauration du patrimoine.
Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l’état neuf sont, également, éligibles au CIMA (art. 244 quater O I 2° et I bis 2° du CGI ; n° 120 et s. du BOFIP).
Les immobilisations visées sont les immobilisations tant corporelles ou qu’incorporelles. Toutefois, ces immobilisations doivent avoir été créées ou acquises à l'état neuf et être directement affectées à la création d'ouvrages uniques réalisés en un seul exemplaire ou en petite série et à la réalisation de prototypes ou à l'activité de restauration du patrimoine. Les dotations aux amortissements desdites immobilisations sont calculées au prorata de leur utilisation pour les activités éligibles.
Les frais afférents aux dessins et modèles sont également éligibles au CIMA. Ces frais sont de deux sortes.
Il s’agit, d’abord, des frais de dépôt des dessins et modèles relatifs à la création d'ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série ou relatifs à l'activité de restauration du patrimoine (art. 244 quater O I 3° et I bis 3° du CGI ; n° 140 du BOFIP). L’on trouve : les honoraires versés aux conseils et mandataires en dessins et modèles habilités auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), les honoraires versés aux mandataires chargés du dépôt des dessins et modèles directement à l’étranger ou à l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) pour le(s) pays désigné(s) par l’entreprise, à la condition que les dessins et modèles soient également déposés en France, les frais de traduction le cas échéant et les droits divers perçus par l’INPI et par les organismes étrangers ou internationaux qui assurent la protection des dessins et modèles. Les dépenses exposées pour le dépôt d’un brevet ne sont, en revanche, pas éligibles au CIMA.
Il s’agit, ensuite, des frais de défense des dessins et modèles (art. 244 quater O I 4° et I bis 4° du CGI ; n° 150 du BOFIP). Ces frais peuvent être exposés en « interne » (service juridique de l’entreprise) ou en « externe » (par l’intermédiaire d’un conseil). Ils sont les suivants : frais de justice, dont les émoluments des auxiliaires de justice (avocats, experts judiciaires), dépenses de personnel supportées par l’entreprise au titre de l’activité de défense des dessins et modèles (rémunérations et charges sociales des salariés, au prorata du temps consacré à cette activité). En revanche, ne sont pas éligibles les dépenses supportées par l’entreprise consécutivement à une condamnation (dommages et intérêts, amendes, …). Ces frais sont pris en compte dans l'assiette de calcul du crédit d'impôt dans la limite d'un plafond annuel de 60 000 € par entreprise, quel que soit le nombre de dessins et modèles qui font l’objet d’une protection.
Le dernier type de dépenses composant la base du CIMA concerne les dépenses confiées à des stylistes ou bureaux de style (art. 244 quater I 6° et I bis 5° du CGI ; n° 160 du BOFIP). Est considéré comme un styliste ou bureau de style toute entreprise qui procède, pour le compte de l’entreprise bénéficiaire du CIMA, à des opérations d’élaboration de nouvelles collections ou gammes de produits. Ainsi, les dépenses confiées à des concepteurs externes tels que les designers, les stylistes ou les bureaux d'études sont éligibles au crédit d'impôt. Aucun agrément de ces professionnels n’est exigé pour l’application de ce dispositif. Les dépenses éligibles peuvent notamment prendre la forme de rémunérations forfaitaires correspondant à un pourcentage de chiffre d’affaires annuel se rapportant aux nouveaux modèles créés dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et qu'elles ne sont pas excessives eu égard au service rendu.
Le CIMA est, quelle que soit la date de clôture et la durée de l’exercice, calculé par année civile (art. 244 quater O IV du CGI). Ainsi, lorsque l'entreprise clôture son exercice en cours d'année, le crédit d'impôt est calculé en prenant en compte les dépenses éligibles engagées au cours de la dernière année civile écoulée
Son calcul suppose, d’abord, de faire la somme des différentes dépenses éligibles. Les mêmes dépenses ne peuvent, toutefois, à la fois, entrer dans la base de calcul du CIMA et dans celle d’un autre crédit d’impôt (art. 244 quater O VI du CGI ; n° 240 du BOFIP). Ainsi, le cumul du CIMA avec un autre crédit d’impôt est possible à la condition que les dépenses ne soient prises en compte qu’une seule fois par l’entreprise (soit dans la base de calcul du CIMA, soit dans la base de calcul d’un autre crédit d’impôt). Il doit, également, être déduit de cette somme les subventions publiques éventuellement perçues par l’entreprise pour financer des dépenses éligibles (art. 244 quater O V du CGI). L’entreprise devra, donc, déduire la subvention publique destinée à financer des dépenses éligibles de la base de calcul du crédit d’impôt au titre de l’année au cours de laquelle elle lui a été versée. Toutefois, dans l’hypothèse où une subvention publique versée au cours d'une année N couvre des dépenses éligibles au crédit d'impôt qui sont quant à elles exposées par l'entreprise au cours des années suivantes (N+1, N+2, …), le montant de cette subvention doit faire l’objet d’une déduction au titre de l'année ou des années au cours de laquelle ou desquelles les dépenses éligibles sont exposées (n° 170 du BOFIP).
Le total des dépenses éligibles est, ensuite, pour obtenir le montant du CIMA de l’entreprise, multiplié par un taux de 10 % (art. 244 quater O I du CGI). Ce taux est porté à 15 % pour les entreprises portant le label « Entreprise du patrimoine vivant » (art. 244 quater O II du CGI).
Il faut noter que le CIMA fait l’objet de deux plafonnements (n° 190 du BOFIP). Le premier est national : ce crédit est, ainsi, limité à 30 000 € par an et par entreprise (art. 244 quater O II du CGI). Le second est européen. L'article 3 (§ 2) du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis prévoit que le montant total des aides de minimis octroyées par État membre à une entreprise unique ne peut excéder 200 000 € sur une période de trois exercices fiscaux (art. 244 quater O VI bis du CGI).
Une fois validé par l’administration fiscale, le CIMA peut faire l’objet de deux utilisations (n° 200 et s. du BOFIP). Il peut être imputé sur l'impôt sur les bénéfices dû par le contribuable ou l'entreprise au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses éligibles ont été exposées. Lorsque le montant de l'impôt est insuffisant pour imputer la totalité du crédit, l'excédent non imputé est restitué à l'entreprise. A cette fin, l’entreprise doit déposer une déclaration n° 2079 – ART – SD qui est la déclaration de calcul du CIMA.
Le CIMA peut faire l’objet d’un contrôle de la part des agents de deux services administratifs (n° 270 et s. du BOFIP).
Les premiers sont les agents du ministère chargé de l'industrie, du commerce et de l'artisanat. Ceux-ci disposent d'un droit de vérification de la réalité de la création d'ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série. Leur intervention peut résulter soit d’une initiative de leur propre ministère, soit d'une demande de l'administration fiscale lorsque l'appréciation de la condition tenant à la réalisation d’ouvrages en un seul exemplaire ou en petite série est nécessaire dans le cadre d'un contrôle ou d'un contentieux fiscal.
Pour exercer ce contrôle, ces agents envoient à l'entreprise une demande d'éléments justificatifs. L'entreprise dispose d’une délai de trente jours pour répondre, éventuellement prorogé de la même durée à sa demande. L'entreprise joint à sa réponse les documents nécessaires au contrôle de l'éligibilité des dépenses. Les éléments demandés comprennent notamment : les documents techniques nécessaires à l'appréciation de l'éligibilité des opérations de création d'ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série (épreuves, photos, catalogues justifiant l’absence de similitude avec les réalisations précédentes de l’entreprise), les documents fiscaux et comptables relatifs aux dépenses déclarées (qualification des salariés, tableau de calcul du temps consacré par chaque salarié à chaque ouvrage, bulletins de salaires, journal de paie, tableau des amortissements, …).
Une demande d'informations complémentaires peut être adressée à l’entreprise qui dispose, alors, d’un délai de trente jours pour répondre. Cette dernière a la faculté de demander un entretien afin de clarifier les conditions d'éligibilité des dépenses.
Ces agents peuvent, également, se rendre dans les locaux des entreprises après envoi d'un avis de visite pour effectuer un contrôle des mêmes documents et effectuer toutes constatations matérielles, procéder à des vérifications techniques en vue de s'assurer de la réalité de l'activité de production à laquelle les dépenses sont affectées.
A la suite de ce contrôle, les agents émettent un avis émis qui est notifié à l'entreprise et communiqué à la Direction générale des Finances publiques (DGFiP). Cet avis est motivé lorsque la réalité de la création d’ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série est contestée.
Les agents de l’administration fiscale (DGFIP) peuvent, également, contrôler le CIMA et procéder à l’examen des mêmes pièces justificatives. Ils demeurent, d’ailleurs, seuls compétents pour l'application des procédures de rectification au CIMA dans le cadre de l'exercice du droit de contrôle de l’administration fiscale, en d’autres termes pour remettre en cause le crédit d’impôt tant quant à l’éligibilité de l’entreprise au dispositif qu’au calcul du crédit. Si tel est le cas, une proposition de rectification motivée doit être adressée à l’entreprise. Celle-ci doit respecter le délai de reprise qui s'exerce jusqu'au terme de la troisième année suivant celle du dépôt de la déclaration pour le calcul du CIMA (déclaration n° 2079 – ART - SD). Par exemple, pour un CIMA relatif à l’année N, si la déclaration a été déposée en N+1, le délai de reprise de l'administration fiscale pourra s'exercer jusqu'au 31 décembre N+4.