En l’absence, à l’origine, de droit écrit, la notion de contrat administratif a été bâtie par voie prétorienne, jurisprudence après jurisprudence jusqu’à constituer un édifice relativement stable et cohérent. Les évolutions de ces jurisprudences sont demeurées contenues. Plus le droit écrit s’est étoffé, plus les hypothèses de qualification par les critères dégagés par le Conseil d’État sont devenues, en droit comme en fait, subsidiaires. À tel point, du reste, que l’on a pu, un temps, pensé éteints certains critères. L’arrêt CE, 1er juillet 2010, Société Bioenerg, req. n°333275 tend à démontrer, au contraire, la grande résilience de ces critères.

En l’espèce, la société Bioenerg intervient dans le domaine de la production autonome d’énergie électrique. La loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité a entendu réformer les modalités de production d’électricité. La société Bioenerg, après avoir obtenu une autorisation administrative préalable d’exploitation, à solliciter la conclusion d’un contrat auprès de l’opérateur historique. La signature du contrat a été soumise au respect de la conclusion préalable d’un contrat de comptage. La requérante a refusé cette condition et a sollicité du juge des référés de Lyon, statuant sur le fondement de l’article L.521-1 du Code de justice administrative, la suspension des décisions. Le juge administratif a rejeté la demande, par ordonnance contre laquelle la société Bioenerg se pourvoit en cassation devant le Conseil d’État.

La situation était en effet délicate. Le principe du contrat et ses modalités de conclusion étaient définies par un texte législatif. EDF agissait sur le fondement de ces dispositions. Le Conseil d’État s’est trouvé face à la question de savoir si un contrat tel que celui en cause devait, en l’absence de précision dans la loi et par application des critères prétoriens de reconnaissance du contrat administratif, être qualifié ainsi. La solution qu’apporte le Conseil d’État est intéressante à un double titre. En premier lieu, elle réaffirme la prégnance des critères développés par la jurisprudence antérieure, et notamment, celui de régime exorbitant du droit commun que l’on pensait éteint (I). D’autre part, elle reprécise l’articulation entre les actes unilatéraux d’une personne privée gravitant autour du contrat et leurs conséquences en droit administratif (II).

  • I - La réaffirmation de la validité des critères prétoriens
    • A - Une confirmation de l’hypothèse du mandat
    • B - Le régime exorbitant, un critère toujours opérant
  • II - Des précisions sur l’articulation entre actes et contrats administratifs
    • A - L’exclusion de la qualification d’acte administratif unilatéral
    • B - Une erreur de logique par le juge de première instance
  • CE, 01/07/2010, Société Bioenerg

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