« Par ce qui n’est qu’un apparent paradoxe, le succès de la QPC oblige à repenser le rôle et le fonctionnement du Conseil constitutionnel (…) » disait Jean-Jacques Urvoas, alors Président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, le 27 mars 2013 dans un rapport d’information présenté à l’Assemblée Nationale. Par ces mots, Jean-Jacques Urvoas signifie l’importance de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui en instituant la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) a largement modifié les attributions du Conseil constitutionnel.

La révision de la Constitution du 23 juillet 2008 s’appuie sur la procédure de l’article 89 de la Constitution. Elle s’apparente à la modification de la Constitution par le titulaire du pouvoir constituant dérivé car elle résulte d’un vote du Parlement réuni en Congrès et non pas d’un référendum. Elle a permis, notamment, de mettre en place la Question Prioritaire de Constitutionnalité. La QPC permet à un particulier de contester la constitutionnalité de dispositions législatives applicables à un litige qui le concerne. L’organe ayant la charge de se prononcer sur les QPC est le Conseil constitutionnel. Il s’agit d’un organe régulateur de l'activité des pouvoirs publics dont les modalités de fonctionnement et les attributions sont encadrées par le titre VII de la Constitution (articles 56 à 63). Le Conseil constitutionnel est composé de neuf membres nommés par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat. Les attributions classiques du Conseil constitutionnel concernent le contentieux électoral et référendaire ainsi que la conformité à la Constitution des lois, des règlements des assemblées et des engagements internationaux de la France. Suite à l’instauration de la QPC le Conseil a connu une évolution notable puisque son rôle s’est étendu au contrôle du respect des droits fondamentaux.

Historiquement, le Conseil constitutionnel avait été conçu comme un organe au service du parlementarisme rationalisé car il devait veiller au respect par le Parlement du domaine de la loi défini à l’article 34 de la Constitution. Tout au long de la Ve République son rôle s’est étoffé et il s’est progressivement érigé comme un véritable gardien et protecteur des droits et libertés. La QPC est un apport récent à la Constitution. Mise en place lors de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, elle a ajouté un article 61-1 à la Constitution et a modifié l’article 62 du même texte. Cette réforme est entrée en vigueur le 1er mars 2010. Avant cette avancée, le justiciable pouvait déjà contester la conformité d’une loi à un traité. Avec cette réforme il pourra contester la conformité d’une loi à la Constitution. Dorénavant, un particulier peut saisir le Conseil constitutionnel a posteriori c’est à dire après la promulgation de la loi. Cette saisine vient compléter le contrôle de constitutionnalité a priori qui n’est pas systématiquement déclenché et seulement sur l’initiative d’autorités politiques. Avant l’instauration de la QPC le Conseil constitutionnel avait déjà connu plusieurs élargissements de sa compétence au cours de la Ve République. Cela a notamment été le cas en 1971 suite à la décision Liberté d’association du Conseil constitutionnel qui a permis de donner valeur constitutionnelle à un certain nombre de textes formant le bloc de constitutionnalité et donc d’élargir le périmètre du contrôle de constitutionnalité. Depuis 1974 l’article 61-1 de la Constitution prévoit la possibilité d’une saisine du Conseil par 60 députés ou 60 sénateurs, élargissant ainsi la possibilité d’un contrôle a priori de la constitutionnalité d’une loi.

Il est ainsi cohérent de se demander dans quelle mesure l’instauration de la procédure de QPC constitue une évolution importante dans les attributions du Conseil constitutionnel.

Pour répondre à cette question il sera étudié dans un premier temps comment la QPC a consacré le rôle du Conseil constitutionnel comme gardien des droits et libertés (I). Par la suite la QPC sera étudiée comme ayant permis au Conseil constitutionnel de s’affirmer comme une véritable juridiction constitutionnelle (II).

  • I - La consécration du rôle de gardien des droits et libertés du Conseil constitutionnel au travers de la procédure de la QPC
    • A - Le contrôle de constitutionnalité des lois avant la réforme de 2008 : un contrôle a priori
    • B - Les apports de la réforme de 2008 : la possibilité d’un contrôle a posteriori
  • II - Le Conseil constitutionnel suite à la QPC : l’affirmation d’une véritable juridiction constitutionnelle
    • A - La QPC : une procédure critiquée
    • B - La QPC : une avancée pour l’Etat de droit

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