Introduction
La France s’est longtemps caractérisée par une forte concentration des pouvoirs au sein des ministères. Cette situation présentait de multiples inconvénients : alourdissement et rallongement des procédures, décisions peu adaptées aux réalités locales, … Aussi, dans la seconde moitié du XX° siècle, différentes réformes sont intervenues pour renforcer la position des services déconcentrés de l’Etat au sein de l’organisation administrative.
Ce mouvement est allé de pair avec l’essor de la décentralisation. En effet, à partir du moment où les collectivités décentralisées (communes, départements, régions) se voyaient dotées de larges pouvoirs, il convenait de s’assurer qu’existent, à leur niveau, des autorités étatiques déconcentrées à même de garantir la cohérence de l’action publique. Si ces deux phénomènes sont donc liés, ils n’en doivent pas moins être distingués. Dans le cadre de la déconcentration, les services locaux sont, certes, compétents pour prendre des décisions dans le ressort de leur circonscription géographique, mais ils demeurent soumis au pouvoir hiérarchique des organes centraux et agissent au seul nom de l’Etat. La situation est toute autre pour les collectivités décentralisées : celles-ci disposent de la personnalité morale et ne sont pas soumises au pouvoir hiérarchique de l’Etat.
De nos jours, en vertu du principe de subsidiarité posé par la loi du 06/02/1992 relative à l’administration territoriale de la République, repris par le décret du 07/05/2015 portant Charte de la déconcentration, les services déconcentrés disposent de la compétence de principe pour mettre en œuvre la politique de l’Etat, les autorités centrales ne gardant que des compétences d’attribution relatives aux « seules missions qui présentent un caractère national ou dont l’exécution en vertu de la loi ne peut être déléguée à un échelon territorial ».
Au sein des services déconcentrés, le département a, longtemps, été l’échelon territorial de référence pour la mise en œuvre de l’action de l’Etat. Aujourd’hui, cependant, le niveau régional occupe une place croissante dans le pilotage des politiques publiques étatiques. Existent, également, deux autres niveaux secondaires de déconcentration.
Il convient donc d’étudier les services déconcentrés départementaux (I), les services déconcentrés régionaux (II) et les services déconcentrés secondaires (III).
I - Les services déconcentrés départementaux
Placés sous l’autorité du préfet de département (B), les services déconcentrés départementaux ont vu leur organisation profondément remaniée depuis les années 2000 (A).
A – La structure des services déconcentrés départementaux
Traditionnellement, les ministères disposaient, au niveau départemental, d’une structure dédiée : ainsi, de la Direction départementale de l’action sanitaire et sociale (DDASS) pour le ministère des affaires sociales et de la Direction départementale de l’agriculture pour le ministère de l’agriculture. On retrouvait donc sur le plan local les découpages nationaux.
Conscient du risque que la parole de l’Etat en vienne à être, du fait de la multitude des structures, trop dispersée, les Gouvernements successifs ont entamé des tentatives de rapprochement. L’étape décisive s’est faite avec la réforme de l’administration territoriale de l’Etat (dite Réate) qui a, à partir de 2007, mis en œuvre une nouvelle organisation départementale de l’Etat. Ainsi, les services déconcentrés sont, désormais, regroupés dans un petit nombre de directions départementales interministérielles qui sont fonction, non plus de la structure du Gouvernement, mais des politiques qui doivent être conduites localement. Ainsi, s’explique que ces directions soient placées sous l’autorité du préfet. Si, au départ, elles relèvaient, conformément à leur caractère interministériel, du Premier ministre, elles relèvent, depuis 2020, du ministre de l’Intérieur, ce qui est moins logique.
Dans le schéma de base, ces directions sont limitées à deux : la Direction départementale des territoires (DDT) et la Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP). Dans le souci d’adapter le mieux possible l’organisation de l’Etat aux spécificités locales, ce dispositif peut varier. Ainsi, dans les départements de plus de 400 000 habitants, la DDETSPP est scindée en une Direction départementale de la protection des populations et une Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités.
Ces directions interministérielles ne se substituent, cependant, pas à tous les services déconcentrés traditionnels. En effet, certains d’entre eux subsistent : il en va, ainsi, des services départementaux de l’Education nationale, de la Direction départementale des finances publiques et de la Direction départementale de la sécurité publique. Par ailleurs, certaines structures régionales ont des relais départementaux, tels que les délégations départementales des Agences régionales de santé.
B – La direction des services déconcentrés départementaux : le préfet de département
Les services déconcentrés départementaux sont placés sous l’autorité du préfet de département : celui-ci occupe au sein de l’organisation administrative une place essentielle (1). Si ses pouvoirs ont été limités par ceux reconnus au préfet de région, ses prérogatives demeurent importantes (2)
1 – Le place du préfet de département au sein de l’organisation administrative
Le préfet de département est un haut fonctionnaire qui fait l’objet, au sein de la fonction publique, de règles dérogatoires. Astreint à une obligation de loyalisme absolu, il ne bénéficie pas du droit de grève et du droit syndical. Sa liberté d’opinion n’est, par ailleurs, pas protégée. Quant à sa carrière, elle est, selon la formule consacrée, à la discrétion du Gouvernement qui peut fonder ses décisions sur tout motif, même de simple opportunité. Si ces règles demeurent toujours valables, le statut des préfets a été profondément réformé par le décret du 6/04/2022. Jusqu’à présent, les préfets appartenaient, en effet, à un corps spécifique en raison des qualifications particulières que cette fonction commande. Ce décret conserve la fonction de préfet, mais supprime le corps préfectoral conformément à la tendance générale à la négation de la spécificité des métiers de la haute fonction publique et au rapprochement avec le droit du travail.
Représentant de l’Etat dans le département et représentant direct du Premier ministre et de chaque ministre, le préfet a, selon l’article 72 de la Constitution, « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». C’est aussi à lui que revient la tâche d’exécuter les règlements et décisions gouvernementales et d’assurer un rôle de relais, notamment en termes d’information, entre le pouvoir central et la population ou les élus locaux.
L’importance de ces missions explique que ses pouvoirs aient été étendus avec le temps. Simplement chargé d’animer et de coordonner l’action de l’Etat dans le département (décret du 14/03/1964), le décret du 10/05/1982 lui confie le pouvoir de diriger, sous l’autorité des ministres, les services déconcentrés des administrations civiles de l’Etat. Seules l’armée et la justice et une part de l’Education nationale et des services fiscaux échappent à sa compétence. Ces principes seront repris par le décret du 29/04/2004.
De nos jours, cette compétence est affectée par les pouvoirs reconnus aux préfets de région. En effet, le décret du 16/02/2010 soumet le préfet de département à l’autorité du préfet de région qui dispose, d’ailleurs, de nouveaux pouvoirs d’instruction et d’évocation lui permettant d’intervenir dans des matières relevant de la compétence du préfet de département (à l’exception du contrôle des collectivités locales, du maintien de l’ordre public ou, encore, de l’entrée et du séjour des étrangers).
2 – Les pouvoirs juridiques du préfet de département
Le préfet de département dispose de trois grands pouvoirs : un pouvoir de décision, un pouvoir de direction des administrations de l’Etat et un pouvoir en matière économique et financière.
En premier lieu, le préfet dispose d’un pouvoir de principe pour décider dans les matières qui relèvent des compétences des administrations civiles de l’Etat dans le département. Il est, également, depuis le décret du 15/01/1997, compétent pour prendre la plupart des décisions individuelles. Lui échappent, en revanche, les décisions confiées à une autre autorité par la loi ou par un décret pris en Conseil d’Etat ou celles ayant fait l’objet d’une évocation par le préfet de région à des fins de coordination régionale.
Il dispose aussi de compétences spécifiques : il peut seul recevoir des délégations de pouvoirs de la part des ministres, signer les contrats engageant l’Etat ou agir en justice au nom de l’Etat dans le département. Il est, par ailleurs, responsable du contrôle administratif et budgétaire des collectivités locales. Il dispose, enfin, de compétences de police administrative générale et spéciale.
En second lieu, le préfet de département est le chef des services déconcentrés de l’Etat. En effet, avec l’appui des services de la préfecture, dont son secrétariat général, et d’un collège des chefs de services déconcentrés, il assure la direction des administrations d’Etat dans le département. Il a, ainsi, autorité directe sur les chefs de service, même s’il ne peut que proposer leur notation. Il peut, également, sur délégation, prendre des décisions relatives à la situation individuelle des agents publics exerçant dans les services déconcentrés. Il est aussi le seul à pouvoir décider de l’organisation des services civils déconcentrés de l’Etat dans le département. Et, il a le monopole des liens avec les administrations centrales et les services régionaux.
Enfin, en matière économique et financière, le préfet de département est l’unique ordonnateur secondaire des dépenses de l’Etat pour tous les services civils. Il peut, de plus, décider directement, indépendamment de l’administration centrale, de l’emploi des crédits d’investissements civils d’intérêt départemental, de manière à mener une politique adaptée aux spécificités locales. Il joue, également, un rôle essentiel pour l’action en faveur des entreprises : il est, ainsi, obligatoirement consulté sur toute demande d’aide instruite par l’Etat en vue de la création ou du développement d’une entreprise ou pour toute mesure administrative et fiscale prise en faveur des entreprises en difficulté.
II – Les services déconcentrés régionaux
Initialement cantonnée à des missions de développement économique et d’aménagement du territoire, la région a, progressivement, été perçue comme l’échelon pertinent pour la mise en œuvre d’une part croissante de l’action de l’Etat. Dorénavant, relèvent, ainsi, du ressort régional l’animation et la coordination de l’ensemble des politiques de l’Etat, ainsi que la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne dans un grand nombre de domaines (emploi, innovation, recherche, aménagement durable du territoire, …). Ce mouvement a eu pour conséquence une refonte des services déconcentrés régionaux (A) et un accroissement des pouvoirs du préfet de région (B).
A – La structure des services déconcentrés régionaux
L’organisation des services déconcentrés régionaux a, comme pour le département, connu de profonds bouleversements depuis les années 2000. Initialement, il existait, en effet, une vingtaine de directions régionales. Un nombre trop important pour éviter que l’action de l’Etat ne se disperse pas.
Aussi, il a été décidé, dans le cadre de la Réate, de remplacer ces services par cinq nouvelles directions placées sous l’autorité du préfet de région. Deux sont rattachées à un seul ministère : la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF). Les trois autres relèvent de plusieurs ministères : la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et la Direction régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (DRAJES).
Comme pour le département, subsistent, cependant, des services qui ne sont pas placés sous l’autorité du préfet de région : il en va, ainsi, de la Direction régionale des finances publiques (DGFIP, des Agences régionales de santé (ARS) et des services déconcentrés de l’Education nationale.
Cette organisation a, pour certaines régions, été impactée par le redécoupage régional opéré par la loi du 16/01/2015. En effet, les régions administratives ont vu leur périmètre être aligné sur celui des régions collectivités locales, ce qui a entrainé des fusions de services déconcentrés dans les régions ayant fusionnées.
B – La direction des services déconcentrés régionaux : le préfet de région
Le préfet de région est le préfet du département chef-lieu. Il est le garant de la cohérence de l’action de l’Etat dans la région. A ce titre, il dispose de compétences qui, pour certaines, sont identiques à celle du préfet de département et, pour d’autres, sont spécifiques.
S’agissant des premières, le préfet de région a autorité sur les chefs de service des administrations de l’Etat dans la région. Il détermine l’organisation des services civils déconcentrés de l’Etat. Il est, également, titulaire de compétences en matière économique et financière : il est, en effet, l’ordonnateur secondaire des crédits de l’Etat dans la région et c’est lui qui affecte les crédits d’investissement d’intérêt régional.
S’agissant des secondes, l’on peut relever que le préfet de région a la charge du contrôle administratif et budgétaire de la région collectivité locale. Il joue, par ailleurs, un rôle majeur en matière économique et sociale. Surtout, le décret du 16/02/2010 lui confère autorité sur les préfets de département, lesquels doivent se conformer à ses instructions (hors les questions relatives au contrôle des collectivités territoriales, à la sécurité publique, à l’entrée et au séjour de étrangers et au droit d’asile). Le préfet de région dispose, enfin, du pouvoir d’évoquer tout ou partie des affaires relevant de la compétence des préfets de département : il peut, ainsi, décider, pour une durée limitée et à des fins de coordination régionale, en lieu et place du représentant de l’Etat dans le département.
Plus généralement, le préfet de région a la charge d’animer et de coordonner l’action des préfets de département. Il lui revient d’élaborer avec eux et les chefs de services régionaux, réunis au sein du Comité de l’administration régionale (CAR), le projet d’action stratégique de l’Etat dans la région (PASER) par lequel sont fixées, pour une période de trois ans, les orientations stratégiques de l’Etat dans la région. Enfin, il prépare, au nom de l’Etat, le contrat de projet passé avec la région et en suit l’exécution.
III – Les services déconcentrés secondaires
Il existe au niveau infra-départemental deux échelons secondaires de l’administration déconcentrée de l’Etat : ceux-ci se situent au niveau de la commune et de l’arrondissement. Le canton a, lui, été supprimé.
Si elle est, sans aucun doute, la collectivité locale la plus essentielle aux yeux de beaucoup de français, il ne faut pas oublier que la commune est, également, un échelon de l’administration déconcentrée de l’Etat. En effet, dans le cadre de ce que l’on appelle un dédoublement fonctionnel, le maire dispose de prérogatives qu’il exerce au nom de l’Etat. Il est, ainsi, chargé, sous l’autorité hiérarchique du préfet, de rappeler au respect des lois et règlements, de procéder à l’exécution de ces textes, d’organiser le recensement et les élections et de gérer l’état civil. Le maire est, également, sous l’autorité du procureur de la République, officier de police judiciaire, ce qui lui permet de constater les infractions et de procéder aux enquêtes préliminaires.
Ensuite, l’arrondissement est, également, un échelon de l’administration déconcentrée de l’Etat en matière, notamment, d’enseignement du premier degré, de sécurité civile et d’équipement. C’est un sous-préfet qui coordonne, sous l’autorité du préfet de département, l’action de l’Etat dans l’arrondissement. Outre l’organisation du contrôle administratif, il assure l’animation du développement local et fait office de conseiller auprès des petites communes.
Enfin, les cantons ne sont plus, depuis le redécoupage rendu nécessaire par la réforme du mode d’élection des conseillers départementaux, que des circonscriptions électorales.
