La V° République est caractérisée par trois grandes nouveautés. Ce régime voit, d’abord, un net rééquilibrage des pouvoirs s’opérer au profit de l’Exécutif et au détriment du Parlement. Au sein du pouvoir exécutif, les pouvoirs et le rôle du chef de l’Etat sont, également, considérablement renforcés par rapport à ceux du Premier ministre. Enfin, la V° Ré-publique instaure, pour la première fois, un contrôle de constitutionnalité des lois avec la création du Conseil constitutionnel.
« En plus de quarante ans de fonctionnement, le régime a secrété une pratique, qui en a modifié les équilibres. Un sort malin semble peser sur nos Constitutions, elles ne fonctionnent jamais conformément aux intentions – aux illusions ? – de leurs auteurs », expliquent les professeurs Bertrand Matthieu et Philippe Ardent évoquant notamment le phénomène du « fait majoritaire », particulièrement marquant sous la Ve République (B. MATHIEU et Ph. ARDANT, Droit constitutionnel et institutions politiques, LGDJ, 27e Ed., 2015).
L’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen précise que « la loi est l’expression de la volonté générale ». Durant longtemps, l’attachement à cette philosophie juridique mise en œuvre par les révolutionnaires de 1789 a empêché l’édification d’un véritable contrôle de constitutionnalité des lois en France. La crainte principale résidait finalement dans une potentielle immersion des juges au sein même des travaux du pouvoir législatif, de sorte qu’une telle dérive ne pourrait qu’amener à la regrettable perspective d’un « gouvernement des juges ».
Le contrôle de constitutionnalité correspond à la mission de contrôle confié à un organe ou une juridiction afin de vérifier la conformité des lois aux normes constitutionnelles clairement définies. Ce contrôle permet notamment de garantir la primauté des normes constitutionnelles dans l’ordre juridique et dans la hiérarchie des normes. La France a été plus tardive que d’autres pays – les États-Unis en premier lieu au début du XIXe siècle – à mettre en œuvre un tel contrôle…
Selon l’article 58 de la Constitution de la Ve République « le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection du Président de la République » tandis que selon son article 59 « le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs ». Le rôle central du Conseil constitutionnel dans le contentieux électoral est ainsi explicitement consacré par la Constitution. Les élections constituent le fondement de la démocratie représentative. Pour garantir leur régularité et leur transparence il est essentiel que leur validité puisse être contrôlée. Sous le régime institué par la Constitution de la Ve République ce rôle échoit, en partie, au Conseil constitutionnel.
« Le mode d’élection des représentants détermine la nature du régime politique ». Cette affirmation de Maurice Duverger illustre l’importance du mode de désignation des parlementaires dans l’organisation du pouvoir et l’équilibre institutionnel d’un régime. En France, sous la Ve République, l’Assemblée nationale et le Sénat sont désignés selon des modalités électorales distinctes, traduisant leur rôle différencié dans le fonctionnement du système parlementaire.
Comme le note le constitutionnaliste français Eugène Pierre dès 1887 à propos du règlement des assemblées « le règlement joue un rôle qu’il a joué dans tous les temps, qu’il jouera éternellement, le rôle d’un arsenal où chaque parti vient puiser tour à tour des moyens de combat ». Cette citation illustre le rôle du règlement des assemblées comme défenseur des droits des parlementaires et du principe d’indépendance du pouvoir législatif. Néanmoins l’autonomie normative interne dont peut faire preuve le Parlement n’est pas sans limite et doit respecter un certain nombre d’exigences constitutionnelles.
En 1988, la France s’est dotée pour la première fois d’une Assemblée composée d’une majorité relative. Le Président de la République, François Mitterrand, avait alors dit : « Même relative, la majorité parlementaire existe ». Une telle citation montre la volonté des présidents de disposer d’une majorité absolue leur permettant de mener sans entrave leur action. En cas de majorité relative, ceux-ci tentent alors par des alliances de trouver une majorité leur permettant de gouverner.
« La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent. » Cette célèbre maxime de Montesquieu dans De l’esprit des lois (1748) illustre parfaitement la tension constante entre la liberté individuelle et l’intervention du législateur. Parmi les libertés fondamentales en France, la liberté d’association joue un rôle central, notamment dans l’organisation de la société civile et la vie démocratique.
« C'est ainsi que nous pouvons parler aujourd'hui non seulement de la protection internationale de l'environnement par le droit, mais aussi d'un droit au respect de l'environnement, progressivement reconnu en tant que droit fondamental de la personne humaine ». Cette citation d’Alexandre KISS, Président du Conseil européen du droit de l’environnement, tirée de son article « Environnement, droit international, droits fondamentaux » publiée aux Cahiers du Conseil constitutionnel (Cahiers N°15, Dossier Constitution et environnement, Janvier 2004), montre la prise en compte croissante des enjeux environnementaux par le droit, allant jusqu’à parler d’un droit fondamental au respect de l’environnement. Ce droit, ainsi qu’il sera vu est pris en compte de manière croissante par le Conseil constitutionnel alors que l’urgence climatique se fait de plus en plus pressante.
« La dissolution parlementaire est un instrument au service de la stabilité institutionnelle et de l'équilibre des pouvoirs. » Cette réflexion de Maurice Duverger, illustre l'importance de cet outil constitutionnel dans l’équilibre des pouvoirs sous la Ve République. Cependant si la dissolution a initialement un rôle de stabilisation au sein de notre régime elle a pu devenir, au fil de ses utilisations, une cause de confrontation politique. Nous explorerons ainsi dans la présente dissertation ces diverses facettes de la dissolution sous la Ve République.
« Par ce qui n’est qu’un apparent paradoxe, le succès de la QPC oblige à repenser le rôle et le fonctionnement du Conseil constitutionnel (…) » disait Jean-Jacques Urvoas, alors Président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, le 27 mars 2013 dans un rapport d’information présenté à l’Assemblée Nationale. Par ces mots, Jean-Jacques Urvoas signifie l’importance de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui en instituant la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) a largement modifié les attributions du Conseil constitutionnel.
« C’est une relation inaccessible à l’analyse de qui que ce soit, et rien que ça, c’est une façon de la caractériser. Ils ont l’un et l’autre le souci de faire en sorte qu’elle n’appartienne qu’à eux ». Cette phrase prononcée par Gilles Le Gendre (ancien président du groupe LRM à l’Assemblée Nationale) à propos du binôme de l’exécutif constitué par Emmanuel Macron et Edouard Philippe dans un article du 11 février 2020 paru dans Le Monde illustre bien l’ambiguïté de la relation qui unit le Président de la République et le Premier Ministre sous la Ve République. Au cours de la présente dissertation nous reviendrons sur les relations entre « duo et duel » (pour reprendre les termes de Philippe Ardant) au sein du binôme de l’exécutif, qui oscillent entre opposition et complémentarité au grès des événements de la vie politique.