La notion de service public

Le service public est la première mission de l’administration. Il s’agit d’une activité d’intérêt général qui peut être directement gérée par une personne publique ou confiée à une personne privée. Cette activité n’est pas uniforme pour autant. En effet, les services publics se subdivisent en deux grandes catégories : les services publics administratifs (SPA) et les services publics industriels et commerciaux (SPIC).

Une approche restrictive de la qualification de service public (CE, sect., 3/12/2010, Ville de Paris et Ass. Paris Jean Bouin)

La France se caractérise par l’importance de ses services publics. Cependant, ces derniers ne sont pas tous gérés par des personnes publiques. Le secteur privé y contribue également. L’évolution de la société civile a amené les pouvoirs publics à composer avec elle pour offrir au mieux aux citoyens certains services publics. Le juge administratif veille à cette répartition opérée par les personnes publiques.

Les centres de formation des associations sportives ne gèrent pas une mission de service public (CE, 8/03/2012, Ass. Nice Volley Ball)

L’identification des services publics a toujours constitué une question centrale en droit administratif, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer le juge compétent. Essentielle au début du XX° siècle en raison de la place occupée par la notion de service public, cette question joue encore, de nos jours, un rôle majeur dans la jurisprudence administrative. L’arrêt Ass. Nice Volley Ball constitue une illustration particulièrement didactique des modes d’identification des services publics gérés par des personnes privées.

La qualification du service extérieur des pompes funèbres (TC, 20/01/1986, SA Roblot ; CE, avis, 19/12/1995)

La question de la compétence juridictionnelle et du droit applicable est consubstantielle de l’histoire du droit administratif. L’arrêt Blanco du Tribunal des conflits du 08/02/1873 avait semblé résoudre le problème en faisant du service public la clé pour déterminer la compétence du juge administratif. C’était sans compter l’apparition de services publics industriels et commerciaux (SPIC) majoritairement soumis au droit privé et à la compétence du juge judiciaire (TC, 22/01/1921, Société commerciale de l’ouest africain, dit Bac d’Eloka). S’est, donc, posée, à compter de ce moment, la question de la distinction entre ces services publics et les services publics administratifs (SPA) pour déterminer le juge compétent et le droit applicable. C’est cette question qui est en cause dans les deux affaires étudiées à propos du service extérieur des pompes funèbres.

La nature du service public d'exploitation des pistes de ski (CE, 19/02/2009, Beaufils)

De nombreux arrêts se veulent l’application fidèle de principes jurisprudentiels dégagés antérieurement. D’autres s’autorisent, au contraire, certains écarts avec ces principes dans un but de politique jurisprudentielle : c’est le cas de l’arrêt Beaufils dont la finalité n’est autre que de simplifier les démarches procédurales des skieurs accidentés.

Etablissements publics à double visage : le trépas évité de peu (CE, 17/05/2013, Voies Navigables de France)

La jurisprudence distingue, traditionnellement, les services publics administratifs (SPA) et les services publics industriels et commerciaux (SPIC) sur la base de trois conditions : l’objet du service, son mode de financement et ses modalités de fonctionnement (CE, ass., 16/11/1956, USIA).  Il est, cependant, des cas où la qualification, soit du service public, soit de l’organe gestionnaire, découle d’un texte. C’est cette hypothèse qui est en cause en l’espèce.

La nature du service public de distribution d’eau (TC, 21/03/2005, Mme Alberti-Scott)

Il est, en droit, des principes intangibles sur lesquels le juge peut, sans peine, s’appuyer. Celui posé en 1921 par le Tribunal des conflits est l’un de ceux-là : dans l’une des rares décisions de la jurisprudence administrative qui se verra dotée d’un surnom, le juge des conflits créait, à côté de la catégorie des services publics administratifs (SPA), celle des services publics industriels et commerciaux (SPIC) et décidait que les litiges nés des rapports qu’ils entretiennent avec leurs usagers relèvent des juridictions de l’ordre judiciaire (TC, 22/01/1921, So. commerciale de l’Ouest africain, dit Bac d’Eloka). Par cette décision, la Haute juridiction ouvrait la voie à une nouvelle problématique : celle de la distinction entre les deux types de services publics. C’est une telle question qui se pose en l’espèce.

La nature du service public d’enlèvement des ordures ménagères (CE, avis, sect., 10/04/1992, SARL Hofmiller)

Il fut un temps où la question de la compétence du juge administratif ne dépendait que du lien du litige avec un service public (TC, 08/02/1873, Blanco). Cette simplicité devait, cependant, s’évaporer lorsque le juge des conflits distingua les services publics administratifs (SPA), majoritairement soumis au droit administratif et à la compétence du juge administratif, et les services publics industriels et commerciaux (SPIC), principalement soumis au droit privé et à la compétence du juge judicaire (TC, 22/01/1921, So. commerciale de l’Ouest africain, dit Bac d’Eloka). Depuis lors, se pose, sans relâche, la question des modalités d’identification de ces services. C’est cette problématique qu’aborde le Conseil d’Etat, en l’espèce, à propos du service public d’enlèvement des ordures ménagères.

Les services publics et le droit de l'Union européenne (fiche thématique)

Les Communautés européennes ont été créées à l’origine pour favoriser les échanges, notamment commerciaux, entre leurs Etats membres. Au fur et à mesure qu’elles se développaient, de plus en plus de secteurs économiques ont été affectés. Des principes ont été affirmés, comme ceux de liberté du commerce ou de concurrence loyale. Il était alors inévitable que les services publics en France s’en trouvent impactés.

La naissance des SPIC, services publics industriels et commerciaux (TC, 22/01/1921, Société commerciale de l’Ouest africain, dit Bac d’Eloka)

En droit administratif, la notion de « service public » émerge comme une des deux activités principales de l’administration aux côtés de la police administrative. Le droit français démontre largement, au fil des dernières décennies, son attachement à ce concept tourné vers la satisfaction de l’intérêt général.

Identification des services publics gérés par des personnes privées : le manuel du Conseil d’Etat (CE, sect., 22/02/2007, A.P.R.E.I. – Ass. du personnel relevant des établissements pour inadaptés)

La notion de service public a émergé de manière considérable en droit administratif français dès le début du XXème siècle. Complexe, cette notion reflète une vision politique particulière de la société française et l’une des deux activités principales de l’administration avec la police administrative. Les services publics se développent ainsi de manière considérable et sans précédent dans notre pays, puis la notion de « service public à la française » émerge notamment à l’ère du « socialisme municipal ». Une notion en pleine évolution, mise à l’épreuve tant par les évolutions sociétales que par le droit de l’Union Européenne qui retient davantage le terme de « service d’intérêt général ».

L’identification du service public exercé par un tiers (CE, 23/05/2011, Commune de Six-Fours-les-plages)

Il est de ces notions fondamentales et originelles du droit administratif français qui ne peuvent recevoir de définition. Le service public en fait partie. Elle justifie, selon Duguit et Jeze, l’existence même d’un droit administratif, préside à ses évolutions, conditionne le raisonnement du juge administratif, et, pourtant, elle se trouve être un peu comme la prose de monsieur Jourdain : les personnes publiques et privées en font, sans le savoir. C’est toute la difficulté à laquelle est confronté l’arrêt CE, 23 mai 2011, Commune de Six-Fours-les-plages.