Le régime des services publics recouvre deux aspects : la création et le fonctionnement. En matière de création, les collectivités publiques sont relativement libres lorsqu'il s'agit d'une activité administrative. En revanche, leur interventionnisme en matière économique est strictement encadré par le juge. Sur le plan du fonctionnement, l'administration est, sauf exception, libre de gérer l'activité par voie directe ou d'en déléguer la gestion à un tiers. En revanche, tous les services publics sont soumis aux lois du service public, dites lois de Rolland : l’on trouve les principes d’adaptabilité, de continuité, d’égalité et de laïcité – neutralité.
Les exigences tenant à la laïcité des services publics occupent une place croissante dans le débat public depuis la fin des années 1980. Tantôt source de controverses à visées politiciennes, tantôt objet de débats honorables quant au modèle du « service public à la française », ces questions ont longtemps concerné les usagers des services publics, et notamment les élèves des collèges et lycées publics. L’affaire Mlle. Marteaux déplace le débat vers les agents du service public, en l’occurrence, ici, celui de l’enseignement.
La France est, aux yeux de beaucoup, un pays bien à part. Parmi ses
monuments les plus emblématiques, figure, sans aucun doute, le principe
de laïcité qui régit le fonctionnement de ses services public. En vertu
de ce principe, la sphère publique et la sphère religieuse doivent être
strictement ( ? ) séparées, de sorte que l’une ne peut s’immiscer dans
les affaires de l’autre. Cette question, encore centrale aujourd’hui,
s’est longtemps cristallisée autour du port de signes religieux par les
élèves dans les établissements scolaires publics. C’est cette question
qu’aborde le Conseil d’Etat en l’espèce.
Inscrite en 1905 dans le droit positif, la laïcité connaît aujourd’hui un souffle nouveau. De nombreux arrêts ont récemment redéfini les contours du principe de laïcité. La série de 5 arrêts rendus le 19 juillet 2011 par l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État est topique de cette dynamique. Il s’agit des arrêts CE, Ass, 19 juillet 2011, Commune de Trélazé (req. n°308544) ; Communauté urbaine du Mans (req. n° 309161) ; Fédération de la libre pensée et de l’action sociale du Rhône (req. n°308817) ; Commune de Montpellier (req. n°313518) et Mme Vayssière (req. n° 320796).
Les municipalités jouent un rôle de plus en plus crucial dans la satisfaction des besoins collectifs. Cette fonction les amène, régulièrement, à créer, à côté des services publics obligatoires, divers services publics administratifs à caractère facultatif, tels que des crèches, des cantines ou, encore, des écoles de musique. Afin d’en permettre un accès facilité, il est fréquent qu’elles pratiquent des modulations tarifaires en fonction du domicile ou des revenus des familles. Se pose, alors, la question de la légalité de ces différences de tarifs au regard du principe d’égalité devant le service public. C’est cette question qu’a à trancher le Conseil d’Etat dans les arrêts Ville de Tarbes et Commune de Nanterre.
La question du financement des cultes fait régulièrement l’objet de débats dans la société française. En la matière, la règle fondamentale a été posée par l’article 2 de la loi du 9/12/1905. Celui-ci dispose : « la République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucune culte ». Est ainsi posée l’interdiction pour une personne publique de fournir, sous quelque forme que ce soit, une aide à l’exercice d’un culte. Au-delà de cette prohibition de principe, l’état du droit apparaît plus nuancé. L’affaire des subventions accordées par l’ADEME aux congrégations religieuses pour l’installation de dispositifs d’économie d’énergie en est l’illustration.
L’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 dispose que « nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Avec l’arrêt Kherouaa (CE, 2 nov. 1992, Kherouaa, n° 130394, Lebon p. 389), le Conseil d’État avait accepté de contrôler le règlement intérieur d’un établissement scolaire, en ce qu’il interdisait le port du voile aux élèves, le faisant de facto sortir de la catégorie des mesures d’ordre intérieur (MOI). Si la haute-juridiction avait pu rappeler le principe de neutralité du service public, notamment pour les agents, elle ne manquait pas de rappeler également que l’encadrement de la liberté religieuse des élèves ne doit pas mener à une interdiction générale et absolue de porter des signes distinctifs qui serait contraire à la liberté d'expression des élèves.
« La loi doit protéger la foi, aussi longtemps que la foi ne prétendra pas dire la loi », disait Aristide Briand, député et rapporteur de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État (JORF du 11 déc. 1905).
Le droit administratif est, souvent, un droit d’équilibriste dont l’objet vise à concilier deux droits ou principes antagonistes. La confrontation entre le principe de continuité des services publics et le droit de grève des agents publics relève de cette logique. L’arrêt Dehaene, outre qu’il reconnaît la valeur juridique du préambule de la Constitution de 1946, est l’arrêt qui encadre, encore aujourd’hui, cette question, tant pour l’exigence de conciliation qu’il pose que pour la détermination de l’autorité qui en a la charge.
Parmi les lois du service public, le principe de mutabilité occupe une place à part. En effet, à la différence des principes de continuité et d’égalité, il apparaît comme profondément tributaire de la vision que l’administration s’en fait, de sorte que les décisions prises sur son fondement peuvent aussi bien accroître la satisfaction des usagers qu’aller dans le sens inverse de ce qu’ils désirent. L’arrêt Vannier relève de la première hypothèse.
Le droit des services publics est régi par des lois dites de Rolland, du nom du professeur qui les a systématisées dans les années 1930, c’est-à-dire par plusieurs grands principes organisant et garantissant le fonctionnement de ces activités : il s’agit de la continuité, la mutabilité et l’égalité. De nouveaux principes ont également émergé plus tard dans la jurisprudence, tels que la neutralité, la laïcité et la gratuité.
Le service public est reconnu comme l’une des principales activités de l’administration. Dans la loi et dans la jurisprudence administrative, le service public est caractérisé par l’existence de missions d’intérêt général exercées par une personne publique ou une personne privée sous le contrôle d’une personne publique, avec l’application de règles exorbitantes du droit commun. L’existence de prérogatives de puissance publique ou encore d’une intention de l’administration qui délègue l’exercice de ces activités, est également déterminante dans la qualification d’un service public.
L’action des personnes publiques dans l’économie a toujours suscité, de la part des juristes, des questions dont les réponses ont fait l’objet d’une évolution accompagnant ou déstabilisant celle du droit administratif général. Par son arrêt du 30 décembre 2014, l’Assemblée du Conseil d’Etat a apporté à l’édifice que l’on pensait presque achevé en 2006, avec l’arrêt CE, Ass, 31 mai 2006, Ordre des avocats au Barreau de Paris, req. n° 275531 (ci-après OABP), un nouvel ornement dont il n’est pas certain qu’il en suive à la lettre le style.