« La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent. » Cette célèbre maxime de Montesquieu dans De l’esprit des lois (1748) illustre parfaitement la tension constante entre la liberté individuelle et l’intervention du législateur. Parmi les libertés fondamentales en France, la liberté d’association joue un rôle central, notamment dans l’organisation de la société civile et la vie démocratique.

La liberté d’association est le droit pour toute personne de créer, adhérer ou refuser d’adhérer à une association, sans ingérence injustifiée de l’État. Elle est consacrée par la loi du 1er juillet 1901, qui en fait un pilier de la vie démocratique française. Le Conseil constitutionnel, défini par le titre VII (articles 56 à 63) de la Constitution de la Ve République, est l’organe chargé du contrôle de constitutionnalité des lois. La décision "Liberté d’association" du 16 juillet 1971 marque une rupture en consacrant cette liberté comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) et étendant le rôle du Conseil au contrôle du respect des droits fondamentaux.

Avant 1971, le Conseil constitutionnel était principalement perçu comme un arbitre des compétences entre le législatif et l’exécutif. Son rôle, tel que vu par le Général de Gaulle dès 1958, était purement formel et était principalement voué à contrôler le respect du domaine de la loi vis à vis du domaine réglementaire. Le domaine de la loi est en effet limitativement défini à l’article 34 de la Constitution. Le domaine du règlement, défini à l’article 37 de la Constitution, comprend quant à lui toutes « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ». Certains observateurs sont même allés jusqu’à qualifier le Conseil constitutionnel de « chien de garde de l’exécutif ». Son rôle dans la protection des droits fondamentaux était ainsi très limité avant 1971. La saisine du Conseil en 1971 par Alain Poher, président du Sénat, visait à contester une loi restreignant la liberté d’association en imposant un régime d’autorisation préalable pour certaines associations. Dans sa décision, le Conseil opère un revirement majeur en érigeant la liberté d’association au rang de norme constitutionnelle, changeant durablement ses attributions, l’étendue de son contrôle et marquant son indépendance vis à vis de l’exécutif.

Au vu de ces éléments, il conviendra de répondre, dans le cadre de la présente dissertation, à la problématique suivante : Comment la décision "Liberté d’association" a-t-elle transformé le rôle du Conseil constitutionnel et marqué une évolution du contrôle de constitutionnalité en France ?

Pour répondre à cette problématique, nous verrons dans un premier temps comment cette décision a permis la consécration constitutionnelle de la liberté d’association et l’émergence du bloc de constitutionnalité (I). Puis, nous analyserons les conséquences de cette décision sur l’évolution du contrôle de constitutionnalité et la garantie des libertés fondamentales (II).

  • I - La décision "Liberté d’association" : un tournant vers la reconnaissance constitutionnelle des droits fondamentaux
    • A - Un cas juridique et politique inédit de saisine du Conseil constitutionnel
    • B - La reconnaissance du bloc de constitutionnalité par la décision Liberté d’association
  • II - Une décision fondatrice transformant durablement le rôle du Conseil constitutionnel
    • A - L’affirmation du Conseil constitutionnel comme protecteur des libertés fondamentales
    • B - L’élargissement du contrôle de constitutionnalité et l’ouverture de la saisine du Conseil postérieurement à la décision Liberté d’association
  • Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971

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