Selon l’article 58 de la Constitution de la Ve République « le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection du Président de la République » tandis que selon son article 59 « le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs ». Le rôle central du Conseil constitutionnel dans le contentieux électoral est ainsi explicitement consacré par la Constitution. Les élections constituent le fondement de la démocratie représentative. Pour garantir leur régularité et leur transparence il est essentiel que leur validité puisse être contrôlée. Sous le régime institué par la Constitution de la Ve République ce rôle échoit, en partie, au Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel est un organe régit par le titre VII de la Constitution de la Ve République (articles 56 à 63). Le Conseil constitutionnel est investi d’une triple mission : veiller à la conformité des lois et des règlements des assemblées à la Constitution (il peut être amené à effectuer ce contrôle de constitutionnalité a priori ou a posteriori), juger de la régularité de certaines élections ou consultations (les élections nationales c’est à dire présidentielle, législatives, sénatoriales et les référendums) et émettre des avis dans certains cas (notamment en cas de vacance du pouvoir ou d'application de l'article 16 de la Constitution qui accorde des pouvoirs exceptionnels au président de la République). Nous nous concentrerons ici sur la deuxième mission du Conseil constitutionnel, c’est à dire son rôle comme juge du contentieux électoral. De manière générale, le contentieux électoral désigne l’ensemble des litiges relatifs à l’organisation, au déroulement ou aux résultats d’une élection. Il peut porter notamment sur des irrégularités matérielles, des fraudes ou l’inéligibilité d’un candidat.
D’un point de vue historique c’est avec la Révolution française que le respect du suffrage et de la régularité des élections devient un principe fondamental et que les premières institutions de contrôle électoral apparaissent. Toutefois, sous la Iʳᵉ et la IIᵉ Républiques, le contentieux électoral reste principalement traité par les assemblées législatives elles-mêmes, ce qui ne manque pas de soulever des problèmes d’impartialité. Sous la IIIᵉ République, le contentieux des élections législatives était toujours du ressort des chambres parlementaires, ce qui permettait aux élus eux-mêmes de juger des litiges concernant leurs propres élections. Cette situation était critiquée pour son manque d’objectivité et de neutralité. En revanche, les élections locales relevaient déjà des juridictions administratives, principalement du Conseil d'État, qui acquiert à cette époque une compétence importante en matière de contentieux électoral municipal et départemental. Avec la IVᵉ République, la gestion du contentieux électoral reste fragmentée puisque, l’Assemblée nationale demeure juge des élections législatives, ce qui maintient une certaine confusion entre juge et justiciable. Une rupture intervient avec la Constitution de 1958, qui crée le Conseil constitutionnel et lui confie le contrôle exclusif du contentieux électoral pour les élections présidentielles et législatives ainsi que pour les référendums (articles 58, 59 et 60 de la Constitution). Ce transfert de compétence garantit une plus grande impartialité et marque une étape majeure dans la juridictionnalisation du contentieux électoral en France. Depuis, le Conseil constitutionnel est devenu l’arbitre des litiges électoraux nationaux, veillant à la régularité des scrutins, au respect des règles de campagne et à la sincérité du suffrage universel. Son rôle s’est affirmé au fil des années, notamment à travers certaines décisions qui ont pu annuler des élections ou sanctionner des irrégularités graves.
La présente dissertation amène à s’interroger sur la nature et les limites du rôle du Conseil constitutionnel agissant en tant que juge du contentieux électoral.
Pour tenter d’apporter des réponses à cette question nous étudierons tout d’abord l’étendue de la compétence du Conseil constitutionnel en matière de contentieux électoral (I) avant de se pencher sur les limites et les critiques de son intervention en la matière (II).
- I - Le rôle du Conseil constitutionnel dans le contentieux électoral : compétence et procédure
- A - La compétence limitée du Conseil constitutionnel en matière électorale
- B - La procédure applicable devant le Conseil constitutionnel en matière de contentieux électoral
- II - Limites et critiques du traitement du contentieux électoral par le Conseil constitutionnel
- A - Un contrôle limité par des contraintes juridiques et procédurales
- B - Une juridiction parfois perçue comme insuffisamment indépendante