Les revenus distribués : distributions officielles et officieuses (fiche thématique)

Introduction

Les personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés (IS) ont vocation à reverser tout ou partie de leurs bénéfices à leurs associés. Ces distributions sont imposées à l’impôt sur le revenu au titre des revenus de capitaux mobiliers si l’associé est une personne physique et à l’impôt sur les sociétés si l’associé est une personne morale passible de cet impôt.

La notion de distribution ne vise pas que les distributions officielles, c’est-à-dire décidées par les organes compétents de la société, mais vise, également, toutes les sommes désinvesties par la société sans l'aval desdits organes et auxquelles le caractère de revenus distribués est expressément attribué par la loi fiscale. Le régime de la distribution est, en effet, fondé sur la notion de désinvestissement qui conduit à taxer, plus généralement, toutes les sommes qui sortent du fonds social de la société, régulièrement ou non, et qui enrichissent un autre patrimoine.

Ainsi conçues, les distributions correspondent, d’abord, aux produits des actions et parts sociales, tels que les dividendes, mais, également, à un ensemble très divers de sommes étant donné la large portée des textes fiscaux afférents à la délimitation du champ des revenus distribués.

Il existe, ainsi, deux grandes catégories de distributions : les distributions dites officielles (I) et les distributions dîtes officieuses ou irrégulières (II).

I – Les distributions officielles

Les distributions officielles résultent d’une délibération régulière des organes compétents de la société. Leur régime peut être appréhendé du point de vue de la société distributrice (A) et du point de vue des associés bénéficiaires (B).

A – Le point de vue de la société distributrice

Le régime des distribution officielles obéit aux principes suivants.

a / Composition du bénéfice distribuable :

  • les dividendes constituent la forme la plus courante des distributions officielles et correspondent aux sommes prélevées sur les bénéfices sociaux : selon l’article L 232 – 11 du Code de commerce :
    • « le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l'exercice, diminué des pertes antérieures [non encore apurées], ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire [c’est-à-dire la partie des bénéfices antérieurs mis en réserve ou non distribués] »,
    • par ailleurs, « l'assemblée générale peut décider la mise en distribution de sommes prélevées sur les réserves dont elle a la disposition. En ce cas, la décision indique expressément les postes de réserve sur lesquels les prélèvements sont effectués. Toutefois, les dividendes sont prélevés par priorité sur le bénéfice distribuable de l'exercice ».
  • les distributions officielles peuvent également porter sur des sommes ou valeurs qui ne sont pas prélevées sur le bénéfice du dernier exercice clos : l’on peut, notamment, citer les hypothèses suivantes :
    • la réduction de capital non motivée par des pertes et qui se traduit par une distribution de fonds ou de biens sociaux,
    • l’attribution aux associés du boni de liquidation constatée lors de la dissolution de la société,
    • le cas où une société soumise à l’IS cesse de l’être : ses bénéfices et réserves sont, alors, réputés distribués aux associés en proportion de leurs droits.

b / Distributions fondées sur une décision régulière de l’assemblée générale : selon l’article L 232 – 12 du Code de commerce, « après approbation des comptes annuels et constatation de l'existence de sommes distribuables, l'assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes » ; cette décision doit respecter le droit des sociétés sous peine d’être considérée comme un distribution irrégulière ; l’assemblée générale ordinaire statuant sur les comptes doit impérativement être convoquée dans les 6 mois de la clôture de l'exercice et la mise en paiement des dividendes doit intervenir dans un délai maximal de 9 mois après la clôture de l'exercice.

c / Bénéficiaires des distributions officielles : il s'agit des associés (personnes physiques ou personnes morales passibles de l’IS ou non) le jour de la mise en distribution, qu’ils résident ou non en France ; la mise en distribution correspond soit au versement effectif des sommes en espèces, par chèque ou par virement, soit à l’inscription au compte courant d'associé.

d / Obligations déclaratives :

  • obligations de la société distributrice :
    • dépôt, en annexe à la déclaration 2065, d’une déclaration n° 2065 bis indiquant les distributions effectuées, en les ventilant selon leur nature et selon s'ils s'agit de distributions éligibles ou non à l'abattement de 40%,
    • dépôt par les sociétés soumises au régime réel normal, en annexe à leur déclaration de résultat, du tableau n° 2058 C qui permet de ventiler l’affectation du résultat comptable de l'exercice précédent.
  • obligations de l’établissement payeur : dépôt chaque année, pour chaque bénéficiaire, d’une déclaration n° 2561 récapitulant et ventilant selon leur nature les sommes payées au cours de l'année civile précédente ; ces déclarations IFU (imprimé fiscal unique) doivent être produites, en une seule fois, au plus tard le 15 février de l'année suivant celle des revenus concernés.

B - Le point de vue des associés bénéficiaires

Ces distributions constituent pour les associés un revenu imposable. En la matière, les règles de taxation varient selon que le bénéficiaire de la distribution réside en France (1) ou à l’étranger (2).

1 – Personnes résidentes en France

Trois cas doivent être évoqués.

a / Les associés personnes physiques : les dividendes perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France sont obligatoirement soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des Revenus de capitaux mobiliers (RCM), ainsi qu’aux prélèvements sociaux ; ces produits peuvent faire l’objet de deux modes d’imposition depuis le 01/01/2018 :

  • imposition au barème progressif après application d’un abattement de 40 % et déduction des dépenses engagées pour l’acquisition ou la conservation des revenus (frais de garde par exemple),
  • imposition au taux forfaitaire de 12,8 %.

b / Les entreprises individuelles et associés d’une société de personnes (art. 8 du CGI) lorsque les titres sont inscrits à l’actif du bilan :

  • titres utilisés pour l’activité : il s’agit de produits financiers pris en compte pour la détermination du bénéfice imposable s’ils proviennent de l’activité exercée à titre professionnel ; mais, pour permettre aux contribuables de bénéficier des mesures prévues par la loi (abattement de 40 %, notamment), ils sont retranchés du résultat et déclarés par l’exploitant ou par les associés dans la catégorie des RCM,
  • titres non utilisés pour l’activité : les produits correspondants sont à retrancher du résultat imposable et doivent être déclarés à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des RCM.

c / Personnes morales passibles de l’IS : les dividendes sont à comprendre dans le résultat imposable à l'IS de la société bénéficiaire ; toutefois, cette dernière peut opter pour l'application du régime mère-fille qui a pour effet d'exonérer ces revenus sous réserve de la taxation d’une quote-part de frais et charges de 5 % ; ce régime obéit aux conditions suivantes :

  • la société mère et la société fille doivent être imposables au taux de droit commun de l’IS (taux normal ou taux réduit des PME),
  • les titres doivent :
    • être nominatifs ou être déposés dans un établissement agréé par l’administration,
    • être détenus en pleine propriété ou en nue-propriété par la société mère,
    • représenter au moins 5 % du capital de la filiale,
    • avoir été conservés par la société mère pendant un délai minimal de deux ans.

2 – Personnes non-résidentes en France

Les règles varient selon qu’il existe ou non une convention fiscal internationale.

a / En l’absence de convention fiscale internationale : les revenus distribués par des sociétés françaises à des non-résidents (c’est-à-dire des personnes physiques ou morales n’ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège en France) font l'objet d'une retenue à la source (versée par la personne qui assure le paiement des revenus) qui est libératoire de l’impôt dû en France et dont le taux est de :

  • 21 % pour les distributions officielles à des bénéficiaires, personnes physiques, domiciliées dans l'UE ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales (Islande, Norvège, Liechtenstein),
  • 75 % lorsque ces revenus sont payés hors de France dans un État ou territoire non-coopératif (ETNC), quel que soit le domicile fiscal ou le siège social du bénéficiaire de ces revenus,
  • 30 % pour les autres revenus distribués.

b / En présence d’une convention fiscale internationale : les conventions internationales conclues par la France ont pour objet d'éviter les cas de double imposition en répartissant le droit d'imposer ; ainsi, en application desdites conventions, la retenue à la source prévue en droit interne peut être supprimée (cas où la convention prévoit exclusivement une imposition dans l’État de résidence du bénéficiaire) ou réduite (cas où l’État de la source du revenu peut imposer le revenu mais à un taux limité, souvent 15%).

II – Les distributions officieuses

Les distributions officieuses ne résultent pas d’un vote en assemblée générale et ne sont pas obligatoirement prélevées sur les bénéfices de la société. Il s’agit d’une approche plus économique des distributions dont les conséquences fiscales sont, généralement, plus sévères que pour les distributions officielles.

Les distributions officieuses doivent être appréhendées du point de vue de leur champ d’application (A), des obligations déclaratives de la société distributrice (B) et de l’imposition des bénéficiaires (C). 

A – Le champ d'application des distributions officieuses

Plusieurs types de distributions officieuses peuvent être distingués.

a / Les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (art. 109 – 1 – 1° du CGI) : ce dernier article dispose que sont considérés comme revenus distribués « tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital » ; cet article établit, ainsi, une présomption de distribution de tous les bénéfices qui ne sont pas investis dans l’entreprise, quelle que soit la forme de la distribution (distribution officielle ou officieuse) et quels que soient les bénéficiaires (associés, dirigeants, personnel ou tiers) ;

  • bénéfices considérés comme distribués au sens de l’article 109 – 1 – 1° du CGI : ces bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés corrigés comme suit :
    • ajout des bénéfices exonérés d’IS par une disposition légale et des bénéfices des établissements stables à l’étranger,
    • diminution : sommes payées au titre de l’IS, amendes et pénalités non déductibles, pertes des établissements stable à l’étranger,
    • ce n’est que si le résultat ainsi corrigé est bénéficiaire qu’il y a distribution au sens de l’article 109 – 1 – 1° du CGI,
  • notion de désinvestissement : ne sont considérés comme revenus distribués que les bénéfices qui ne sont pas restés investis dans l'entreprise et qui sont donc sortis du patrimoine social ; cette exigence ne veut pas forcément dire qu'il y a eu une sortie physique d'argent ou de biens, mais s’entend comme un appauvrissement de l'entreprise et de son patrimoine au profit d'une autre personne juridique sans contrepartie pour l'entreprise ; tel peut être le cas lorsque l’entreprise fait l’objet d’un rehaussement de son résultat à la suite d’un contrôle fiscal, dès lors qu’il y a eu désinvestissement ( par exemple, en cas d’acte anormal de gestion).

b / Les sommes mises à disposition des associés non prélevées sur les bénéfices (art. 109 – 1 – 2° du CGI) : ce dernier article dispose que sont considérés comme revenus distribués « toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » ; dans la mesure où seules peuvent être regardées comme « prélevées sur les bénéfices » les sommes ou valeurs réparties entre les associés en vertu d'une décision régulière des organes compétents de la société, les distributions officieuses faites au profit des associés sont donc nécessairement non prélevées sur les bénéfices et constituent donc des revenus distribués en application de l'article 109 – 1 - 2° du CGI ; cet article est applicable que le résultat de l’entreprise soit bénéficiaire ou déficitaire et suppose que les revenus soient appréhendés par les associés ; par ailleurs, l’administration doit prouver l’appréhension par les associés. 

c / Sommes prélevées ou non sur les bénéfices qualifiées de revenus distribués par l’article 111 du CGI : cet article confère expressément le caractère de revenus distribués à certaines sommes ou valeurs prélevées ou non sur les bénéfices :

  • 111 a : sommes mises à la disposition des associés et actionnaires, directement ou par personnes interposées sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant qu'ils participent ou non à l'administration de la société, à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes : par exemple, prise en charge d’une dette d’un associé par la société, appréhension directe de fonds sociaux, solde débiteur du compte courant d’associé, …
  • 111 b : sommes ou valeurs attribuées aux porteurs de parts bénéficiaires ou de fondateur au titre de rachat de ces parts lorsque le prix de rachat excède la valeur originaire des parts,
  • 111 c : les rémunérations et avantages occultes (solution valable que le résultat soit bénéficiaire ou déficitaire et quelle que soit la qualité du bénéficiaire) :
    • les rémunérations occultes sont des sommes régulièrement comptabilisées en charges et correspondant, au moins en apparence, à un service rendu, mais versées à des tiers dont l’identité n’est pas révélée,
    • les avantages occultes sont des avantages consentis, sans contrepartie pour l’entreprise (pas de service rendu), à un bénéficiaire, connu ou inconnu, qui sont soit comptabilisés mais non individualisés en tant que tels, soit non comptabilisés,
  • 111 d : les rémunérations excessives ou ne correspondant pas à un travail effectif,
  • 111 e : les dépenses dites somptuaires (dépenses relatives aux résidences d'agrément, à la pêche, à la chasse et aux bateaux de plaisance).

e / Les intérêts non déductibles servis aux comptes courants d’associés et la partie des jetons de présence qui n’est pas déductible pour la société qui les verse (art. 112 – 4 du CGI).

B – Les obligations déclaratives de la sociétés distributrice

La société distributrice doit mentionner sur la déclaration n° 2065 toutes les sommes qu'elle a distribuées au sens des articles 109 à 115 du CGI. Lorsque la masse des revenus effectivement distribués par la société, notamment mise en lumière lors d’un contrôle fiscal, excède le montant des revenus qu'elle a déclaré, il y a existence de distributions occultes. Deux situations peuvent se présenter.

a / Les bénéficiaires des distributions sont connus : l'administration est ici à même de justifier leur imposition et leur adresse, alors, directement une proposition de rectification ; il en va ainsi, notamment, lorsque l'administration peut apporter la preuve que les sommes litigieuses ont été appréhendées par le contribuable ou lorsque l'identité des bénéficiaires des distributions occultes résulte sans ambiguïté des circonstances elles-mêmes.

b / Les bénéficiaires des distributions ne sont pas connus : l'administration met ici en œuvre la procédure prévue à l'article 117 du CGI au terme duquel « au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent des distributions » ; concrètement :

  • l’administration envoie à la société distributrice une mise en demeure qui doit indiquer les sanctionsqu'encourt la société en cas de défaut de réponse et le délai de réponse de trente jours : la réponse écrite de la société doit contenir des indications précises sur le nom des bénéficiaires, ainsi que toutes justifications de nature à permettre à l'administration de procéder, le cas échéant, à l'imposition des sommes distribuées chez les bénéficiaires,
  • deux cas de figure peuvent se présenter :
    • soit la société distributrice répond et l’administration peut procéder à la taxation des bénéficiaires,
    • soit la société distributrice ne répond pas et l’administration lui applique les amendes prévues par la loi (75 % ou 100 % des sommes réputées distribuées selon que la société les a porté ou non spontanément sur sa déclaration de résultat).

C – L'imposition des bénéficiaires des distributions officieuses

Les règles varient selon que le bénéficiaire de la distribution officieuse a son domicile ou son siège social en France (1) ou est un non-résident (2).

1 – Le bénéficiaire a son domicile ou son siège social en France

Deux hypothèses doivent être distinguées.

a / Les personnes physiques sont imposées à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des RCM : les distributions officieuses ne bénéficient pas de l’abattement de 40 % ; par ailleurs, les sommes réputées distribuées en application des articles 109, 111 - c à 111 - e, et 112 - 4° du CGI sont retenues pour 125 % de leur montant ; enfin, ces sommes sont également soumises aux prélèvements sociaux.

b / Les personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés : l'administration doit engager à l'encontre des sociétés bénéficiaires qui n'ont pas déclaré les revenus distribués une procédure de rectification en apportant la preuve qu’elles ont bien appréhendé les sommes en cause ; en effet, la désignation par la société distributrice des bénéficiaires de la distribution constitue, pour l'administration, une simple information non-opposable aux personnes désignées.

2 – Le bénéficiaire est un non-résident

Les revenus distribués par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés font l'objet d'une retenue à la source dans la mesure où ils bénéficient à des personnes, physiques ou morales, dont le domicile fiscal ou le siège social est situé hors de France. Le taux prévu par l'article 187 du CGI est de 30 % (75 % pour les produits payés dans un Etat ou territoire non coopératif).

En présence d'une distribution officieuse passible de la retenue à la source en droit interne et dont le bénéficiaire est résident d'un Etat ou d'un territoire lié à la France par une convention fiscale, il convient de se reporter à cette convention pour déterminer l’Etat juridiquement compétent pour imposer cette distribution officieuse.