Introduction
Si la définition des opérations imposables à la TVA est très large, le champ d’application territorial de ladite taxe est, lui, au contraire, strictement limité. En effet, une opération n’est imposable à la TVA française que si le lieu où elle est réputée être réalisée se situe en France, c’est-à-dire, principalement, en France continentale, en Corse et à Monaco (les DOM font l’objet de dispositions spécifiques). Dans le cas contraire, elle y échappe.
En matière de livraisons de biens, les règles varient selon que les échanges se font entre la France et les autres Etats membres de l’Union européenne (UE) ou entre la France et les pays tiers à l’UE. Dans le premier cas, les échanges sont dits intracommunautaires. Dans le second, l’on parle d’échanges extracommunautaires.
Dans chacune de ces deux hypothèses, cependant, l’on rencontre systématiquement deux types d’opérations : l’une d’entrée sur le territoire français, l’autre de sortie. L’on parle, alors, pour les échanges intracommunautaires d’acquisitions intracommunautaires et de livraisons intracommunautaires. Et, pour les échanges extracommunautaires, ce sont les notions classiques d’importations et d’exportations qui doivent être retenues.
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les échanges intracommunautaires de biens (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les échanges extracommunautaires de biens (II).
I – Les échanges intracommunautaires de biens
La construction européenne a conduit à une harmonisation des règles applicables aux différentes taxes sur la valeur ajoutée nationales. Ainsi, pour éviter toute distorsion de concurrence, les échanges intracommunautaires entre assujettis sont taxés dans le pays d’arrivée et exonérés dans le pays de départ. Concrètement, tout échange intra-européen s’analyse en une livraison intracommunautaire (LIC) exonérée pour le vendeur et une acquisition intracommunautaire (AIC) taxée pour l’acquéreur.
Les particuliers, eux, ne sont pas concernés par cette réglementation. C’est, ainsi, que les achats qu’ils effectuent dans un autre Etat membre ne supportent que la TVA de cet Etat, sans aucune formalité douanière. Il n’est fait exception à cette règle que pour deux hypothèses spécifiques : les ventes à distance et l’achat de moyens de transport neufs.
Pour l’application de ces règles, le territoire de l’Union européenne (UE) est constitué de ses 27 Etats membres. Par ailleurs, afin d’assurer la surveillance de la bonne application de ce régime, les assujettis qui réalisent dans un pays des livraisons ou des acquisitions de biens à destination ou en provenance d’un autre Etat membre ont l’obligation de déclarer ces échanges par le biais d’une déclaration d’échanges de biens (DEB) à déposer auprès du service des douanes. Dans le même sens, les intéressés doivent faire figurer leur numéro de TVA intracommunautaire sur leurs factures et leurs DEB.
Il convient d’analyser les AIC (A), les LIC (B) et divers régimes particuliers (C).
A - Les acquisitions intracommunautaires
a / Définition : une AIC peut se définir comme l’obtention du pouvoir de disposer comme un propriétaire d’un bien meuble corporel, expédié ou transporté en France par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, à destination de l’acquéreur à partir d’un autre Etat membre (art. 256 bis du CGI) ; ces opérations sont taxables à la TVA en France si elles sont réalisées à titre onéreux par un vendeur assujetti au profit d’un acquéreur lui-aussi assujetti.
b / Redevable : il s’agit toujours de l’acquéreur.
c / Base d’imposition : comme en régime intérieur, elle est constituée par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur en contrepartie de l’opération.
d / Taux : il s’agit du taux applicable aux livraisons internes.
e / Fait générateur / Exigibilité :
- le fait générateur de la taxe intervient au moment où l’AIC est effectuée, c’est-à-dire au moment où la livraison à l’intérieur du pays de biens similaires est considérée comme effectuée,
- la TVA est exigible le 15 du mois suivant celui au cours duquel s’est produit le fait générateur ; toutefois, la taxe est exigible lors de la délivrance de la facture si celle-ci précède la date d’exigibilité de principe.
f / Déduction : la taxe ainsi acquittée au titre d’une AIC est immédiatement déductible dans les conditions de droit commun ; il faut comprendre, par-là, que, dans le cadre d’une AIC, la taxe est simultanément exigible et déductible ; on parle, alors, d’auto-liquidation.
g / Déclaration : la TVA doit être auto-liquidée par le redevable sur ses déclarations de chiffre d’affaires en portant tant le montant de TVA collectée que celui de TVA déductible.
h / Exonérations : certaines AIC sont exonérées, comme, par exemple, celles de produits exonérés en régime intérieur.
B - Les livraisons intracommunautaires
a / Définition : une LIC s’analyse en un transfert du pouvoir de disposer comme un propriétaire d’un bien meuble corporel expédié ou transporté de la France par un assujetti vers un autre Etat membre de l’UE à destination d’un autre assujetti.
b / Régime : les LIC entrent dans le champ d’application de la TVA, mais elles en sont exonérées lorsque les conditions suivantes sont satisfaites (art. 262 ter I du CGI) :
- la livraison doit être effectuée à titre onéreux,
- le vendeur :
- doit être un assujetti agissant en tant que tel,
- doit déposer une DEB,
- l’acquéreur :
- doit être un assujetti ou une personne morale non assujettie qui ne bénéficie pas dans son Etat membre du régime dérogatoire (voir C, régime des PBRD),
- doit être identifié aux fins de TVA dans un Etat membre autre que celui de départ des biens et communiquer son numéro d’identification à la TVA au vendeur,
- le bien doit être expédié ou transporté hors de France à destination d’un autre Etat membre : la réalité de ce transport peur être justifiée par tout moyen de preuve (facture du transporteur, contrat d’assurance relatif au transport, bons de livraison, …).
c / Déduction : bien qu’exonérées, les LIC ouvrent droit à déduction ; ainsi, les assujettis peuvent déduire la TVA qui a grevé les éléments du prix de revient des biens expédiés vers un autre Etat membre.
d / Déclaration : les assujettis doivent porter le montant total des LIC en ligne « Livraisons intracommunautaires » de la déclaration de chiffre d’affaires déposée le mois qui suit celui au cours duquel est intervenu le fait générateur.
C – Les régimes particuliers
Certains échanges intracommunautaires font l’objet de règles spécifiques. L’on peut, notamment, citer les cas suivants.
a / Le régime des PBRD : les AIC réalisées par les personnes bénéficiant du régime dérogatoire (PBRD) ne sont pas soumises à la TVA ; en d’autres termes, elles sont traitées comme les achats des particuliers, la taxation se situant exclusivement au niveau du fournisseur,
- ce régime s’applique :
- aux personnes morales non assujetties (collectivités publiques, notamment), aux assujettis ne réalisant que des opérations n’ouvrant pas droit à déduction (bénéficiaires de la franchises en base, par exemple) ou, encore, aux exploitants agricoles relevant du régime du remboursement forfaitaire,
- à l’ensemble de leurs AIC, à l’exception de celles relatives aux moyens de transport neufs et aux produits soumis à accises (alcools, tabacs, …),
- dès lors que le montant de leurs acquisitions ne dépasse pas globalement 10 000 € par an,
- les personnes bénéficiant de ce régime peuvent, cependant, y renoncer en décidant, sur option, de soumettre toutes leurs AIC à la TVA selon le régime général,
- en revanche, lorsque ce seuil est dépassé, les AIC des intéressés suivent le régime de droit commun : taxation dans le pays d’arrivée et attribution d’un numéro individuel d’identification à la TVA.
b / L’affectation en France d’un bien de l’entreprise en provenance d’un autre Etat membre : est assimilée à une AIC, et donc soumise à la TVA française, le transfert physique de biens (sans transfert de propriété) d’un Etat membre vers la France par un assujetti (ou pour son compte) pour les besoins de son entreprise ; dans la pratique, il s’agit pour un entrepreneur de transférer un stock ou une immobilisation entre deux de ses établissements situés dans deux Etats membres différents ; un tel transfert est, cependant, exonéré dans certaines hypothèses, notamment lorsqu’il est provisoire.
c / Les ventes à distance :
- les ventes à distance correspondent aux livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur (ou pour son compte) à destination de l’acquéreur (particulier ou PBRD) et effectuées de France vers un autre Etat membre (et inversement),
- ces livraisons sont toujours taxables au niveau du vendeur, mais le lieu de taxation varie en fonction d’un seuil de chiffre d’affaires :
- jusqu’à un certain seuil, le lieu de la livraison est réputé se situer dans l’Etat de départ des biens, avec, par conséquent, application de la TVA de cet Etat ; cependant, le vendeur peut, sur option, décider que ses ventes à distance vers un Etat membre déterminé seront, pour leur totalité, soumises à la TVA de cet Etat d’arrivée,
- au-delà de ce seuil, le lieu de la livraison est réputé se situer dans l’Etat d’arrivée, ce qui entraîne l’application de la TVA de cet Etat et la nécessité pour le vendeur de s’identifier à la TVA dans ledit Etat,
- les seuils sont propres à chaque Etat : ainsi, pour les ventes à distance d’un Etat membre vers la France, le seuil est fixé à 35 000 €.
d / Les échanges intracommunautaires de moyens de transport neufs :
- les acquisitions intracommunautaires de moyens de transport neufs, même effectuées par des particuliers ou des PBRD, sont soumises à la TVA dans l’Etat de destination ; ainsi, l’achat d’un tel bien dans un autre Etat membre par une personne résidant en France est taxable en France ; par suite, la livraison de ces biens expédiés ou transportés à partir de la France vers un autre Etat membre est exonérée de la TVA française,
- les moyens de transport neufs correspondent à tous les véhicules terrestres, bateaux ou aéronefs livrés dans les 6 mois de leur première mise en service ou ayant parcouru moins de 6 000 kilomètres,
- l’immatriculation du véhicule en préfecture ne peut être faite que sur présentation d’un certificat délivré par l’administration fiscale après vérification que la TVA a bien été déclarée et acquittée,
- cette règlementation vise à éviter les distorsions de concurrence dans un secteur dont le poids économique est important.
II – Les échanges extracommunautaires de biens
Les échanges extracommunautaires visent les échanges entre la France et tous les pays tiers à l’UE. Ils s’analysent en une exportation exonérée pour le vendeur (B) et une importation imposable pour l’acquéreur (A).
A - Les importations
a / Définition : une importation peut se définir comme l’introduction en France d’un bien en provenance d’un pays tiers à l’UE ; ces opérations sont imposables à la TVA (art.291 I du CGI) ; concrètement, c’est le passage de la frontière qui constitue en lui-même un acte imposable, dès lors que les produits importés sont taxables sur le marché intérieur.
b / Redevable : la TVA doit être acquittée par la personne désignée comme le destinataire réel des biens sur la déclaration d’importation ; toutefois, la taxe est solidairement due par le déclarant en douane.
c / Base d’imposition : elle est constituée, en principal, par la valeur transactionnelle de l’importation, c’est-à-dire le prix facturé, mais aussi par les impôts, droits et autres taxes dus à raison de l’importation, à l’exception de la TVA elle-même (tels que les droits de douane ou les droits d’accises), ainsi que les frais accessoires intervenant jusqu’au premier lieu de destination des biens à l’intérieur du pays (frais de transport, de commission, d’emballage, par exemple).
d / Taux : c’est celui applicable au produit en cause sur le marché intérieur.
e / Exigibilité : elle intervient lors de l’importation elle-même, c’est-à-dire au moment où le bien est introduit sur le territoire français.
f / Déduction : la TVA acquittée à l’importation est déductible dans les conditions de droit commun.
g / Déclaration / Perception : la TVA due à l’importation est déclarée et acquittée auprès du service des douanes ; cependant, sur autorisation de cette dernière et sous conditions, les redevables peuvent, depuis janvier 2015, déclarer et déduire la TVA due au titre de leurs importations sur leur déclaration de TVA déposée mensuellement ou trimestriellement auprès de l’administration fiscale.
h / Exonérations : l’importation de certains produits est exonérée de TVA ; l’on peut, notamment, citer :
- les produits exonérés en régime intérieur : vente d’or, de produits d’origine humaine comme le sang ou les organes, …
- les franchises douanières et fiscales : un particulier peut bénéficier d’une franchise en valeur lors de l’introduction en France d’un bien en provenance d’un pays tiers à l’UE si la valeur marchande des biens ne dépasse pas 430 € pour un mode de transport aérien ou maritime et 300 € pour les autres modes de transport.
B - Les exportations
a / Définition : les exportations s’analysent en des livraisons de biens meubles corporels expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte vers un pays tiers à l’UE.
b / Régime : les exportations entrent dans le champ d’application de la TVA, mais elles en sont exonérées lorsque les conditions suivantes sont satisfaites (art. 262 I du CGI) :
- les biens doivent être réellement expédiés ou transportés dans un pays tiers à l’UE,
- l’inscription des envois doit être faite dans les livres comptables de l’entreprise afin d’en permettre l’identification,
- et, la justification de la sortie des biens doit être opérée par la production de la certification électronique de la sortie du territoire de l’UE ou de l’exemplaire du DAU (document administratif unique) visé par le bureau des douanes du point de sortie de l’UE en cas d’utilisation de la procédure papier ; ce DAU comporte différentes informations, telles que l’identité du déclarant, de l’expéditeur et du destinataire ou, encore, la nature et la valeur des marchandises.
c / Déduction : même exonérées, les exportations ouvrent droit à déduction ; ainsi, les exportateurs peuvent déduire la TVA qui a grevé les éléments du prix des biens exportés.
d / Déclaration : les redevables doivent déclarer leurs exportations en ligne « Exportations » sur leur déclaration de chiffre d’affaires.
