Un régime particulier : les PBRD (fiche thématique)

Introduction

Selon l’article 256 bis I 1° du Code général des impôts (CGI), les acquisitions intracommunautaires (AIC) de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la TVA. L’article 256 bis I 3° du CGI définit les AIC comme l'obtention du pouvoir de disposer comme un propriétaire d'un bien meuble corporel expédié ou transporté par le vendeur, par l'acquéreur ou pour leur compte, à partir d'un autre État membre de l'Union européenne à destination de l'acquéreur en France. Fiscalement, l’assujetti acquéreur doit auto-liquider la TVA sur ces opérations, c’est-à-dire qu’il doit, dans le même temps, collecter et déduire la TVA (sous réserve que les conditions de déductibilité soient remplies).

Certaines personnes, bien que réalisant des AIC, bénéficient, toutefois, d'un régime dérogatoire qui les autorise à ne pas soumettre ces opérations à la TVA (BOFIP n° BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-20 du 19/01/2022 n° 350 et s.) : on les qualifie de personnes bénéficiant du régime dérogatoire (PBRD). Ce régime, qui est exclu pour les opérations portant sur les moyens de transport neufs et les produits soumis à accises (alcools, boissons alcooliques, huiles minérales, tabacs manufacturés), s’applique à trois catégories de personnes limitativement énumérées. Il est, aussi, soumis à une condition de seuil : les AIC réalisées ne doivent, en effet, pas dépasser la somme de 10 000 € par année civile.

Il peut être mis fin à ce régime dérogatoire sur option de la personne pour la soumission de ses AIC à la TVA selon le régime général. Le régime de droit commun peut, également, trouver à s’appliquer de plein droit lorsque la personne ne remplit plus les conditions requises en termes d’activité ou de seuil.

Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, le champ d’application du régime des PBRD (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les règles fiscales qui gouvernent ces personnes en matière de TVA (II).

I – Le champ d'application du régime des PBRD

Le régime des PBRD s’applique à certaines personnes (A) dont le montant des AIC réalisées est inférieur à un certain seuil (B).

A - Les personnes bénéficiant du régime dérogatoire

Le régime des PBRD s’applique à trois grandes catégories de personnes, sous réserve, comme cela sera noté, que le motif de leur éligibilité au titre d’une année ait été, aussi, respecté l’année civile précédente.

Il en va, ainsi, d’abord, des personnes morales non assujetties à raison de l'activité pour laquelle l'acquisition est réalisée, dès lors, toutefois, qu’au cours de l'année civile précédente, ces personnes morales n’ont pas été assujetties, de plein droit ou sur option, à la TVA en raison de l'activité pour laquelle l'acquisition est réalisée.

Le régime dérogatoire s’applique, également, aux exploitants agricoles placés sous le régime du remboursement forfaitaire, à condition, ici aussi, qu’ils aient été soumis au même régime au cours de l’année civile précédente.

Enfin, sont éligibles au régime des PBRD les assujettis qui réalisent, exclusivement, des livraisons de biens ou des prestations de services ne leur ouvrant aucun droit à déduction, tels que, par exemple, les assujettis bénéficiant de la franchise en base. Il convient, là encore, que ces assujettis n’aient pas réalisé, au cours de l’année civile précédente, des opérations leurs ouvrant droit à déduction. En revanche, sont exclus du régime dérogatoire les assujettis dont une partie de l'activité est soumise à la TVA, ainsi que tous les assujettis dont l'activité, bien qu'exonérée, ouvre droit à déduction (opérations liées au commerce extérieur, telles qu’exportations et livraisons intracommunautaires de biens ; opérations exonérées à l'intérieur sans droit à déduction, mais ouvrant droit à déduction lorsqu'elles sont réalisées hors de l'Union , comme les opérations bancaires et financières ou les opérations d'assurance).

B – Le seuil à respecter pour bénéficier du régime dérogatoire

Pour bénéficier du régime dérogatoire, les trois catégories de personnes évoquées plus haut doivent respecter une condition de seuil en termes de montant d’acquisitions intra-communautaires. Plus précisément, il convient que le montant de leurs AIC n'ait pas excédé au cours de l'année précédente ou n'excède pas, pendant l'année civile en cours au moment de l'acquisition, le seuil de 10 000 €. Pour l'appréciation de ce seuil, il convient de retenir le total, hors TVA, des acquisitions (autres que de moyens de transport neufs et de produits soumis à accises) ayant donné lieu, dans un autre État membre, à une livraison soumise à la TVA par le vendeur dans cet État (à l'exception, par conséquent, des livraisons exonérées dans ledit État).

Ainsi, une PBRD, qui a réalisé au cours de l'année N - 1 moins de 10 000 € d'acquisitions dans les autres États membres de l'Union, pourra bénéficier en année N du régime dérogatoire à concurrence d'un montant d'acquisitions de 10 000 €. Si ce montant est dépassé, le régime général est applicable aux acquisitions réalisées ultérieurement au cours de l'année N. Toutefois, lorsque le montant de l'acquisition a pour effet le franchissement du seuil, celle-ci doit être soumise au régime général des acquisitions. Il en est de même des acquisitions ultérieures, quel qu'en soit le montant.

Par exemple, une PBRD, dont les achats de l’année N – 1 n’ont pas dépassé 10 000 €, a réalisé 8 000 € d'achats auprès de fournisseurs situés dans les autres États membres au cours du premier trimestre de l'année N qui ont bénéficié du régime dérogatoire. Si, durant le deuxième trimestre, elle réalise un nouvel achat de 4 500 € (franchissement du seuil), cet achat sera entièrement taxable selon le régime général. Il en ira de même pour les achats suivants qui interviendront avant la fin de l'année N ou durant toute l'année N + 1.

II – Le régime fiscal des PBRD

Le régime des PBRD permet la non-taxation à la TVA des AIC réalisées (A). Il prend, toutefois, fin dans certaines situations, replaçant, alors, l’entreprise sous le régime général (B).

A – Les effets du régime dérogatoire

Le principe général est que lorsqu’une PBRD réalise des acquisitions intracommunautaires d'un montant ne dépassant pas globalement 10 000 € par an, elle n’a pas à soumettre ces AIC à la TVA. Ces acquisitions sont, en effet, traitées comme les achats des particuliers, la taxation se situant exclusivement au niveau du fournisseur lors de la livraison.

Toutefois, les personnes éligibles au régime des PBRD peuvent, à n’importe quel moment de l’année, opter pour la soumission de leurs AIC à la TVA selon le régime général. Ces personnes doivent, alors, soumettre ces opérations à la taxe dès l'entrée en vigueur de ladite option et être identifiées à la TVA par un numéro individuel. L’option couvre, obligatoirement, une période de deux années civiles en plus de celle au cours de laquelle elle a été exercée et prend effet le premier jour du mois au cours duquel elle est déclarée : ainsi, une option formulée le 14 juin de l'année N produira ses effets du 1° juin de l’année N jusqu'au 31 décembre de l'année N+2. Cette option est renouvelable par tacite reconduction par période de deux années civiles. Elle peut être dénoncée jusqu’au 31 octobre de l’année d’échéance de l’option. La dénonciation prend, alors, effet le 1° janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle elle est déclarée et la personne se retrouve placée sous le régime dérogatoire, dès lors, bien sûr, qu’elle n’a pas réalisé au cours de l’année N - 1 des acquisitions pour un montant supérieur à 10 000 € hors taxe, auquel cas elle demeure soumise, cette fois-ci, de plein droit pour l'année suivante au régime général.

B – La fin du bénéfice du régime dérogatoire

Le régime dérogatoire cesse de s’appliquer dans deux grandes hypothèses.

La première concerne les personnes dont l’activité ne permet plus de les regarder comme des PBRD. Il en va ainsi des personnes morales qui sont assujetties, de plein droit ou sur option, au titre de l'activité pour laquelle l'acquisition est réalisée, des exploitants agricoles qui ne sont plus placés sous le régime du remboursement forfaitaire, ainsi que des assujettis qui réalisent désormais, totalement ou partiellement, des opérations leurs ouvrant droit à déduction.

La seconde vise les personnes, éligibles de part leur activité, dont le montant des AIC, autres que des moyens de transport neufs et des produits soumis à accises, dépasse le seuil de 10 000 € hors TVA au cours de l'année civile précédente ou pendant l'année civile en cours.

Dans ces hypothèses, les acquisitions intra-communautaires suivent le régime général. Les personnes en cause doivent en informer par écrit et sans délai le service des impôts dont elles dépendent et, lorsqu'elles n'ont pas déjà satisfait à l'obligation de déclaration de création d'entreprise ou d'activité, souscrire un document en vue de l'attribution du numéro individuel d'identification à la TVA. La taxe due sur les acquisitions intracommunautaires taxables doit, ensuite, être obligatoirement liquidée et déclarée sur des déclarations de chiffre d’affaires. Par exemple, une personne qui relevait de la franchise en base prévue à l’article 293 B du CGI cesse de bénéficier du régime des PBRD le 1er jour du mois au cours duquel la limite prévue à cet article est dépassée.