Introduction
Les administrations de sécurité sociale connaissent, depuis de nombreuses décennies, des déficits réguliers. Cette situation s’explique, principalement, par la baisse des recettes causée par les crises économiques successives et par le poids des dépenses qui, du fait des besoins sociaux que ces crises ont engendrés, n’a jamais cessé d’augmenter.
L’accumulation de ces déficits forme ce que l’on appelle la dette sociale qui est, avec la dette de l’Etat et la dette des collectivités locales, l’une des composantes de la dette publique. Depuis 1995, la dette sociale a évolué au gré de la conjoncture économique, mais la tendance de fond demeure à la hausse : elle est, ainsi, passée de moins de 4 % du PIB en 1995 à 11 % du PIB en 2021.
Face au caractère structurel de cet endettement et à l’insuffisance des moyens existants pour en assurer le remboursement, un mécanisme spécifique a été mis en place en 1996. A ainsi été créée la Caisse d’amortissement de la dette sociale chargée d’apurer cette dette à partir d’une ressource spécialement créée à cet effet, la Contribution au remboursement de la dette sociale.
Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, les contours de la dette sociale (I) et d’analyser, dans une seconde partie, le mode de financement de la dette sociale (II).
I – Les contours de la dette sociale
La dette sociale correspond aux déficits cumulés des organismes de sécurité sociale. Elle est, composée, principalement, des déficits des différentes branches du régime général (Famille, Maladie et Accidents du travail, Vieillesse, Autonomie), mais également de ceux du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Elle est constituée pour 63 % de titres de créances à long terme (obligations), pour 24 % de bons à court terme et pour 13 % d’emprunts bancaires en 2021.
Cette dette est l’une des composantes de la dette publique française au sens du Traité de Maastricht : en effet, outre la dette sociale (9,8 % de la dette publique en 2021), la dette publique comprend, également, la dette de l’Etat (79,2 % en 2021) et la dette des collectivités locales (8,7 % en 2021).
La dette sociale a fluctué au rythme de l’évolution de la conjoncture économique. Elle s’est, ainsi, réduite dans les années 1998 à 2002 du fait des excédents dégagés grâce à la période de croissance d’alors. Elle a, ensuite, augmenté de 2002 à 2005 avant de décroître très légèrement sur la période 2006-2008. Les déficits résultant de la crise économique et financière de 2009 l’ont, par la suite, fait fortement progressé pendant les années 2009 - 2011. Puis, de 2011 à 2017, elle s’est à peu près stabilisée autour de 10 % du PIB, malgré le maintien de déficits importants et grâce à des cessions d’actifs (des régimes complémentaires, notamment). Un mouvement de baisse a, enfin, été enclenché en 2018 et 2019, mais il a été interrompu, en 2020, par la crise sanitaire et le crise économique qui s’en est suivie : la dette sociale s’est, alors, élevée à 271 Md€, soit 11,7 % du PIB, en 2020 et à 275 Md€, soit 11 % du PIB, en 2021.
II – Le mode de financement de la dette sociale
Jusqu’en 1996, la gestion de la dette sociale était assurée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Cet organisme pouvait emprunter à court terme pour couvrir ses besoins de trésorerie, mais cette source de financement étant rarement suffisante, c’est à l’Etat qu’il revenait, alors, d’apporter les ressources manquantes. Ce système présentait l’inconvénient de ne pas permettre d’identifier de manière transparente la part de la dette de l’État due à l’accumulation des déficits sociaux. Par ailleurs, le recours à des emprunts à court terme n’offrait pas une sécurité suffisante au financement de l’ACOSS, de sorte qu’un dispositif pérenne, prenant acte de l’endettement structurel de la Sécurité sociale, était devenu nécessaire.
Aussi, l'ordonnance du 24 janvier 1996 a créé la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Celle-ci est chargée d’amortir la dette sociale, mais uniquement à hauteur des déficits qui lui sont transférés par la loi. Les déficits cumulés qu’elle ne reprend pas restent financés à court terme par l’ACOSS, dans la limite d’un plafond fixé chaque année par la loi de financement de sécurité sociale (LFSS).
La CADES a, ainsi, repris, depuis sa création, 280,5 Md€ de dette au 31 décembre 2020. À cette date, elle a amorti près de 67 % de la dette (187,3 Md€) et payé 58 Md€ d’intérêts. Depuis, le solde de dette restant à rembourser s’élève ainsi à 93,2 Md€ (soit 35 % de la dette de la sécurité sociale). Doivent s’y ajouter 116 Md€ de dette à transférer dont 40 Md€ en 2021 (« dette Covid » et une partie de la dette des hôpitaux, notamment).
Pour accomplir sa mission, la CADES est affectataire de ressources : la Contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) principalement, un pourcentage de la Contribution sociale généralisée (CSG), ainsi qu’un versement du fonds de réserve des retraites (FRR). Pour 2020, ses ressources se sont, ainsi, élevées à 7,4 Md€ de CRDS, 8,9 Md€ de CSG et 2,1 Md€ de FRR. La CADES peut, également, emprunter à moyen et à long termes sur les marchés financiers afin de refinancer sa dette à court terme. Elle bénéficie, alors, de conditions d’emprunt favorables, l’Etat étant l’ultime garant de sa solvabilité.
Originellement conçue comme provisoire, la CADES a vu sa durée de vie plusieurs fois prolongée du fait de la persistance des déficits sociaux malgré les mesures prises pour les réduire. C’est ainsi que l’horizon d’amortissement initial prévu en 2009 a été repoussé en 2014 (LFSS pour 1998), puis en 2024 (LFSS pour 2011). Cette limite a, à nouveau, été modifiée pour être portée au 31 décembre 2033 par la loi organique du 7 août 2020. Pour que cette date butoir soit respectée, tout transfert de dette supplémentaire à ceux déjà votés impose l’affectation de ressources supplémentaires, tirées notamment de la CRDS ou de la CSG, conformément aux dispositions organiques applicables.
Une fois la CADES supprimée, il est prévu que l’ACOSS rétablisse sa situation financière de manière durable en bénéficiant des excédents structurels de la Sécurité sociale, de sorte qu’il n’y aurait plus de dette sociale. Dès lors, se posera la question du devenir des ressources actuellement affectées à la CADES, notamment la CRDS.
