Les ministres, des autorités réglementaires à la marge (CE, sect., 07/02/1936, Jamart)

Introduction

Il est des arrêts dont la postérité ne vient pas de la solution d'espèce, mais de la motivation qui l'accompagne. L’arrêt Jamart est l'un de ceux-là : par un considérant de principe qui rend la décision retenue au fond anecdotique, le Conseil d’État surprend les commentateurs et reconnaît aux ministres un pouvoir réglementaire en matière d'organisation des services publics.

Cette affaire oppose M. Jamart au ministre des pensions. Le premier se rend régulièrement dans le centre de réforme de Paris qui relève de l'autorité du second. Il y assiste, en tant que docteur en médecine, les anciens militaires titulaires de pensions lors des examens médicaux périodiques que ceux-ci doivent subir pour continuer à bénéficier de leur pension. Rien de plus banal, jusqu'à que M. Jamart adresse, par plusieurs lettres, des menaces au ministre. Par une décision du 07/09/1934, ce dernier interdit, alors, à M. Jamart l'accès à tous les centres de réforme. C'est cette décision que l'intéressé conteste devant le Conseil d’État. Par un arrêt de section du 07/02/1936, la Haute juridiction annule la décision du ministre des pensions, non pour incompétence, mais parce qu'elle n'était pas, en l'espèce, justifiée. En d'autres termes, le juge administratif suprême considère que le ministre pouvait légalement réglementer l'accès aux centres de réforme et lui reconnaît, ce faisant, un pouvoir réglementaire en matière d'organisation des services.

Cette position de principe retiendra l'attention de la doctrine dans la mesure où la Constitution de la III° République n'accordait pas de pouvoir réglementaire aux ministres. Les Chartes fondamentales de 1946 et de 1958 resteront toutes aussi muettes sur la question. Et, aucun juge, hier comme aujourd'hui, ne se risquera à dépasser la lettre des textes constitutionnels. Tout au plus, consentiront-ils, par souci de réalisme, des palliatifs, les exigences de l'action administrative ne se satisfaisant pas de cet état du droit. L’arrêt Jamart est l'un de ces palliatifs : il vise à permettre aux ministres et, plus généralement, à tous les chefs de services d'assurer, par la reconnaissance d'un pouvoir réglementaire limité, la bonne exécution du service public. Ce pouvoir n'en demeure pas moins strictement encadré, puisque si les nécessités du service sont sa raison d’être, elles sont aussi sa limite.

La jurisprudence Jamart doit, alors, être abordée, dans une première partie, en tant qu'elle se situe au carrefour des contraintes constitutionnelles et du réalisme administratif (I) et, dans une seconde partie, en tant qu'elle reconnaît aux ministres un pouvoir d'organisation des services (II).

I – Une jurisprudence au carrefour des contraintes constitutionnelles et du réalisme administratif

Les Constitutions de 1875, 1946 et 1958 n'attribuent pas de pouvoir réglementaire général aux ministres (A). Ces derniers sont, cependant, parfois, obligés d'agir par voie réglementaire pour accomplir leurs missions (B). Aussi, le juge administratif a-t-il admis de leurs conférer un pouvoir réglementaire limité, dont l’arrêt Jamart constitue l'une des modalités.

A – Une Constitution qui ne dit mot

Le pouvoir réglementaire des ministres est un non-sujet pour les Constitutions des trois dernières Républiques (1). Interprétant à la lettre ce silence, les juges constitutionnel et administratif se sont toujours refusé à faire œuvre prétorienne en la matière (2).

1 – Des ministres ignorés par la Charte fondamentale

Les Constitutions de 1875 et 1946 sont muettes sur la question de l'exercice du pouvoir réglementaire par les ministres. La Constitution de la V° République ne déroge pas à la règle. C'est ainsi qu'aucune de ses dispositions n'aborde cette question. Et, lorsqu'il s'agit de déterminer les autorités en charge de ce pouvoir, le texte de 1958 ne désigne que le Premier ministre en tant qu'autorité de droit commun (art. 21) et le président de la République, comme autorité secondaire dont la compétence est limitée à la signature des ordonnances et des décrets délibérés en conseil des ministres (art. 13).

A aucun moment, la situation des ministres n'est évoquée. Aucune disposition constitutionnelle ne confère, ainsi, d'attributions réglementaires aux ministres. Tout au plus peut-on noter l'obligation de contre-seing des ministres imposée dans certaines hypothèses par les articles 19 et 22 de la Charte fondamentale de 1958. C'est, à ce seul titre, que cette dernière envisage leur participation à l'exercice du pouvoir réglementaire. Ainsi, s'explique, peut-être, la prudence avec laquelle les juridictions ont envisagé la problématique qui est à l'origine de l’arrêt Jamart.

2 – Des juges dénués d'esprit aventureux

En la matière, la position des juridictions françaises a été aussi constante qu'unanime pour déduire du silence gardé par les textes constitutionnels l'absence de pouvoir réglementaire général des ministres. Le Conseil constitutionnel a, ainsi, jugé qu'il était interdit au législateur de leurs confier de telles attributions, ainsi qu'à toute autre autorité administrative (CC, 17/01/1989). Dans le même sens, le Conseil d’État sanctionne, ponctuellement, les règlements de portée générale qu'ils peuvent édicter (CE, sect., 23/05/1969, So. Distillerie Brabant).

Si elles se fondent sur une lecture littérale de la Constitution, ces solutions s'avèrent en grande partie justifiées. Outre que la Charte fondamentale n'évoque jamais l'exercice du pouvoir réglementaire par les ministres, lorsqu'elle détermine les autorités qui en sont les dépositaires, c'est pour ne désigner que le Premier ministre et le chef de l’État.

A cela s'ajoutent deux considérations, l'une institutionnelle, l'autre factuelle, qui expliquent que les juges n'aient pu faire preuve d'audace en leurs reconnaissant, de manière prétorienne ou sur la base d'une interprétation extensive des Constitutions successives, une compétence en la matière.

Au plan institutionnel, les dispositions constitutionnelles ne laissent guère de marge de manœuvre aux juges : au silence sur la situation des ministres, s'ajoute, on l'a vu, une désignation dénuée d'ambiguïté des titulaires du pouvoir réglementaire. Dès lors, s'aventurer sur une telle voie représenterait un effort jurisprudentiel d'une ampleur d'autant plus inenvisageable qu'il touche à la norme fondamentale. Cette construction, dont les conséquences seraient aussi imprévisibles que difficilement maîtrisables, pourrait, surtout, se révéler hasardeuse et déstabiliser le fragile équilibre existant entre les autorités réglementaires textuellement désignées. Ainsi, s'explique, peut-être, que tant le Conseil constitutionnel que le Conseil d’État ne se soient pas encore aventurés sur cette voie.

Au plan pratique, une telle reconnaissance provoquerait, inévitablement, de graves désordres, du fait des chevauchements qui existent entre les compétences des différents ministres. L'intelligibilité de la règle de droit s'en trouverait affectée et il y aurait, pour le juge, une réelle difficulté à ordonner le chaos, ainsi, engendré.

Pour l'heure, le peu d'audace des juridictions constitutionnelle et administrative a évité que ces problèmes ne se posent, mais laissé les ministres relativement désarmés face aux difficultés pratiques que ceux-ci rencontrent dans l'accomplissement de leurs missions.    

B – Une carence constitutionnelle qui se heurte au réalisme administratif

Le vide, voulu ou non, des textes constitutionnels n'efface en rien les exigences de l'action administrative qui imposent, elles, d'aller au-delà de ce que permet la Constitution (1). Pour répondre à ces difficultés, les juges ont, alors, élaboré deux palliatifs : l’arrêt Jamart est l'un d'eux, mais le premier à avoir été admis concerne les délégations textuelles (2).

1 – Les contraintes de l'action administrative

La situation découlant des textes constitutionnels laisse, parfois, les ministres dans l'embarras. L'accomplissement des missions d’intérêt général qui leurs sont confiées ne s'épuisent, en effet, jamais par la prise de mesures individuelles. Maintes situations exigent, au contraire, d'aller au-delà et d'édicter de véritables règlements. Ceux-ci se trouvent, alors, dans une situation inextricable où ils sont tenus d'agir, tout en ne disposant pas des moyens juridiques pour ce faire. D'où leurs demandes régulières de disposer d'une véritable capacité en matière réglementaire.

Jusqu'à présent, ces requêtes n'ont jamais trouvées une oreille attentive tant de la part des juges que du pouvoir constituant. Cette situation les conduit, alors, à recourir à un artifice pour dépasser ce dilemme. Cet artifice porte un nom : les circulaires. Ces dernières sont sensées simplement interpréter les lois et règlements de manière à encadrer l'action des agents placés sous leur autorité. Cependant, sous couvert d'interprétation, les ministres y dissimulent, parfois, de véritables règles nouvelles, autrement dit des dispositions réglementaires, espérant, ainsi, contourner l'obstacle constitutionnel. Mais, loin de fermer les yeux sur ce stratagème, le juge administratif se montre des plus sévères (CE, sect., 18/12/2002, Duvignères). L’autre dispositif concerne les directives, que l'on nomme aujourd'hui lignes directrices (CE, sect., 11/12/1970, Crédit foncier de France). Celles-ci permettent à une autorité de fixer à ses subordonnés une ligne de conduite, tout en leur laissant la possibilité d'y déroger pour un motif d’intérêt général ou en cas de différence de situation. Le Conseil d’Etat est venu, récemment, préciser l’encadrement de ces dispositifs et, plus généralement, des documents de portée générale (CE, sect., 12/06/2020, GISTI).

Face aux contraintes pesant sur les ministres, le juge a, alors, consenti à leurs accorder un pouvoir réglementaire limité. Celui-ci peut être mis en œuvre dans deux hypothèses. La première concerne les délégations textuelles.

2 – Un premier palliatif : les délégations textuelles

Si l'article 21 de la Charte fondamentale réserve le pouvoir réglementaire général au Premier ministre, son deuxième alinéa prévoit que ce dernier peut « déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ». S'appuyant sur cette disposition, le Conseil constitutionnel considère que les ministres peuvent être habilités par un texte à prendre des règlements, dès lors que leur portée est limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu. Le Conseil d’État adopte la même position. Cette habilitation peut être le fait d'une loi comme d'un décret. De tels textes sont, dans les faits, très nombreux.

Cette solution n'est rien moins que des plus logiques. En effet, le Premier ministre et, a fortiori, le législateur ne peuvent prévoir à l'avance toutes les situations particulières que l'application d'une norme générale révèle et qui relèvent, parfois d'une appréciation in concreto, ni même régir une matière dans ses détails les plus infimes. Tout bon système normatif se doit donc de ménager au profit des autorités d'application un pouvoir d'appréciation ou d'adaptation, qui se doit d’être, aussi, de nature réglementaire. La solution retenue par les juges constitutionnel et administratif apparaît, alors, comme un bon compromis entre le respect du texte de 1958 et les exigences propres à tout système juridique.

Ce pouvoir n'en demeure pas moins strictement encadré. En effet, l'intervention des ministres doit être prévue par un texte. Et, elle doit rester cantonnée à un domaine étroitement circonscrit par le texte d'habilitation, tandis que les mesures prises par les intéressés ne peuvent égaler par leur ampleur celles prises par le Premier ministre. Ainsi, si l'article L 424-1 du Code de l'environnement recours à ce mécanisme en faveur du ministre chargé de la chasse, c'est uniquement pour l'autoriser à prendre des arrêtés propres à prévenir la destruction ou favoriser le repeuplement des oiseaux ou de toutes espèces de gibier. Mais, à défaut d’autorisation législative, les mesures règlementaires arrêtées par un ministre sont entachées d’incompétence.

Ce cas de détention par les ministres d'un pouvoir réglementaire sur la base d'une habilitation textuelle est explicitement mentionné par l’arrêt Jamart. Celui-ci y adjoint une seconde hypothèse : celle du pouvoir des ministres en matière d'organisation des services.

II – Une jurisprudence à la source du pouvoir d'organisation des services des ministres

La jurisprudence Jamart reconnaît aux ministres le pouvoir « de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité ». Par ces mots, le Conseil d’État fait des nécessités du service tant la justification (A) que la limite (B) de ce pouvoir réglementaire qui apparaît, ainsi, étroitement circonscrit.

A – Un pouvoir justifié par les nécessités du service

Le pouvoir des ministres n'a d'autre objet que d'assurer le bon fonctionnement du service public (1). Il s'applique, alors, à toutes les personnes en relation avec lui (2).

1 - Un pouvoir fondé sur le bon fonctionnement des services publics

Le pouvoir reconnu par l’arrêt Jamart apparaît consubstantiel au service public. Ce dernier est sa raison d’être, sa justification première. Le fonctionnement régulier des services publics suppose, en effet, un minimum d'organisation. Ce pouvoir ne vise, alors, rien d'autre que de la lui apporter. Ainsi, s'explique qu'il soit, le Conseil d’État le précise bien, applicable « même dans le cas où les ministres ne tiennent d'aucune disposition législative un pouvoir réglementaire ». En d'autres termes, les ministres en disposent en vertu de leurs pouvoirs propres, même sans habilitation législative ou décrétale. C'est le service public et lui seul qui, en quelques sortes, les y habilite.

Associé aux pouvoirs hiérarchique et disciplinaire, cette jurisprudence complète le panel des outils juridiques à la disposition des ministres pour accomplir leurs missions. Là encore, la position du Conseil d’État se justifie par un réalisme administratif des plus nécessaires. Si elle s'éloigne, dans une certaine mesure, des textes constitutionnels, ce n'est que pour permettre aux intéressés d'assurer la bonne exécution des services publics qui est, d'ailleurs, en elle-même une obligation constitutionnelle. Toute autre position risquerait de créer un vide juridique en la matière dont on ne voit pas bien quelle autorité pourrait assumer la charge.

Ces considérations justifient, alors, que ce pouvoir, bien que consacré en l'espèce à propos des ministres, bénéficie à tous les chefs de services, c'est-à-dire à toutes les autorités administratives responsables du fonctionnement d'un service public. Il peut, ainsi, s'agir des ministres, mais aussi de toute autorité placée à la tête d'une administration, qu'il s'agisse du directeur d'un service de l’État, d'un maire ou encore du directeur d'un établissement public.

De la même façon, ce pouvoir s'applique à toutes les personnes qui sont en relation avec le service public.

2 – Un pouvoir applicable à toutes les personnes en relation avec le service

Par ce pouvoir, les ministres, et plus généralement les chefs de services, peuvent réglementer les modalités d'organisation et de fonctionnement du service dont ils ont la charge, tant au regard des agents que des usagers.

Ainsi, un ministre est compétent en vertu de ses pouvoirs propres pour réglementer la situation des agents placés sous ses ordres. Il peut s'agir de réglementer, par des mesures de caractère général, la situation des personnels en matière de rémunération, de droit de grève ou, encore, d'évaluation. Des mesures spécifiques en lien avec certaines missions particulières peuvent également être prises : ainsi, le ministre de la Défense peut rendre obligatoires certaines vaccinations pour les militaires, de manière à préserver leur aptitude à être engagés en tout temps, sur tout terrain d'opération.

Dans le même sens, les ministres peuvent prendre des mesures réglementaires applicables aux usagers des services publics. Il peut s'agir, ici aussi, de mesures de caractère général ou de mesures particulières à certains services publics. Ainsi, le ministre de l'éducation nationale peut édicter les règles relatives à l'usage des punitions scolaires. De même, le ministre de la justice peut réglementer les conditions de déroulement des fouilles des détenus dans les établissements pénitentiaires.

Mais, dans l'un et l'autre cas, ces mesures doivent être justifiées par les nécessités du service. C'est là le fondement et la limite du pouvoir, ainsi, reconnu aux ministres.

B – Un pouvoir limité aux nécessités du service

La jurisprudence Jamart encadre le pouvoir reconnu aux ministres dans des limites strictes. D’abord, ce pouvoir ne peut s’exercer qu'envers les personnes en relation avec le service, c’est-à-dire les agents et les usagers. Les tiers ne peuvent, ainsi, pas être visés : par exemple, le ministre de l’Intérieur n’est pas compétent pour définir les conditions auxquelles les journalistes peuvent, lors des manifestations, porter des équipements de sécurité (CE, 10/06/2021, Syndicat national des journalistes et autres).

Par ailleurs, cette prérogative, ne peut s'exercer que dans la mesure où les nécessités du service l'exigent. En d'autres termes, la mesure doit, d'une part, être justifiée par le bon fonctionnement du service et, d'autre part, respecter un rapport d'adéquation avec ces nécessites, ce qui interdit, par conséquent, les mesures excessives. Le Conseil d’État fait application de ces principes en l'espèce. Il juge, ainsi, que le ministre des pensions peut, si l’intérêt du service l'exige, « interdire l'accès aux locaux qui y sont affectés aux personnes dont la présence serait susceptible de troubler le fonctionnement régulier dudit service ». En dehors de cette hypothèse, le ministre ne peut interdire cet accès aux personnes dont la présence dans lesdits locaux est justifiée par l'exercice de leur profession. En l'espèce, le juge administratif suprême relève que le comportement de M. Jamart n'était pas de nature à troubler le fonctionnement du Centre de réforme de Paris où l'intéressé devait, de surcroît, se rendre pour exercer sa profession. Aucune nécessité du service ne venait, donc, justifier la mesure d'interdiction prise par le ministre. Dès lors, celle-ci est entachée d'excès de pouvoir.

Au-delà de cette limite, le pouvoir d'organisation des services des ministres reste soumis aux respect des lois et règlements. Ainsi, lorsqu'une loi ou un décret confie une mission particulière à une autorité spécifique, un ministre ne peut user de son pouvoir d'organisation pour prendre une mesure entrant dans le champ de cette mission. Seule est compétente l'autorité textuellement désignée.

Le pouvoir reconnu par l’arrêt Jamart s'applique, alors, certes, sans texte, mais sous réserve des textes. L'on retrouve, là, le caractère mineur du pouvoir réglementaire, ainsi, conféré. Si des exceptions au principe de l'absence de pouvoir réglementaire des ministres ont été apportées par le juge, celles-ci ne peuvent conduire à regarder ces derniers comme des autorités réglementaires à part entière. Ils ne le sont qu'à la marge.

CE, sect., 07/02/1936, Jamart

Vu la requête et le mémoire présentés par le sieur X... Charles-Emile, docteur en médecine, demeurant à Paris 6° rue d'Assas n° 22, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 19 et 24 octobre 1934 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler une décision en date du 7 septembre 1934 par laquelle le Ministre des Pensions lui a interdit l'accès des centres de réforme ; Vu les lois des 31 mars 1919, 30 novembre 1892, 21 avril 1933 ; 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 ; le décret du 2 septembre 1919 ;

Considérant que si, même dans le cas où les ministres ne tiennent d'aucune disposition législative un pouvoir réglementaire, il leur appartient, comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité, et s'ils peuvent notamment, dans la mesure où l'exige l'intérêt du service, interdire l'accès des locaux qui y sont affectés aux personnes dont la présence serait susceptible de troubler le fonctionnement régulier dudit service, ils ne sauraient cependant, sauf dans des conditions exceptionnelles, prononcer, par une décision nominative, une interdiction de cette nature contre les personnes qui sont appelées à pénétrer dans les locaux affectés au service pour l'exercice de leur profession ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les lettres adressées par le sieur X... au ministre des Pensions, quel qu'ait été leur caractère regrettable, ne contenaient pas de menace précise de nature à troubler le fonctionnement du centre de réforme de Paris où le requérant, docteur en médecine, était appelé à pénétrer pour assister, en vertu de l'article 9 paragraphe 5 de la loi du 31 mars 1919, les anciens militaires bénéficiaires de ladite loi ; que, par suite, en lui interdisant, d'ailleurs sans limitation de durée, l'accès de tous les centres de réforme, le ministre des Pensions a excédé ses pouvoirs ;

DECIDE :
Article 1er : L'arrêté susvisé du Ministre des Pensions en date du 7 septembre 1934, est annulé.

Article 2 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre des Pensions.