Le droit administratif peut être défini comme le droit qui encadre les activités de l’administration. S’il fut essentiellement d’origine jurisprudentielle au départ, il est, de nos jours, fortement nourri par d’autres types de normes (Constitution et droit international, notamment). La nature particulière des missions administratives, que sont le service public et la police administrative, explique, cependant, que la puissance publique bénéficie de pouvoirs exorbitants, dont on trouve des ramifications tant au niveau de l’acte administratif unilatéral que du contrat administratif. Pour autant, l'administration demeure soumise au contrôle du juge administratif et peut voir sa responsabilité engagée.
Il est de ces notions fondamentales et originelles du droit administratif français qui ne peuvent recevoir de définition. Le service public en fait partie. Elle justifie, selon Duguit et Jeze, l’existence même d’un droit administratif, préside à ses évolutions, conditionne le raisonnement du juge administratif, et, pourtant, elle se trouve être un peu comme la prose de monsieur Jourdain : les personnes publiques et privées en font, sans le savoir. C’est toute la difficulté à laquelle est confronté l’arrêt CE, 23 mai 2011, Commune de Six-Fours-les-plages.
La vie administrative communale ne serait pas si dynamique sans l’existence d’associations multiples. Les politistes (et les politiques) ne s’y trompent pas, qui y voient des réservoirs de voix importants. Pourtant, le modèle associatif présente d’autre avantages, dont celui de permettre à la personne publique d’avancer masquée. C’est à cette situation que répond l’arrêt du Conseil d’État, Commune de Boulogne-Billancourt du 21 mars 2007.
La question des modalités de gestion du service public constitue l'une des questions essentielles pour le droit administratif. C’est bien souvent à cette occasion que les problèmes de la pratique juridique quotidienne rejaillissent sur l’édifice juridique, parfois en le bousculant un peu. Dans son rôle de juridiction suprême de l’ordre administratif, le Conseil d’État se doit d’assurer la stabilité de cet édifice. À ce titre, l’arrêt CE, Sect, 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence, est caractéristique de ce que l’on peut nommer un « arrêt pédagogique ».
Certains arrêts sont destinés à entrer dans la postérité du droit administratif. Déterminer ce qui fait un « grand arrêt » apparaît souvent avec une évidence qui tient à sa structure et à la puissance de son considérant de principe ; lorsqu’une solution est posée de façon pédagogique et présente un champ d’application étendu, les conditions sont réunies pour le ranger parmi eux. C’est le cas de l’arrêt CE, Ass, 31 mai 2006, Ordre des avocats au Barreau de Paris, qui renouvelle en profondeur l’approche du droit public économique français.
Il est des arrêts qui attestent que le juge administratif n'est pas qu'un juge du compromis, mais peut, bien plus, se révéler être un juge des principes. Par l'audace dont il fait preuve au regard de la règle qu'il énonce et par sa loyauté à l'égard de la Constitution, l’arrêt Koné se révèle être l'un de ceux-la.
La tradition française nie au juge le pouvoir de faire obstacle à la loi. Montesquieu n’affirmait-il pas : « Les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi, des êtres inanimés, qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur » ?. Le juge est maintenu dans une position de révérence au regard de la loi – « expression de la volonté générale » (Art. 6 DDHC). L’arrêt CE, Sect., 6 novembre 1936, Arrighi, est l’expression la plus parfaite de cette conception.
Certaines affaires judiciaires relèvent des sagas. Ce qu’elles nous
disent des évolutions de la société et des mœurs est extrêmement
révélateur. Face à elles, le droit ne peut rester insensible. Il
s’adapte et offre, sur le plan de la stricte technique juridique, des
avancées majeures. Les affaires commentées ci-après en témoignent. La
question de la « cristallisation » des pensions des anciens militaires
français des colonies a longtemps constitué un point de crispation. Le
Conseil constitutionnel avait rendu sa première décision QPC sur ce
problème. C’est à l’occasion d’un litige subséquent qu’a été rendu
l’arrêt CE, Ass, 13 mai 2011, Mme M’Rida. Le Conseil d’État a publié, le
même jour, deux autres arrêts, respectivement Mme Delannoyet M.
Verzele (req. n°317808) et Mme Lazare (req. n°329290). Ils font suite
aux décisions du Conseil constitutionnel, qui avait été saisi de
contestations contre la loi du 4 mars 2002. Cette dernière était revenue
sur l’arrêt Perruche de la Cour de cassation (C.Cass, Ass., 17 novembre
2000. La loi avait posé le principe selon lequel « nul ne peut se
prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance »). Ces
contestations avaient donné lieu à la deuxième décision QPC.
Il est des arrêts qui éclairent le droit au-delà des faits d’espèce qui en sont à l’origine. L’arrêt Sarran et Levacher est topique de ces arrêts de principe qui irriguent l’ensemble de la réflexion juridique.
L’établissement d’un État de droit suppose que l’État soit soumis au droit. Cette soumission ne peut être réalisée que s’il existe un juge compétent pour exercer le contrôle des actes de l’administration, contrôle fondé sur le droit, qu’il soit spécifique, comme dans la tradition des systèmes continentaux, ou qu’il ne se distingue pas du droit commun, comme le nom l’indique pour la tradition de common law. Le Conseil d’État s’est trouvé, depuis la fin du XIXème siècle, avec le Tribunal des conflits (TC, 8 février 1873, Blanco) à l’avant-garde de l’approfondissement de cet État de droit. Pourtant, certains actes demeurent immunisés du contrôle juridictionnel. L’arrêt CE, 28 mars 2011, Maxime Gremetz en est un exemple remarquable.
La notion de service public a, longtemps, constitué le critère cardinal déterminant la compétence du juge administratif (TC, 8/02/1873, Blanco). Ce rôle clé fut, cependant, rapidement mis à mal lorsque le Tribunal des conflits créa la catégorie des services publics industriels et commerciaux majoritairement soumis au droit privé (TC, 22/01/1921, Société commerciale de l’ouest africain). Quant à la notion de service public, elle perdit, quelques années plus tard, le versant organique de sa définition lorsqu’il fut admis qu’une personne privée puisse gérer un service public en dehors de toute délégation contractuelle (CE, ass., 13/05/1938, Caisse primaire « Aide et Protection »). La question s’est, alors, posée de savoir comment identifier tant les services publics gérés par des personnes privées, que les actes administratifs que de tels organismes peuvent édicter. C’est cet ensemble de problèmes que soulève l’arrêt Soc. Textron.
Confronté à la multiplication des interventions des personnes privées dans l’exécution des missions de service public, le juge administratif dû très vite s’adapter pour parvenir à soumettre ces personnes aux mêmes exigences de légalité que celles qui s’appliquent aux personnes publiques. Cependant, si la nature particulière de leurs missions commandait d’aller en ce sens, le caractère privé de ces entités imposait, lui, de ne faire peser ces exigences que sur ceux de leurs actes les plus intimement liés à la sphère publique. Pour ce faire, le Conseil d’Etat et le Tribunal des conflits élaborèrent, alors, un ensemble de solutions afin de circonscrire le champ des actes de ces entités pouvant être qualifiés d’administratifs. L’arrêt présentement commenté se révèle une illustration particulièrement didactique des principes retenus dans le cas où le service public géré est un service public administratif (SPA).
Tout au long du XX° siècle, les interventions de l’Etat n’ont eu de cesse que de se diversifier. L’une des tendances de fond de ce mouvement a été pour les autorités administratives d’associer, toujours plus fréquemment, des personnes privées à l’exécution des missions de service public, que cela soit par le biais d’une habilitation contractuelle, telle que la concession de service public, ou en dehors de tout lien contractuel (voir pour cette dernière hypothèse : CE, ass., 13/05/1938, Caisse primaire « Aide et Protection"). La question s’est, alors, posée de savoir si de tels organismes pouvaient édicter des actes administratifs et, si oui, à quelles conditions. L’arrêt Epx. Barbier apporte, ici, une réponse pour ceux de ces organismes qui sont en charge d’un service public industriel et commercial (SPIC).