Le principe d’annualité budgétaire est-il devenu obsolète ? (dissertation)

Introduction

Le principe d’annualité budgétaire est apparu à la Révolution française, car il n'y avait pas eu de consultation sur l'impôt et les finances publiques de 1615 à 1789. Fut, donc, posé le principe selon lequel l’autorisation de procéder à la levée de l’impôt et à l’exécution des dépenses doit être donnée, chaque année, par les représentants de la Nation afin de leurs permettre d’assurer un contrôle régulier des finances de l’Etat. On retrouve ce principe en matière de finances locales et, dans une moindre mesure, de finance sociales.

La question du caractère obsolète de ce principe, c’est-à-dire de son caractère dépassé ou inopérant, se pose de plus en plus ces dernières années du fait des nombreuses atteintes ou atténuations qui lui ont été apportées. En effet, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, s’est développée une approche pluriannuelle des finances publiques en lien avec l’objectif de lutte contre les déficits publics et la vision à moyen terme qu’il nécessite. Ont, ainsi, été mis en place différents dispositifs : les uns concernent uniquement l’Etat, les autres touchent les trois composantes des finances publiques.

Le principe d’annualité n’en demeure pas moins un principe qui conserve une autorité certaine. D’abord, par les limites que rencontrent les dispositifs de pluriannualité budgétaire. Ensuite, par le fait que l’autorisation budgétaire demeure annuelle et a, seule, force obligatoire.

La question n’est donc pas tant de savoir si la vision pluriannuelle des finances publiques a pris le pas sur le principe d’annualité, mais, bien plutôt, celle de déterminer les voies d’une coexistence entre les deux approches.

Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, les atteintes portées au principe d’annualité par le développement de la pluriannualité budgétaire (I) et d’analyser, dans une seconde partie, la voie qui se dessine et qui semble être celle de la coexistence entre les deux approches (II).

I – Un principe affecté par le développement de la pluriannualité budgétaire

A partir de la seconde moitié du XX° siècle, le principe d’annualité a dû, de manière régulière et toujours plus importante, cohabiter avec différents dispositifs instaurant une approche pluriannuelle des finances publiques. Prenant sa source dans les nouveaux impératifs pesant sur l’Etat (A), ce phénomène apparaît comme global (B).

A – Un mouvement provoqué par les nouveaux impératifs pesant sur l'Etat

L’Etat contemporain est l’objet de nouveaux enjeux : il doit assumer une nouvelle fonction de programmation (1) et maîtriser les déficits publics (2). Ces évolutions ont promu une vision pluriannuelle des finances publiques.

1 – Le développement de la fonction de programmation

L’Etat d’aujourd’hui n’a que peu de choses à voir avec l’Etat du début du XX° siècle. Sous l’effet conjugué de la révolution industrielle, de la Première Guerre mondiale et de la crise économique de 1929, celui-ci a, en effet, durant la première moitié du XX° siècle, développé ses interventions dans les domaines économiques et sociaux afin de soutenir l’économie et de protéger les citoyens en leurs offrant un ensemble de services publics.

Ce mouvement a pris un nouvel essor au sortir de la Seconde Guerre mondiale. C’est, en effet, à partir de ce moment que l’Etat a entrepris des politiques interventionnistes en termes d’équipement et de programmation s’échelonnant sur plusieurs années : reconstruction des infrastructures, politique du logement, mise en œuvre des grands équilibres économiques (croissance, inflation, chômage, ...), …. Ce nouveau paradigme politique s’est traduit par le développement d’un important secteur public marchand (conf. les nombreuses nationalisations à cette époque). Il s’est, également, illustré par la création le 3 janvier 1946 du Commissariat général au Plan dirigé par Jean Monnet. Son but était de rationaliser les interventions économiques de l’Etat en programmant les investissements publics sur une certaine période afin de déterminer des priorités stratégiques et de satisfaire les besoins de la population.

Ce mouvement a impacté les politiques budgétaires. En effet, l’exercice de la fonction de programmation exige une continuité dans le temps et se laisse malaisément enfermer dans le cadre de l’année. Il implique, au contraire, une vision pluriannuelle des engagements budgétaires. Ainsi, s’explique que le cadre annuel ait, très vite, été considéré comme trop étriqué pour permettre à l’Etat de mettre en œuvre des politiques cohérentes.

2 – La lutte contre les déficits publics

Le déficit public correspond à la situation où les recettes de l’ensemble des administrations publiques (Etat, collectivités territoriales et organismes de Sécurité sociale) sont inférieures aux dépenses de ces mêmes entités. Il se distingue en cela du déficit budgétaire qui ne concerne, lui, que le solde des recettes sur les dépenses de l’Etat.

En France, les comptes des trois grandes administrations publiques ont été pour la dernière fois en équilibre au début des années 1970. Ensuite, le déficit public s’est fortement accentué pendant les années de récession (1975, 1993, 2009 et 2020) ou de fort ralentissement de la croissance (1981, 1991, 2002) et n’a diminué que difficilement lorsque la conjoncture était plus favorable. Si le déficit public a presque toujours été inférieur à 3 % du PIB jusqu’en 1990 (critère de Maastricht), il n’a été inférieur à cette limite que neuf fois depuis lors. En 2020, du fait de la crise sanitaire, le déficit public s’est considérablement accru : il s’est élevé à 209,2 Md€, soit 9,1 % du PIB après 3,1 % du PIB en 2019. Cette situation s’est, sensiblement, améliorée en 2021 : le déficit public s’est, ainsi, élevé à 160,9 Md €, soit 6,5 % du PIB. Ce solde négatif provient, essentiellement, de l’Etat (143,8 Md €). Les administrations de sécurité sociale affichent, elles, une déficit de 16,9 Md € et les collectivités locales de 0,6 Md €.

La succession de ces déficits a, progressivement, mis en avant l’idée selon laquelle le retour à l’équilibre budgétaire ne pourrait être obtenu sans une vision pluriannuelles des finances publiques. Cette idée s’est, finalement, imposée du fait de la contrainte européenne. En effet, les exigences du Pacte de stabilité et de croissance liées à la mise en œuvre de la monnaie unique ont imposé aux Etats-membres de l’Union européenne d’élaborer des programmes pluriannuels de finances publiques qui définissent des objectifs à moyen terme sur lesquels les Etats s’engagent et provoqué, plus généralement, la mise en place de dispositifs de contrôle des dépenses publiques s’échelonnant sur plusieurs années. Un mouvement qui apparaît comme touchant l’ensemble des composantes des finances publiques modernes.

B – Un mouvement d'une ampleur globale

Le développement des dispositifs de pluriannualité budgétaire apparaît comme un phénomène global : c’est, en effet, un mouvement tant français qu’européen (1) et une tendance qui affecte les trois branches des finances publiques nationales (2).

1 – Un mouvement tant français qu’européen

La promotion d’une vision pluriannuelle des finances publiques s’est imposée tant au niveau français qu’au niveau européen.

Sur le plan français, le premier dispositif a été mis en œuvre par l’ordonnance du 2 janvier 1959 au travers de ce que l’on appelait les autorisations de programme. Il s’agissait d’autorisations qui concernaient les seules dépenses d’investissement et qui portaient uniquement sur la phase d’engagement de la dépense. Ces autorisations étaient indéfiniment utilisables, mais le Gouvernement devait, chaque année, obtenir du Parlement (qui pouvait refuser) les crédits de paiement permettant de les mettre en œuvre. Ce dispositif a été maintenu, avec modifications, par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1° août 2001. Dorénavant l’on parle d’autorisations d’engagement et ces dernières concernent aussi bien les dépenses de fonctionnement, à l'exception des dépenses de personnel, que les dépenses d'investissement. Ces autorisations permettent à l’Etat d’engager des dépenses qui dépassent le cadre annuel. Concrètement, lorsque celui-ci veut réaliser un projet s’échelonnant sur plusieurs années, il doit mettre en œuvre une autorisation d’engagement et, au fur et à mesure qu’il faut régler les fournisseurs, il consomme des crédits de paiement qui, eux, ont une validité annuelle. Ce type de dispositif vise à répondre aux besoins de la nouvelle fonction de programmation attribuée à l’Etat.

Le second dispositif vise, lui, la maîtrise des dépenses de l’Etat. Il s’agit d’une programmation budgétaire triennale qui concerne uniquement les dépenses et le périmètre étatique. Cette programmation est semi-glissante. Autrement dit, un plafond global de dépense est fixé en fonction de la norme de dépense et fait l’objet d’une programmation ferme sur trois ans. Ce plafond peut, toutefois, être modifié en fonction d’une révision des taux d’inflation initialement prévus si l’évolution est à la hausse. Des plafonds sont, également, fixés par mission : ils sont fermes les deux premières années, mais révisables la troisième dans le respect du plafond global. Sont, ensuite, fixés les crédits répartis par programme : ils sont fermes la première année, mais modifiables les deux suivantes. La troisième année sert de base au prochain budget pluriannuel.

Sur le plan européen, la hausse constante des dépenses européennes a milité, à la fin des années quatre-vingt, en faveur de la mise en place d’un dispositif permettant de maîtriser leur évolution. Il a donc été décidé que, si le budget européen est défini chaque année, cette exigence d’annualité n’exclut pas que chaque budget s'inscrive dans une enveloppe globale, issue d'un accord politique, fixée pour une période de sept ans : le cadre financier pluriannuel (CFP). Le CFP constitue, ainsi, un plan de dépenses qui traduit les priorités de l’Union européenne en termes financiers sur plusieurs années. Il définit les dépenses sur une période donnée, ainsi que les montants maximaux disponibles pour chaque grande catégorie de dépense. Le dernier CFP couvre la période 2021-2027 et a été adopté en même temps que l’instrument de relance « NextGeneration EU » : ces deux plans, qui représentent une force de frappe combinée de 1 824 milliards d’euros (aux prix de 2018), sont destinés à réparer les dommages économiques et sociaux causés par la pandémie due au coronavirus et à orienter la transition vers une Europe moderne et plus durable.

2 – Un mouvement qui affecte les trois branches des finances publiques

Le développement de la pluriannualité budgétaire touche l’ensemble des composantes des finances publiques, à savoir les finances de l’Etat, des collectivités locales et des organismes de Sécurité sociale. Ce mouvement, fortement insufflé par l’Union européenne, vise la maîtrise des dépenses publiques. Deux dispositifs peuvent être évoqués.

Le premier concerne les programmes de stabilité (programmes de convergence pour les pays non-membres de la zone euro) institués dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance et de la mise en œuvre de la monnaie unique. Ces programmes doivent être déposées par les Etats membres de l’Union européenne chaque année au mois d’avril devant la Commission. Ils présentent la stratégie et la trajectoire des finances publiques pour l’année passée, l’année en cours et, au moins, les trois années suivantes en se basant sur les prévisions macroéconomiques les plus plausibles ou les plus prudentes. Ils font, ensuite, l’objet d’un examen par la Commission et donnent, éventuellement, lieu à des recommandations adressées aux Etats par le Conseil, recommandations qui doivent être prises en compte par les autorités nationales dans le projet de loi de finances. Ces programmes constituent, ainsi, un outil essentiel de la surveillance multilatérale des politiques économiques et budgétaires dans l’Union.

Le second dispositif concerne les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques créées par la loi de révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et organisées par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques adoptée à la suite de la ratification du Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire. Selon l’article 34 révisé de la Constitution, « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État. Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. » Cette réforme est venue consacrer la pluriannualité budgétaire avec pour objectif d'assurer une meilleure gouvernance des finances publiques dans leur ensemble, tant en ce qui concerne la maitrise des dépenses publiques que la prévisibilité des recettes. Ces lois concernent, en effet, chacun des acteurs de la dépense publique : Etat, collectivités territoriales et administrations de Sécurité sociale. Elles doivent, par ailleurs, comporter la fixation de l’objectif à moyen terme d’équilibre des administrations publiques et la définition de la trajectoire pour atteindre cet objectif sous la forme d’un solde structurel défini pour chaque année de la programmation. L’objet de ces lois a été complété par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Celle-ci prévoit, en effet, que les lois de programmation doivent, à présent, également, déterminer, pour chacun des exercices de la programmation, un objectif d’évolution en volume et une prévision en milliards d’euros des dépenses des administrations publiques.

L’ensemble de ces dispositifs ont, ainsi, conduit les pouvoirs politiques à prendre en compte la dimension pluriannuelle de la gestion budgétaire. Cette nouvelle approche ne s’est, toutefois, pas substituée au principe d’annualité. Celui-ci garde, en effet, une autorité certaine, de sorte qu’annualité et pluriannualité sont appelées à coexister au sein de la gestion contemporaine des finances publiques.

II - Vers une coexistence entre annualité et pluriannualité budgétaire

Annualité et pluriannualité budgétaire apparaissent comme deux des principaux pôles des finances publiques d’aujourd’hui. La seconde n’a, en effet, pas effacé la première (A). Au contraire, se dessinent les voies d’une coexistence entre les deux approches (B).

A - Un principe d'annualité qui conserve une autorité certaine

Le principe d’annualité budgétaire demeure un principe opérant en matière financière. Il l’est par les limites que rencontrent les dispositifs de pluriannualité budgétaire (1) et par le caractère annuel qui reste, indissolublement, attaché au budget (2).

1 – Une autorité par défaut : les limites de la pluriannualité budgétaire

Malgré les avancées qu’elle représente, l’approche pluriannuelle des finances publiques rencontre certaines limites.

La première est posée par le principe d’annualité lui-même et concerne les autorisations d’engagement. Celles-ci constituent, ainsi, la limite supérieure des dépenses qu’il est possible d’engager annuellement. Par ailleurs, ces autorisations doivent se concrétiser, chaque année, en crédits de paiement votés par le Parlement, ces derniers constituant, alors, la limite supérieure des dépenses pouvant être ordonnancées ou payées durant l’année.

La seconde tient à l’absence de force obligatoire de deux dispositifs. C’est, d’abord, le cas de la programmation budgétaire triennale. Celle-ci constitue, en effet, essentiellement, le cadre des négociations budgétaires des ministères dans le processus de préparation du projet de loi de finances. Elle ne fait, ainsi, pas l’objet d’une décision législative globale qui remettrait en cause le principe d’annualité budgétaire. Seules les prévisions concernant la première année continuent de faire l’objet d’un vote au Parlement dans le cadre de l’adoption de la loi de finances. Pour les années ultérieures à l’année de la loi de finances, les plafonds qu’elle pose n’ont pas valeur contraignante et il est loisible au législateur financier de les modifier dans le cadre de l’autorisation budgétaire annuelle.

Il en va de même pour les lois de programmation des finances publiques. Ces dernières sont dépourvues de toute force obligatoire sur le plan financier : elles ne sont, en effet, pas des lois de finances, mais des lois ordinaires de sorte que le Parlement ne se trouve pas lié par elles lorsqu’il se prononce sur la loi de finances de l’année qui demeure la seule loi dotée d’une autorité en matière financière. Une nuance peut être apportée à ce constat avec le compteur des écarts mis en place par la loi organique du 28 décembre 2021 : celui-ci mesure l’écart entre les prévisions en milliards d'euros courants des dépenses des administrations publiques qui figurent dans la loi de programmation et les dépenses réalisées ou prévues au sein de la dernière loi de finances afférente à l'exercice concerné. En cas d’écart, il revient au Gouvernement de présenter, dans le Rapport économique, social et financier prévu par l’article 50 de la LOLF, les raisons et les hypothèses expliquant ces écarts cumulés, ainsi que, le cas échéant, les mesures prévues pour les réduire.

2 – Une autorité positive : le maintien du caractère annuel du budget

Quelle que soit la portée des différents dispositifs de pluriannualité budgétaire, l’autorisation budgétaire demeure annuelle et a, seule, force obligatoire. En d’autres termes, l’autorisation de procéder à la levée de l’impôt et à l’exécution des dépenses continue à devoir être donnée chaque année par les représentants de la Nation par le biais du vote de la loi de finances de l’année. Et, cette dernière demeure le seul texte législatif contraignant en matière financière.

Le principe d’annualité conserve, ainsi, toute son autorité. Et, les garanties démocratiques dont il est l’un des outils, notamment la nécessaire périodicité du consentement de la Nation en matière financière, se trouvent, dans le même temps, préservées. Il n’en demeure pas moins que ce principe devra, à l’avenir, cohabiter avec une approche pluriannuelle des finances publiques selon des modalités qu’il reste à définir.

B – Les voies d'une coexistence entre annualité et pluriannualité budgétaire

A l’heure actuelle, les deux approches parviennent à coexister, mais sans véritablement apporter de véritable valeur ajoutée par rapport à la situation passée (1). La solution semble être de reconnaitre une portée contraignante aux dispositifs de pluriannualité budgétaire ; mais, se posent, alors, de nouveaux problèmes (2).

1 – Aujourd’hui : une coexistence paisible mais avec une valeur ajoutée limitée

Les approches annuelle et pluriannuelle des finances publiques présentent, toutes deux, des avantages propres. Les bénéfices du principe d’annualité budgétaire sont, essentiellement, d’ordre juridique : celui-ci permet la nécessaire périodicité du consentement en matière financière sans laquelle l’Exécutif s’affranchirait du contrôle du Parlement.

L’approche pluriannuelle offre, elle, essentiellement, des avantages en termes de régulation des finances publiques. Elle donne, en effet, une vision à moyen terme indispensable à la maîtrise des dépenses publiques et à la prévisibilité des recettes publiques, et, par voie de conséquence, à la lutte contre les déficits publics. Et, si la plupart des dispositifs n’ont pas de force contraignante, leur adoption revêt un caractère solennel qui « engage », au moins politiquement, le Gouvernement à qui il revient d’expliquer, devant le Parlement et les citoyens, les écarts entre la loi de programmation des finances publiques et les projets de loi de finances. En ce sens, la mise en place d’un compteur des écarts en matière de dépenses publiques par la loi organique du 28 décembre 2021 apparaît comme bienvenue.

Il n’en demeure pas moins que les pouvoirs politiques sont libres, dans le cadre de l’autorisation budgétaire annuelle, de contredire ce qui avait été prévu par les dispositifs de plurianualité budgétaire, de sorte que ceux-ci peuvent se trouver privés d’effets. Cet écueil peut être outrepassé en leurs accordant une portée contraignante, mais se posent, alors, de nouvelles difficultés.

2 – Demain : vers la reconnaissance d’une portée contraignante aux dispositifs de pluriannualité budgétaire ?

Reconnaître une force obligatoire aux dispositifs de pluriannualité budgétaire implique que la loi de finances votée annuellement soit astreinte au respect de leurs dispositions. Or, une telle évolution n’est pas sans soulever certains problèmes.

D’une part, l’évolution du contexte macroéconomique, la survenance d’événements difficilement prévisibles aux impacts budgétaires majeurs et les mesures nouvelles décidées par le Gouvernement ou le législateur peuvent avoir pour effet d’écarter les prévisions annuelles des lois de finances des trajectoires, par exemple, de la loi de programmation. Cela peut, ainsi, être une nécessité, comme ce fut le cas en 2020 avec la crise sanitaire

D’autre part, les obstacles sont aussi d’ordre juridique et, par conséquent, politique, dans la mesure où ces dispositifs relèvent d’une formalisation qui peut laisser plus ou moins de liberté aux parlementaires comme au Gouvernement pour modifier leurs propres choix ou ceux d’une précédente majorité. La question de l’autorité à accorder à ces dispositifs amène, ainsi, celle de la possibilité pour les pouvoirs politiques de se lier, financièrement, pour l’avenir.

Le problème est donc de trouver le juste dosage entre les deux approches. Renforcer l’autorité des dispositifs de pluriannualité budgétaire apparaît comme une nécessité. Mais, ce mouvement doit être réalisé avec pragmatisme, sans priver le principe d’annualité de ses bienfaits démocratiques. Laisser une marge de manœuvre aux pouvoirs politiques, en prévoyant, notamment, les circonstances dans lesquelles s’écarter de la programmation initiale, peut s’avérer être une solution.