Introduction
L’information dont dispose le Parlement à l’occasion du vote du projet de loi de finances de l’année est essentielle. C’est, en effet, de sa qualité et de son exhaustivité que dépend, entre autres, le caractère éclairé du choix que font, chaque année, les parlementaires au mois de décembre. Issue de sources diverses, telles que les rapports produits par la Cour des comptes, les statistiques de l’INSEE ou, encore, les rapports réalisés par les différentes commissions parlementaires, cette information est, toutefois, principalement, le fait du Gouvernement. Seule cette source sera, donc, analysée ici.
Cette information repose, essentiellement, sur deux supports. Le premier est le projet de loi de finances lui-même. Le second consiste en un ensemble d’annexes budgétaires qui représentent, aujourd’hui, plusieurs milliers de pages. Diverses et variés, ces annexes ont vu leur poids juridique être revalorisé au fil du temps.
L’étendue de cette information est, par ailleurs, extrêmement, large. Elle porte, en effet, classiquement, sur les recettes et les dépenses de l’Etat. Des domaines auxquels il faut, à présent, ajouter, du fait de la crise de la dette publique et des engagements européens souscrits par la France, la situation d’ensemble des finances publiques et la question de la performance de la dépense publique.
L’ensemble de ces éléments sont prévus par la loi organique relative aux lois de finances, dite LOLF, du 1° août 2001, elle-même enrichie par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, les supports de l’information du Parlement (I) et d’examiner, dans une seconde partie, l’objet de cette information (II).
I – Les supports de l'information du Parlement
L’information dont dispose le Parlement à l’occasion du vote du projet de loi de finances de l’année repose tant sur le projet de loi de finances (A) que sur les annexes budgétaires qui lui sont jointes (B).
A – Le projet de loi de finances de l'année
La première source d’information du Parlement sur le budget de l’État est le projet de loi de finances lui-même. Celui-ci favorise, en effet, par sa structure bipartite, la clarté des débats parlementaires.
Le projet de loi de finances comporte, d’abord, une introduction qui offre un ensemble d’informations essentielles aux élus. Celle-ci propose, en effet, une synthèse des orientations générales du projet. Elle contient, par ailleurs, depuis la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques du 17 décembre 2012, un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant pour l’année l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques. Cet article expose, également, le scénario macroéconomique sous-jacent qui sert de base à la construction du budget.
La première partie du projet de loi de finances, appelée « Conditions générales de l’équilibre financier », a, principalement, trait aux recettes. Elle autorise la perception des impôts existants et comprend l’ensemble des mesures fiscales qui ont une incidence sur le budget de l’État. C’est, également, dans cette partie, que se trouve l’article d’équilibre : celui-ci détermine les conditions de l’équilibre général du budget, autorise un niveau global de dépenses pour y parvenir et en prévoit les modalités de financement.
La seconde partie du projet de loi de finances est relative aux dépenses. Elle fixe pour chaque mission, c’est-à-dire un ensemble cohérent de politiques publiques, un plafond de crédits d’engagement et de paiement. Elle comporte, également, les emplois autorisés par ministère exprimés en équivalents temps plein travaillés.
L’ensemble des données contenues dans le projet de loi de finances font l’objet de développements dans des états législatifs annexés.
B – Les annexes budgétaires
Les annexes au projet de loi de finances sont diverses et variées (1). Elles ont vu leur régime juridique s’étoffer au fil du temps (2).
1 – La diversité des annexes budgétaires
Les annexes budgétaires peuvent être classées en quatre catégories que l’on qualifie en fonction de la couleur de leur couverture : les « blancs budgétaires », les « bleus budgétaires », les « jaunes budgétaires » et les « oranges budgétaires ».
Les « blancs budgétaires » servent à contextualiser le projet de loi de finances et sont au nombre de cinq. Le premier est le Rapport économique, social et financier : celui-ci détermine l’évolution prévisible des principales données macro-économiques et de finances publiques. L’on trouve, ensuite, deux fascicules intitulés « Évaluation des voies et moyens » : le premier est consacré aux recettes, le second aux dépenses fiscales. Deux autres « blancs budgétaires » existent : introduits par la LOLF, ils consistent en une présentation du budget distinguant le fonctionnement et l’investissement et en un rapport exposant l’évolution de la présentation budgétaire depuis l’année précédente.
Les « bleus budgétaires » ne concernent, eux, que les dépenses et sont au nombre de deux. Les premiers ont pour objet d’expliciter le projet de loi de finances en donnant le détail des crédits pour chacune des missions : ils permettent, ainsi, de préciser le contenu de la prévision et de l’autorisation budgétaires. Les seconds ont été créés du fait de la promotion de l’impératif de performance par la LOLF : qualifiés de projets annuels de performance (PAP), ils déterminent les objectifs et les indicateurs de performance de chacun des programmes.
Les « jaunes budgétaires » sont des annexes générales traditionnelles qui existent de longue date. Régies, aujourd’hui, par la LOLF, mais prévues par des lois ou des règlements, ces documents abordent des domaines thématiques larges et divers, et s’attachent à mettre en avant l’effort financier que l’État y consent.
Les « oranges budgétaires », aussi appelés « documents de politique transversale » (DPT), sont des extensions des « jaunes budgétaires ». Ces annexes portent sur des politiques publiques associant plusieurs programmes conduits par différents ministères. Les DPT développent la stratégie mise en œuvre, les crédits et les objectifs et indicateurs concourant à la politique publique concernée. Ils permettent, ainsi, d’apprécier la façon dont chaque programme participe à la politique transversale en cause.
Si les contours de ces annexes sont, relativement, stables, leur régime juridique a, lui, évolué au cours du temps.
2 – Le régime juridique des annexes budgétaires
Traditionnellement, les annexes budgétaires sont, simplement, destinées à éclairer les choix du Parlement et ne font pas l’objet d’un vote. Les textes budgétaires contemporains ont, toutefois, valorisé leur importance : il en va, ainsi, à quatre points de vue.
D’abord, toutes les annexes budgétaires sont, désormais, obligatoires. C’est le cas, s’agissant des « blancs budgétaires », du Rapport économique, social et financier (art. 50 de la LOLF), de l’Évaluation des voies et moyens (art. 51-4°), de la présentation distinguant le fonctionnement et l’investissement (art. 51-3° de la LOLF) et du rapport exposant l’évolution de la présentation budgétaire depuis l’année précédente (art. 51-2° de la LOLF). C’est, aussi, le cas des « bleus budgétaires », des « jaunes budgétaires » (art. 51-7° de la LOLF) et des « oranges budgétaires » (art. 51-7° de la LOLF).
Ensuite, le Gouvernement doit, parfois, respecter un délai de dépôt. Ainsi, les « bleus budgétaires » doivent être déposés en même temps que le projet de loi de finances par le Gouvernement (en tout cas, au plus tard le 1° mardi d’octobre). En revanche, les « jaunes budgétaires » et les « oranges budgétaires » pouvaient, jusqu’à il y a peu, être déposés après le premier mardi d’octobre, sans, toutefois, l’être après qu’ait commencé la discussion relative aux domaines qu’ils concernent. Désormais, la loi organique du 28 décembre 2021 prévoit que ces annexes doivent être déposées sur le bureau des assemblées avant le début de l’examen en séance du projet de loi de finances de l’année par l’Assemblée nationale.
Enfin, s’agissant de leur caractère amendable, seuls les « bleus budgétaires » (hors PAP) peuvent être modifiés par les parlementaires dans le cadre de l’exercice de leur droit d’amendement. Et, seules ces annexes acquièrent, une fois le projet de loi de finances adopté, valeur législative et sont donc contraignantes.
La diversité qui caractérise ces annexes et leur régime juridique se retrouve, aussi, s’agissant de leur objet.
II - L'objet de l'information du Parlement
L’information que le Gouvernement doit communiquer au Parlement a deux objets principaux : le cadre d’ensemble du budget de l’Etat (A) et les recettes et les dépenses de l’Etat (B).
A - L'information générale
Le Parlement dispose d’un ensemble d’informations générales : certaines concernent la situation d’ensemble des finances publiques (1), d’autres des secteurs spécifiques de l’action publique (2).
1 - La situation des finances publiques
La situation générale des finances publiques est exposée dans l’introduction du projet de loi de finances et dans le Rapport économique, social et financier.
L’introduction du projet de budget comporte, ainsi, un article liminaire dont le contenu a été élargi par la loi organique du 28 décembre 2021. Celui-ci doit, dorénavant, présenter, un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l'année sur laquelle la loi de finances porte et en rappelant les prévisions de la loi de programmation des finances publiques en vigueur pour l'année en question : l'état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques et des prévisions de solde par sous-secteur, l'état de la prévision, déclinée par sous-secteur d'administration publique, de l'objectif d'évolution en volume et de la prévision en milliards d'euros courants des dépenses des administrations publiques, ainsi que l'état des prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d'endettement de l'ensemble des administrations publiques, exprimées en pourcentage du produit intérieur brut.
Le Rapport économique, social et financier, qui existait, déjà, dans le cadre de l’ordonnance du 2 janvier 1959 sous le nom de Rapport économique et financier, comprend, lui, la présentation des hypothèses, des méthodes et des résultats des projections sur la base desquels est établi le projet de loi de finances de l’année. Il s’organise, ensuite, en deux tomes. Le tome 1, à dimension prospective, présente les perspectives d’évolution, pour au moins les autre années suivant celle du dépôt du projet de budget, des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble de administrations publiques au regard des engagements européens de la France. Quant au tome 2, il propose, dans le cadre d’une approche rétrospective, des tableaux de données statistiques sur les années passées.
Ce rapport a été enrichi par la loi organique du 28 décembre 2021. Il doit, à présent, présenter, en plus, pour chacun des exercices de la loi de programmation des finances publiques en vigueur, les écarts cumulés entre, d’une part, les prévisions en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques qui figurent dans cette même loi et, d’autre part, les dépenses réalisées ou prévues au sein de la dernière loi de finances afférente à l’exercice concerné. Il est, également, prévu que le rapport précise les raisons et les hypothèses expliquant ces écarts cumulés, ainsi que, le cas échéant, les mesures prévues par le Gouvernement pour les réduire.
La loi organique de 2021 prévoit, également, un nouveau temps parlementaire dédié au sujet de la dette publique avant le début de la session ordinaire à l'automne. Le gouvernement devra, en conséquence, transmettre, en septembre, un rapport sur la trajectoire, les conditions de financement et la soutenabilité de la dette de l’ensemble des administrations publiques qui pourra donner lieu à débat.
Enfin, la même loi organique a prévu que doit être joint au projet de loi de finances de l’année un rapport sur la situation des finances publiques locales : ce rapport doit, notamment, retracer l’évolution des charges résultant des transferts de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales. Ce rapport peut donner lieu à débat.
A côté de ces informations d’ensemble sur les finances publiques, le Gouvernement doit, également, fournir au Parlement des données sur certains secteurs spécifiques de l’action publique.
2 - L’action publique
Deux grands types d’annexes budgétaires permettent d’éclairer les parlementaires sur certains secteurs spécifiques de l’action publique. Il s’agit des « jaunes budgétaires » et des « oranges budgétaires ».
Les « jaunes budgétaires » jouent un rôle essentiel d’information du Parlement sur une politique particulière menée par l’Etat. Leur vocation est de présenter, au sein d'un document unique, l'effort financier de l'État dans un domaine d'intervention donné. Par exemple, il existe, dans le projet de loi de finances pour 2022, un « jaune budgétaire » relatif à la formation professionnelle, un autre sur la prévention en santé, un autre encore sur les transferts financiers de l’Etat aux collectivités territoriales.
Les « oranges budgétaires » ou « documents de politique transversale » (DPT) portent sur des politiques publiques associant plusieurs programmes conduits par différents ministères. Ce sont, souvent, des politiques à fort enjeux budgétaire qui sont concernées. Le DPT doit permettre d’améliorer la coordination, par un ministre chef de file, d’actions de l’État relevant de plusieurs ministères et de plusieurs programmes qui concourent à une politique interministérielle, et de favoriser l’obtention de résultats socio-économiques communs. Par exemple, le projet de loi de finances pour 2022 comporte un DPT sur l’aménagement du territoire, un autre sur la défense et la sécurité nationale, un autre sur la politique de la ville.
Plus classiquement, les annexes budgétaires apportent au Parlement des informations sur les recettes et les dépenses.
B - L'information sur les recettes et les dépenses
Le Parlement dispose, comme de coutume, d’informations sur les recettes (1) et les dépenses (2) de l’Etat. De manière générale, l’article 55 de la LOLF prévoit que « chacune des dispositions d'un projet de loi de finances affectant les ressources ou les charges de l'Etat fait l'objet d'une évaluation chiffrée de son incidence au titre de l'année considérée et, le cas échéant, des années suivantes. »
1 - Les recettes
Les parlementaires sont informés du volet recettes du budget grâce à la première partie du projet de loi de finances : celle-ci accorde, en effet, les autorisations pour la perception des recettes fiscales, autorise la collecte des recettes non fiscales et contient les dispositions de nature fiscale qui affectent le budget de l’Etat. L’autre source majeure d’informations est constituée par les deux « blancs budgétaires » intitulés « Evaluation des voies et moyens ».
Le premier tome présente, de façon détaillée, les recettes de l’Etat par nature d’impôt ou par ligne de recette non fiscale. Il propose, pour chaque recette, un éclairage sur son évolution sur trois années, un rappel de l’exécution de l’exercice antérieur, un point sur le budget en cours, ainsi qu’une prévision pour l’année à venir.
Le second tome offre une information exhaustive sur les dépenses fiscales en détaillant leur impact global sur les recettes du budget de l’Etat et en expliquant l’évolution de leur coût depuis le dernier projet de loi de finances. Les dépenses fiscales sont des mesures dérogatoires à la norme fiscale dont la mise en œuvre entraîne pour l’Etat une perte de recettes et dont l’objectif est de soutenir un secteur économique particulier ou d’inciter à certains comportements vertueux. L’on peut citer comme exemple la réduction d’impôt consentie à la suite d’un don à une association ou le taux réduit de TVA en faveur de la restauration. Le coût de ces dépenses fiscales est estimée à 90 milliards d’euros pour 2020. Ainsi, s’explique que la loi organique du 28 décembre 2021 ait enrichi le contenu de cette annexe qui doit, à présent, comporter : l'évaluation de leur montant et le nombre de bénéficiaires ou, encore, la liste de celles qui feront l'objet d'une évaluation dans l'année.
D’autres annexes budgétaires concernent les dépenses.
2 - Les dépenses et la mesure de la performance
L’information des parlementaires porte, également, sur le volet dépenses et, depuis la LOLF, sur la mesure de la performance de la dépense publique.
Les dépenses sont exposées dans la seconde partie du projet de loi de finances. Celle-ci ventile, en effet, les crédits d’engagement et de paiement entre les différentes missions. Elle définit, aussi, les moyens généraux d’action de l’Etat, dont les plafonds d’emplois. Elle est complétée par les « bleus budgétaires » dont la fonction est de préciser le contenu de la prévision et de l’autorisation budgétaires. Plus précisément, ces annexes explicitent le projet de loi de finances en donnant le détail des crédits pour chacune des missions.
Le volet dépenses a été enrichi du fait de l’introduction de l’exigence de performance de la dépense publique par la LOLF. En effet, la LOLF opère une budgétisation des crédits par objectifs : les crédits sont, ainsi, spécialisés par programmes auxquels sont associés des objectifs et des indicateurs de performance permettant de mesurer leur réalisation. Ces objectifs et indicateurs sont définis dans les Projets annuels de performance (seconde catégorie de « bleus budgétaires »). Les PAP doivent, depuis la loi organique du 28 décembre 2021, être dotés d’une trajectoire de performance triennale. En fin d’exercice, sont établis les Rapports annuels de performance (annexés à la loi de règlement) afin d’évaluer l’efficacité des politiques publiques menées par l’analyse comparative des objectifs qui avaient été, initialement, fixés et des résultats effectivement obtenus.
Les informations dont dispose le Parlement sont, ainsi, diverses et variées. Qu’elles concernent la situation d’ensemble des finances publiques ou portent sur les recettes et les dépenses de l’Etat, elles lui permettent d’apprécier au mieux la teneur du projet de finances. Il y a, là, une garantie supplémentaire d’un contrôle efficace du budget de l’Etat par les parlementaires.
