La participation des commissions parlementaires à l’examen du projet de loi de finances (dissertation)

Introduction

Même si le projet gouvernemental reste la base de la discussion parlementaire, le travail en commission constitue une phase essentielle de l’examen par les assemblées du projet de loi de finances. Ce travail mobilise, en effet, leurs huit commissions permanentes et, plus particulièrement, leurs deux commissions des finances : celle du Sénat et celle de l’Assemblée nationale (appelée, pour cette seconde chambre, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire).

Parmi ces commissions, les deux commissions des finances, saisies au fond, jouent un rôle prépondérant qui se traduit par des prérogatives et une organisation spécifiques : elles disposent, ainsi, d’un rapporteur général et de rapporteurs spéciaux qui la singularisent des sept autres commissions permanentes. Ces dernières apportent, toutefois, un appui utile dans l’examen du projet de loi de finances par l’analyse de la partie du projet qui relève de leurs compétences.

Le poids des deux commissions des finances a, sensiblement, diminué sous la V° République. En effet, sous les III° et IV° Républiques, ces commissions avaient le pouvoir de modifier le projet déposé par le Gouvernement et c’est sur le texte, ainsi, modifié que s’engageait le débat parlementaire. La Constitution du 4 octobre 1958, inspirée par l’objectif de rehausser les pouvoirs de l’Exécutif, a changé la règle : son article 42 prévoit, désormais, que la discussion en séance des projets de loi de finances porte, en première lecture, sur le texte présenté par le Gouvernement.

Les commissions des finances et les autres commissions permanentes continuent, néanmoins, à jouer un rôle majeur dans l’examen du projet de budget. Elles offrent, en effet, par les rapports qu’elles produisent, une masse d’informations considérable particulièrement utile lors des débats parlementaires.

Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, la participation de l’ensemble des commissions à l’examen du projet de budget (I) et d’analyser, dans une seconde partie, la mission de ces commissions, à savoir l’analyse dudit projet et l’information des parlementaires (II).

I - La participation de l'ensemble des commissions à l'examen du projet de budget

L’article 43 de la Constitution de 1958 prévoit que les projets et propositions de lois sont examinés par l’une des huit commissions permanentes de chacune des assemblées. En matière financière, les règles applicables comportent, toutefois, des spécificités : les commissions des finances jouent, ainsi, un rôle prépondérant (A) quand les autres commissions ont une place secondaire (B).

Il convient de préciser qu’outre l’intervention de ces commissions en propre, le projet de loi de finances peut, également, donner lieu, en plus, à un débat en commission élargie, laquelle réunit la commission des finances et la ou les commissions saisies pour avis.

A - Le rôle prépondérant des commissions des finances

Les deux commissions des finances occupent le premier rôle dans l’examen du projet de loi de finances. Cette primauté est consacré par l’article 39 de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances) du 1° août 2001 aux termes duquel, une fois déposé et distribué, le projet de budget « est immédiatement renvoyé à l'examen de la commission chargée des finances », ce qui exclue la constitution d’une commission spéciale. Plus généralement, les commissions des finances détiennent la compétence de principe pour examiner les projets de textes à caractère financier : outre les lois de finances, les lois de programmation des finances publiques ou, encore, les textes relatifs à la fiscalité locale.

Ces responsabilités particulières expliquent qu’elles disposent de pouvoirs et d’organes qui la singularisent par rapport aux sept autres commissions permanentes.

Ainsi, le président dispose des prérogatives générales d’un président de commission, mais aussi du pouvoir de contrôle de la recevabilité financière des amendements d’origine parlementaire (sur le fondement de l’article 40 de la Constitution). Les titulaires de cette fonction bénéficient, généralement, d’une certaine continuité. Et, depuis la XIII° législature (2007 – 2012), cette fonction est allouée à un député issu des rangs de l’opposition.

Le rapporteur général, dont les origines remontent à la III° République et dont l’existence a été consacrée par l’article 57 de la LOLF, est une spécificité des commissions des finances. Il a pour charge d’examiner et de présenter à la commission tous les projets de lois de finances. Il, lui, propose, également, des amendements. Il jouit d’une certaine permanence qui contraste avec le caractère temporaire de la mission confiée aux rapporteurs des autres projets de lois limitée à la durée de l’examen du texte pour lequel ils ont été désignés : en effet, il est élu, chaque année, en même temps que le président de la commission et les membres de son bureau, mais il est, traditionnellement, reconduit pour l’ensemble de la législature. Le rapporteur général est un interlocuteur privilégié du Gouvernement et est, généralement, issu des mêmes rangs politiques.

Les rapporteurs spéciaux, dont l’existence a, désormais, un caractère organique (art. 57 de la LOLF), sont, également, une spécificité des commissions des finances. Ils sont chargés de l’examen des crédits d’une mission ou, dans certains cas, d’un ou plusieurs programmes d’une même mission. La loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a précisé que leurs domaines d’attributions sont définis par les bureaux des commissions des finances. Ces rapporteurs spéciaux exercent leurs fonctions de manière permanente et sont, souvent, reconduits toute la législature. Un tiers de ces fonctions est confié à des élus d’opposition.

Du fait de leur composition et de leurs prérogatives, les commissions des finances sont en mesure de jouer un rôle majeur dans l’examen des projets de lois de finances. Les autres commissions permanentes interviennent, toutefois, pour avis.

B - L'appui des commissions saisies pour avis

Les sept autres commissions permanentes de chacune des assemblées sont chargées d’examiner la partie du projet de loi de finances qui entre dans le champ de leurs compétences. Elles sont, en effet, spécialisées sur un secteur particulier de l’action publique. Par exemple, à l’Assemblée nationale, il existe une commission sur les affaires culturelles et l’éducation, une autre sur les affaires économiques, une autre encore sur la Défense nationale et les forces armées. Au Sénat, l’on trouve, notamment, une commission sur les affaires sociales, une commission sur l’aménagement du territoire et le développement durable ou une commission sur les affaires économiques.

Ces commissions examinent, généralement, seulement la seconde partie du projet de loi de finances. Elles le font par l'intermédiaire de leurs rapporteurs pour avis : ceux-ci sont, en effet, chargés de l’examen des missions (pour tout ou partie) qui relèvent du champ de compétences de la commission à laquelle ils appartiennent. Leur approche est plus politique et qualitative que celle des rapporteurs spéciaux des commissions de finances.

Toutes les missions du budget ne font pas, nécessairement, l’objet d’un avis. A l’inverse, certaines missions peuvent donner lieu à plusieurs avis : ainsi, en va-t-il, par exemple, souvent, de la mission Défense. Au total, le nombre d’avis rendus par ces sept autres commissions permanentes dépasse, généralement, celui des rapports produits par les rapporteurs spéciaux.

L’intervention de l’ensemble des commissions des deux assemblées permet, ainsi, une analyse exhaustive du projet de loi de finances, ce qui offre, aux parlementaires, une source particulièrement riche d’informations.

II - La mission des commissions : une analyse du projet de budget à destination des parlementaires

Le travail des commissions parlementaires en matière financière a pour objet d’analyser le projet de loi de finances. Cette tâche s’effectue grâce un ensemble d’outils dont disposent les commissions (A) et vise à informer les élus de chaque assemblée (B).

A - Les moyens à la disposition des commissions

L’examen en commission des finances du projet de loi de finances commence, traditionnellement, par l’audition du ou des ministres chargés des finances et du budget dès la sortie du Conseil des ministres qui a adopté le projet de loi. Pour la suite de cet examen, l’implication de la commission s’exerce, d’abord, par l’intermédiaire de son rapporteur général, puis de ses rapporteurs spéciaux.

Le rapporteur général dispose, pour l’accomplissement de ses tâches, de fonctionnaires de son assemblée. Sa méthode de travail repose sur des réunions avec le cabinet du ministre des Finances et des contacts politiques directs avec le ministre lui-même. Il peut, de la même façon, être amené à consulter les ministères dépensiers. Il adresse, aussi, des demandes d’informations et d’explications aux différentes administrations centrales : Direction du budget, Direction de la législation fiscale, Direction générale des finances publiques, notamment. Il doit, à cette occasion faire preuve de ténacité, ces administrations ne répondant pas toujours avec promptitude à ses demandes. Les fonctionnaires qui l’assistent peuvent, aussi, avoir des contacts directs avec ces administrations. La loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a accru ses compétences : ainsi, le rapporteur général peut, dorénavant, comme le président de la commission des finances, avoir accès aux données fiscales couvertes par le secret statistique.

Les rapporteurs spéciaux disposent de moins de fonctionnaires parlementaires que le rapporteur général. Certains de ces fonctionnaires assistent, ainsi, parfois, plusieurs rapporteurs spéciaux. Pour l’élaboration de leurs rapports, les rapporteurs spéciaux utilisent, principalement, la procédure du questionnaire budgétaire. Cette procédure est, aussi, utilisée par les rapporteurs des commissions saisies pour avis. Cette pratique très ancienne a été consacrée par l’article 49 de la LOLF. Celui-ci prévoit : « En vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances de l'année, et sans préjudice de toute autre disposition relative à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et les autres commissions concernées adressent des questionnaires au Gouvernement avant le 10 juillet de chaque année. Celui-ci y répond par écrit au plus tard le 10 octobre. » Les réponses à ces questionnaires sont inégales : certains ministères tardent à répondre ou donnent une réponse laconique. Dans l’ensemble, toutefois, les questionnaires budgétaires remplissent leur office et offrent une source d’informations particulièrement utile aux rapporteurs spéciaux et aux rapporteurs pour avis. Les rapporteurs spéciaux disposent, également, de pouvoirs d’investigation sur pièces et sur place et peuvent procéder à toutes auditions qu’ils jugent utiles (art. 57 de la LOLF). Ils nouent, enfin, des contacts directs avec le ministre et son cabinet.

Enfin, plus généralement, la loi organique du 28 décembre 2021 autorise, à présent, les commissions des finances à solliciter les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes pour l’obtention d’informations relatives aux finances publiques.

Ainsi armées, les commissions sont, par l’intermédiaire de leurs différents rapporteurs, en mesure d’informer les parlementaires sur le projet de loi de finances de l’année en venir.

B - Un objectif d'information des parlementaires

L’information des parlementaires se fait, en amont, par les différents rapports déposés par les rapporteurs et, en aval, par la prise de parole de ces mêmes rapporteurs lors de l’examen en séance publique du projet de budget.

Les rapporteurs informent, ainsi, les parlementaires par le biais des rapports qu’ils produisent. Ainsi, le rapporteur général de la commission des finances est chargé de préparer et de présenter un rapport sur l’ensemble du projet de loi de finances. Son rapport est, traditionnellement, composé de trois tomes : le premier est consacré à une analyse globale du projet de budget replacé dans son contexte économique et financier, le deuxième comprend les commentaires des dispositions de la première partie du projet de loi de finances et le troisième traite de la seconde partie du projet (articles relatifs aux autorisations budgétaires et articles non rattachés). Les rapporteurs spéciaux rédigent des rapports sur la partie spécifique du budget qui leurs a été attribuée. Ils sont, ainsi, chargés d’examiner les articles rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances, c’est-à-dire les articles qui ne portent pas ouverture de crédits. Quant aux rapporteurs pour avis, ils produisent un rapport sur la partie du projet de budget qui relève du champ de compétences de la commission à laquelle ils appartiennent.

Les commissions interviennent, aussi, lors de l’examen du texte en séance publique. Celle-ci commence par la présentation du texte par le Gouvernement et le rapporteur général de la commission des finances. Puis, le rapporteur général, les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs saisis pour avis sont amenés à défendre la position de la commission à laquelle ils appartiennent lors du vote de chacun des articles et de chacun des amendements.

Les commissions, et, notamment, les commissions des finances, jouent, donc, un rôle majeur dans l’information des parlementaires lors de l’examen du projet de loi de finances. Ainsi éclairés, les parlementaires peuvent faire valoir leur choix lors de chacun des votes qui parsèment la procédure budgétaire parlementaire.