Introduction

En tant qu’actes administratifs, les actes budgétaires des collectivités locales sont soumis au contrôle de l’Etat. Initialement, ce contrôle s’exerçait via le pouvoir de tutelle du préfet grâce auquel celui-ci pouvait, de lui-même, annuler ces actes. Depuis la loi du 2 mars 1982, les budgets locaux (et les autres actes administratifs) relèvent d’un contrôle de légalité a posteriori dans le cadre duquel le représentant de l’Etat ne peut que déférer l’acte au Tribunal administratif aux fins d’annulation. Afin de compléter ce contrôle de droit commun, d’autres contrôles propres aux budgets locaux ont été mis en place : les uns sont de nature non juridictionnelle, les autres de nature juridictionnelle.

Les premiers sont, essentiellement, mis en œuvre par les Chambres régionales des comptes (CRC) via un contrôle budgétaire en liaison étroite avec le préfet et un contrôle de gestion. Les assemblées locales et les comptables publics interviennent également.

Les seconds relèvent, traditionnellement, de la Cour de discipline budgétaire et financière (pour les ordonnateurs) et les Chambres régionales des comptes (pour les comptables publics). Ce régime va, toutefois, évoluer à compter du 1° janvier 2023 avec la mise en place d’un régime de responsabilité unifié applicable à tous les gestionnaires publics, ordonnateurs comme comptables publics.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les contrôles non juridictionnels (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les contrôles juridictionnels (II).

I – Les contrôles non juridictionnels

Les contrôles non juridictionnels sont, principalement, exercés par les Chambres régionales des comptes (A). Deux autres autorités interviennent également (B).

A - Les contrôles exercés par les Chambres régionales des comptes

A l’instar de la Cour des comptes, les CRC sont des juridictions administratives spéciales (1). A côté de leur rôle juridictionnel, elles exercent des fonctions administratives dans le cadre d’un contrôle budgétaire (2) et d’un contrôle de gestion (3).

1 – Une présentation des Chambres régionales des comptes

Les Chambres régionales des comptes ont été instituées par la loi de décentralisation du 2 mars 1982. Elles constituent une contrepartie à la suppression de la tutelle a priori sur les actes des collectivités territoriales décidée par la même loi.

Bien qu’elles soient des juridictions nationales, leur ressort de compétence est territorialisé. C’est, ainsi, qu’à leur création, il y avait en métropole une CRC pour chacune des vingt-deux régions. Ce nombre a, par la suite, été réduit à deux reprises. D’abord, la loi du 13 décembre 2011 a limité leur nombre à vingt au maximum, nombre que le décret du 23 février 2012 a fixé à quinze CRC métropolitaines, auxquelles s’ajoutaient cinq CRC ultramarines (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte). Du fait de la nouvelle carte régionale issue de la loi du 16 janvier 2015, le nombre de CRC a été ramené à 13 en métropole au 1er janvier 2016 (décret du 30 septembre 2015), soit une CRC par région. Les CRC ultra-marines n’ont pas été touchées par cette réforme et sont restées au nombre de 5. Le législateur a, également, mis en place des chambres territoriales des comptes (CTC) pour les territoires de Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon dont les compétences sont sensiblement plus larges que celles des CRC.

La compétence d’une CRC s’étend, ainsi, à toutes les collectivités territoriales de son ressort géographique, qu’il s’agisse des communes, des départements et des régions, mais également de leurs établissements publics. Par ailleurs, la Cour des comptes a donné délégation aux CRC pour contrôler certains établissements publics nationaux, comme certaines universités ou encore les chambres d’agriculture.

Les CRC sont présidées par un conseiller-maître ou un conseiller référendaire à la Cour des comptes et sont composées de conseillers. Leurs membres sont des magistrats inamovibles. Sur le plan organisationnel, le président organise les travaux de la chambre après avis d’un procureur financier choisi parmi les conseillers. Chaque chambre comprend au moins un président et deux conseillers. Les chambres les plus importantes peuvent, également, être divisées en sections de trois membres chacune. Il existe, enfin, un Conseil supérieur des CRC qui exerce le pouvoir disciplinaire et de promotion. Sa présidence est assurée par le Premier président de la Cour des comptes.

2 – Un premier contrôle administratif : le contrôle budgétaire

Les budgets locaux (budget primitif, budget supplémentaire, décisions modificatives et compte administratif) doivent respecter un certain nombre de règles. Aussi, les lois de décentralisation ont-elles mis en place, en contrepartie de la suppression de la tutelle a priori sur les acte des collectivités locales, un contrôle budgétaire destiné à s’assurer de leur respect.

Il s’agit, là, d’un contrôle administratif qui fait intervenir le préfet et la CRC. La CRC intervient ici en tant qu’autorité administrative et ses décisions ne sont pas des jugements, mais de simples avis non contraignants. Le préfet peut, ainsi, s’écarter de ces propositions à condition, toutefois, de motiver ses décisions.

Il existe quatre cas d’ouverture du contrôle budgétaire.

Le premier concerne l’hypothèse où le budget primitif n'a pas été voté dans les délais requis. Le préfet saisit, alors, la CRC qui dispose d’un mois pour formuler une proposition de règlement du budget. Le préfet peut, ensuite, sur la base de ces propositions, régler d’office le budget et le rendre exécutoire.

Le second vise la situation où le budget n’est pas voté en équilibre réel. Le préfet saisit, ici, la CRC dans le délai d’un mois suivant la transmission du budget. La CRC dispose, ensuite, d’un mois pour proposer à la collectivité les mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre. Si la collectivité n’a pas, dans le mois qui suit, adopté un budget équilibré, le CRC dispose de 15 jours pour produire une seconde proposition sur la base de laquelle le préfet adoptera le budget de la collectivité et le rendra exécutoire.

Le troisième est relatif au défaut d’inscription d’une dépense obligatoire au budget. Le préfet, mais, également, le comptable public ou toute personne y ayant intérêt, peuvent saisir la CRC. Cette dernière dispose d’un mois pour constater le défaut d’inscription de la dépense et mettre en demeure la collectivité de l’inscrire au budget. Si la collectivité ne s’est pas conformée à l’avis de la chambre dans le délai d’un mois, la CRC demande au préfet d’inscrire d’office la dépense au budget. Si, par la suite, l’exécutif de la collectivité refuse de mandater la dépense, le préfet lui adresse une mise en demeure et procède au mandatement si celui-ci n’a pas été fait dans le mois qui suit la mise en demeure (cette dernière procédure n’est une procédure budgétaire, mais une procédure comptable).

Le quatrième concerne le déficit du compte administratif. Si l’exercice précédent se solde par un déficit supérieur ou égal à 10 % du montant des recettes de fonctionnement dans les communes de moins de 20 000 habitants, 5 % pour les autres collectivités, la CRC, saisie par le préfet, propose, dans les deux mois de sa saisine, des mesures utiles au redressement de l’équilibre budgétaire. En pareille hypothèse, le budget primitif de l’exercice suivant doit, également, être automatiquement transmis par le préfet à la chambre. Si celle-ci constate que les mesures prises sont insuffisantes, elle propose au représentant de l’Etat dans le délai d’un mois à compter de sa saisine les mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre. Le préfet peut, alors, régler et rendre exécutoire le budget.

3 – Un second contrôle administratif : le contrôle de gestion

Les Chambres régionales des comptes peuvent présenter a posteriori des observations sur la gestion des collectivités locales. Il s’agit d’un examen de la gestion des ordonnateurs qui ne doit porter que sur la régularité des opérations, sur l’économie des moyens mis en œuvre et sur l’évaluation des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés par l’assemblée délibérante. Il ne peut, en revanche, en aucun cas, être jugé de l'opportunité des objectifs fixés.

Ce mode de contrôle se traduit par des rapports d’observation transmis à l’exécutif de la collectivité qui doit les communiquer à l’assemblée délibérante. Ils donnent lieu à une procédure contradictoire, ainsi qu’à un débat devant l’assemblée et sont rendus publics.

B - Les autres contrôles non juridictionnels

Deux grands types d’autorités peuvent exercer un contrôle sur les budgets locaux : les membres de l’assemblée délibérante (1) et les comptables publics locaux (2).

1 – Le contrôle exercé par les membres de l’assemblée de la collectivité

Les membres de l’assemblée doivent être tenus informés des affaires de la collectivité lorsqu’elles donnent lieu à délibération. A cette occasion, ils peuvent demander des explications et des justifications à l'ordonnateur au travers de questions orales ou de missions d’information et d’évaluation. Leur contrôle s’exerce, également, lors du débat d’orientation budgétaire, du vote du compte administratif et du vote des différentes décisions modificatrices.

2 – Le contrôle exercé par les comptables publics locaux

Un contrôle est, aussi, opéré par les comptables publics assignés aux collectivités locales. Ceux-ci sont, en effet, chargés d’exercer un contrôle de régularité des ordres de recettes et de dépenses qui sont émis par les ordonnateurs. Il s’agit d’un contrôle a priori avant l’encaissement ou le décaissement effectif. En matière de recettes, le contrôle porte sur la régularité de l’autorisation de percevoir la recette ou, encore, la régularité des réductions ou annulations d’ordres de recouvrer. En matière de dépenses, il s’agit de vérifier la qualité de l’ordonnateur, l’exacte imputation des dépenses au regard du principe de spécialité des crédits, la disponibilité des crédits, la validité de la dette (notamment au regard de la règle du service fait) et le caractère libératoire du paiement. Le contrôle des dépenses a, toutefois, été allégé. En effet, au contrôle exhaustif s’est substitué un contrôle hiérarchisé et partenarial : il s’agit d’un contrôle qui n’est plus systématique, mais qui est, au contraire, modulé selon une évaluation des risques et fondé sur des sondages.

II - Les contrôles juridictionnels

Outre le contrôle du juge administratif qui peut s’exercer sur les actes budgétaires comme sur n’importe quel autre acte administratif, le contrôle juridictionnel des budgets locaux est exercé par les Chambres régionales des comptes et la Cour de discipline budgétaire et financière (A). Cette situation va, toutefois, évoluer le 1° janvier 2023 avec l’instauration d’un régime de responsabilité unifié des gestionnaires publics, ordonnateurs comme comptables publics (B).

A – Les contrôles juridictionnels jusqu'au 31 décembre 2022

Les contrôles juridictionnels sont le fait de la Cour de discipline budgétaire et financière (1) et des Chambres régionales des comptes (2).

1 - Le contrôle de la Cour de discipline budgétaire et financière

La Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) est une juridiction administrative spéciale qui a pour fonction principale de sanctionner les violations de la légalité budgétaire et financière commises par les ordonnateurs. Elle ne peut, en revanche, en aucun cas, sanctionner les fautes de gestion.

En matière de budgets locaux, sa compétence apparaît, toutefois, limitée en raison du fait que les élus locaux n’en sont pas justiciables. Autrement dit, la violation des règles budgétaires et de comptabilité publique qu’ils commettent échappe aux sanctions spéciales prévues par le droit financier à l’égard des ordonnateurs. II n’est fait exception à cette règle que dans deux hypothèses : lorsqu’un élu local a engagé sa responsabilité propre à l’occasion d’un ordre de réquisition et qu’il a procuré à autrui un avantage injustifié, ainsi qu’en cas d’absence d’exécution d’une décision de justice.

En revanche, la Cour a compétence vis-à-vis des ordonnateurs « non politiques », tels que les agents des collectivités locales et des établissements publics locaux. La CDBF ne prononce, toutefois, que rarement des sanctions. En effet, les personnes qui exécutent les budgets locaux le font, la plupart du temps, sous l'autorité d'un élu local. Ces derniers ne pouvant être jugés par elle, la Cour répugne, alors, à sanctionner des personnes qui n'ont fait qu'exécuter leurs ordres.

2 - Le contrôle des Chambres régionales des comptes

Avant la loi du 2 mars 1982, le contrôle des comptes des comptables publics assignés aux collectivités locales et aux établissements publics locaux était assuré par la Cour des comptes pour les régions, les départements et les communes les plus importantes. Pour les communes de plus petite taille, ce contrôle était mis en œuvre par le trésorier-payeur général. Depuis cette date, ce contrôle est exercé par les CRC. Il est de même nature que celui réalisé par la Cour des comptes (a) et s’effectue selon les mêmes procédures (b). Aussi, a-t-il été affecté par les mêmes évolutions.

a / Du point de vue de la nature du contrôle, il est de coutume de dire que les CRC jugent les comptes et non les comptables. Il faut comprendre, par-là, que le contrôle repose uniquement sur des constatations de fait et de droit, sans qu’il y ait lieu d’apprécier le comportement personnel du comptable ou les circonstances. C’est, ainsi, que les CRC engagent la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable par le seul constat d’un manquement ou d’une irrégularité : fonds manquant en caisse, dépense irrégulièrement payée, recette non recouvrée, … Les comptables sont, alors, tenus de réparer sur leurs deniers personnels le préjudice qu’ils ont fait subir au Trésor.

Cette conception objective de la responsabilité des comptables publics a, toutefois, fait l’objet de critiques. Aussi, le législateur a-t-il souhaité accorder un plus grand pouvoir d’appréciation au juge des comptes. Outre la prise en compte de circonstances de force majeure (loi de finances rectificative du 30 décembre 2006), la loi de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 a imposé de retenir l’existence ou non d’un préjudice financier. En cas de préjudice financier, c’est le régime traditionnel du débet qui s’applique, mais le comptable ne peut, dorénavant, bénéficier d’une remise gracieuse totale par le ministre du Budget qu’en cas de décès ou lorsqu’il a respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses ; dans tous les autres cas, la remise ne peut être que partielle. En l’absence de préjudice financier, le juge ne peut plus prononcer de décision débet ; il peut, en revanche, mettre à la charge du comptable une somme qu’il détermine en fonction des circonstances de l’espèce, somme qui ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse par le ministre des Finances.

b / Du point de vue procédural, la procédure classique présentait certaines lacunes en termes de droits de la défense : elle était inquisitoriale, écrite et secrète aussi bien en ce qui concerne l’instruction que pour l’audience à laquelle les justiciables n’avaient pas accès. Quant au principe du contradictoire, il n’était respecté que par la règle du double arrêt : concrètement, en cas d’irrégularités constatés, le juge des comptes rendait un arrêt provisoire retraçant les irrégularités ; le comptable avait deux mois pour fournir des justifications ; puis, l'arrêt définitif de décharge ou de quitus (si le comptable quitte ses fonctions) ou de débet était rendu.

Le Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme ont, d’abord, décidé que les audiences devant le juge des comptes devaient être publiques.  Le législateur a, ensuite, par la loi du 28 octobre 2008, imposé que les fonctions d’instruction, de poursuite et de jugement soient strictement séparées. La phase d’instruction est, ainsi, assurée par un magistrat rapporteur qui rend un rapport sur l’examen des comptes, lequel est communiqué au ministère public. Si ce dernier ne relève aucun élément de nature à mettre en cause la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, il rend une ordonnance de décharge qui donne quitus au comptable de sa gestion. Dans le cas contraire, il saisit la formation contentieuse. Le président de la formation saisie désigne, alors, un magistrat instructeur chargé de rendre un rapport. La procédure devient, à partir de ce moment, contradictoire, publique et, en partie, orale. Le réquisitoire du ministère public est transmis au comptable qui a accès aux pièces sur lesquelles celui-ci est fondé. Le comptable a, également, accès au rapport, aux conclusions du ministère public et à toutes les productions des parties. La règle du double arrêt, qui conduisait à des délais de jugement très longs, est, par ailleurs, supprimée. Enfin, le délai de prescription de l’action à l’égard des comptables patents est ramené à cinq ans.

A l’issue de l’audience publique au cours de laquelle les comptables ont la possibilité de venir s’exprimer devant les magistrats, la procédure est close par un jugement. En dehors du cas où aucune charge n’est retenue, la CRC prononce soit une amende en l’absence de préjudice financier, soit une mise en débet du comptable en cas de préjudice financier, laquelle implique pour celui-ci l’obligation de reverser la dépense irrégulièrement payée ou la recette non recouvrée.

Les jugements rendus par les CRC sont susceptibles d’appel devant la Cour des comptes et d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

B – Le contrôle juridictionnel à compter du 1° janvier 2023

L’ordonnance du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, adoptée sur la base de l’article 168 de la loi de finances pour 2022, institue un régime juridictionnel unifié de responsabilité des gestionnaires publics, comptables comme ordonnateurs (1). Ce nouveau régime, qui s’appliquera à partir du 1° janvier 2023, vise sanctionner les fautes graves en matière d’exécution budgétaire (2) et relèvera d’une chambre spéciale de la Cour des comptes (3).

1 – Les acteurs relevant du nouveau régime

L’ordonnance de 2022 met fin à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics. Elle institue, en lieu et place, un régime de responsabilité qui concerne tous les gestionnaires publics, c’est-à-dire les comptables publics comme les ordonnateurs. Il s’applique, plus généralement à toutes les personnes impliquées dans le processus d’exécution budgétaire, à savoir : les fonctionnaires et agents publics civils et militaires, les membres des cabinets, les représentants, administrateurs et agents des organismes soumis au contrôle des juridictions financières.

En revanche, les élus locaux comme les ministres bénéficient, comme par le passé, d’une large irresponsabilité financière, puisqu’ils demeurent en dehors du champ d’application du nouveau régime. Il n’est fait exception à ce principe, pour les ministres, qu’en cas de gestion de fait et, pour les élus locaux, qu’en cas d’inexécution d’une décision de justice entraînant le prononcé d’une astreinte, de gestion de fait ou lorsqu’ayant fait usage de leur pouvoir de réquisition, ils procurent à une personne morale, à autrui ou à eux-mêmes un avantage injustifié par intérêt personnel direct ou indirect.

2 – Les fautes sanctionnables

Le régime mis en place par l’ordonnance du 23 mars 2022 vise à réserver l’intervention du juge financier aux infractions les plus graves et renvoie la sanction des fautes purement formelles ou procédurales à un régime de responsabilité d’ordre managérial. A cette fin, l’ordonnance établit une liste d’infractions sanctionnables. Trois grandes composantes peuvent être relevées.

La plus importante est l’infraction aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens de l’Etat, des collectivités, établissements et organismes soumis au contrôle des juridictions financières dès lors qu’elles constituent « une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif ». Cette infraction générique peut être sanctionnée par le prononcé d’une amende dont le maximum ne peut pas excéder six mois de rémunération de la personne faisant l’objet de la sanction. Cette amende peut être proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées et à l’importance du préjudice causé à l’organisme.

L’ordonnance de 2022 dresse, ensuite, une liste d’infractions pouvant faire l’objet de poursuites : la faute de gestion (carence, omission, négligence, …) au sein d’un établissement à caractère industriel et commercial ; l’octroi d’un avantage injustifié à autrui, à soi-même ou à toute personne morale par intérêt personnel direct ou indirect ; la gestion de fait ; l’inexécution d’une décision de justice entraînant le prononcé d’une astreinte ; tout agissement ayant pour effet de faire échec à une procédure de mandatement d’office ; les négligences des titulaires d’emplois de direction. Ces infractions encourent la même sanction que l’infraction générique.

S’ajoutent à ces infractions de fond trois infractions formelles : l’absence de production des comptes, l’engagement d’une dépense sans respecter les règles de contrôle budgétaire, l’engagement d’une dépense sans avoir reçu de délégation à cet effet. Pour ces infractions, l’amende ne peut excéder un mois de rémunération.

Il convient de noter que le justiciable ne sera pas passible de sanctions s’il n’a fait que se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique ou de toute personne habilitée ou s’il peut exciper d’un ordre écrit émanant d’une autorité non justiciable.

Le cadre juridique ainsi posé apparaît contraignant et laisse peu de marge de manœuvre au juge financier. Par exemple, s’agissant de l’infraction générique, la faute grave doit être associée à un préjudice financier et celui-ci doit, de surcroît, être significatif. Le but semble avoir été de limiter les cas d’engagement de cette responsabilité. L’avenir permettra de déterminer si le juge financier parviendra à s’affranchir du cadre juridique ainsi posé.

3 – Les instances juridictionnelles en charge du nouveau régime

Afin de contrôler le respect de ce nouveau régime de responsabilité, une nouvelle organisation juridictionnelle est mise en place. C’est, ainsi, que l’ordonnance du 23 mars 2022 supprime la Cour de discipline budgétaire et financière qui était chargée du contrôle des ordonnateurs. Les chambres régionales des comptes perdent, par ailleurs, leurs compétences juridictionnelles.

Le nouveau régime sera mis en œuvre par la chambre du contentieux de la Cour des comptes créée par le décret du 18 mai 2021. Celle-ci sera composée de magistrats de la Cour des comptes et des Chambres régionales des comptes. Elle sera seule compétente en première instance pour juger la responsabilité financière des gestionnaires publics.

L’appel relèvera d’une Cour d’appel financière conduite par le premier président de la Cour des comptes. Elle sera composée de quatre conseillers d’Etat, de quatre conseillers maîtres à la Cour des comptes et de deux personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre en raison de leur expérience dans le domaine de la gestion publique. Le Conseil d’Etat restera la juridiction de cassation.