Les moyens de l'administration

Pour remplir ses missions, l’administration dispose de deux types d'actes. Le premier est l'acte administratif unilatéral que l’on peut définir comme une décision qui s’impose aux administrés sans requérir au préalable leur consentement. Le second est le contrat administratif qui suppose, lui, un consentement de la part du cocontractant de l’administration, mais dont le régime demeure nettement dérogatoire au droit commun.

La reconnaissance des directives – lignes directrices (CE, sect., 11/12/1970, Crédit Foncier de France)

Dans cette affaire, comme le rappelle le Pr. Didier TRUCHET, « le Conseil d’État avait tenté d’offrir aux autorités dépourvues de pouvoir réglementaire une solution intermédiaire entre la simple mesure d’ordre intérieur et le véritable acte : la directive (qu’il ne faut pas confondre avec la directive de l’Union européenne) » (Didier TRUCHET, Droit administratif, 7ème Ed., PUF, 2017, p. 309).

Le recul des MOI dans les prisons (CE, ass., 17/02/1995, Marie ; CE, ass., 14/12/2007, Planchenault)

Les mesures d’ordre intérieur (MOI) régissent, selon le Doyen Hauriou, « la vie intérieure des services » (v. notamment Maurice HAURIOU, Précis de droit administratif et de droit public, Dalloz, 12e réédition, 2002). En effet, il s’agit de mesures adoptées par le pouvoir hiérarchique s’agissant du fonctionnement et de l’organisation interne des casernes, des prisons ou encore des établissements scolaires. En droit français, le juge administratif n’a pas à contrôler les MOI, qui s’imposent aux agents du service public et n’ont que peu de conséquences sur les administrés. Mais dans certaines situations sensibles, la Cour européenne des droits de l’Homme, de même que le juge administratif, ont fait évoluer leur jurisprudence en qualifiant certaines mesures d’actes faisant grief, alors même qu’ils les considéraient autrefois comme des MOI.  Cette nouvelle qualification autorise ainsi un contrôle juridictionnel à travers le recours pour excès de pouvoir (REP) à l’encontre de tels actes lorsqu’ils sont ainsi qualifiés.

Feu la jurisprudence Peyrot : la fin d’une exception au critère organique des contrats administratifs (TC, 9/03/2015, Mme. Rispal)

Depuis le début des années 2000, la France s’est engagée dans un important mouvement de privatisation de ses autoroutes. En effet, la majeure partie d’entre-elles est désormais concédée à des sociétés à capitaux privés. Cette tendance n’est pas sans conséquences juridiques, les contrats conclus par les sociétés concessionnaires d’autoroute relevant, généralement et jusqu’à très récemment, de la compétence du juge administratif. Le juge des conflits a été amené à se prononcer sur la pertinence de cette compétence pour les contrats passés entre une société concessionnaire et une autre personne privée.

Le recul des MOI dans l’armée (CE, ass., 17/02/1995, Hardouin)

Si l’histoire du droit administratif est celle de la soumission croissante de l’administration au droit, il demeure, encore aujourd’hui, des actes que le juge administratif s’abstient de contrôler. Il en va, ainsi, des actes de Gouvernement parce qu’ils traduisent plus l’exercice de la fonction gouvernementale que celui de la fonction administrative. C’est aussi le cas des mesures d’ordre intérieur (MOI) dont l’objet est d’assurer un certain ordre au sein des services publics, mais qui sont de trop faible importance pour pouvoir faire l’objet d’un recours. Cette situation peut, cependant, heurter quand la mesure a, en fait, des effets non négligeables. Aussi, le Conseil d’Etat a entrepris, au tournant des années 1990, un vaste mouvement de restriction du champ des MOI. L’arrêt Hardouin en constitue l’une des étapes.

Le déféré préfectoral contre un contrat administratif, un recours de plein contentieux (CE, 23/12/2011, Ministre de l'Intérieur c/ SIAN)

Certains bouleversements qui affectent le droit administratif sont le fait de décisions solitaires. D’autres, au contraire, sont le fruit de décisions, non moins majeures, qui, comme nouées par un lien de parenté, conjuguent leurs effets pour proposer au justiciable un nouveau paysage juridique. C’est ce qu’il est advenu dans le domaine du contentieux contractuel à partir de la seconde moitié des années 2000. L’arrêt Ministre de l’Intérieur constitue l’une des étapes de ce mouvement.

La disparition volontaire des actes administratifs unilatéraux (CE, ass., 26/10/2001, Ternon ; Code des relations du public avec l’administration)

La disparition des actes administratifs unilatéraux est longtemps demeurée le parent pauvre du droit administratif. Les conditions de l’entrée en vigueur, les modalités procédurales d’adoption des actes, le contrôle des exigences de forme et de fond ont bien plus mobilisé l’attention du juge et de la doctrine. Cette situation peut être expliquée par le fait que l’essentiel des recours devant le juge de l’excès de pouvoir tendent à faire annuler un acte qui vient d’être adopté. À l’inverse, une fois l’acte entré en vigueur, sa disparition poserait, a priori, moins de problèmes. 

Le critère du « régime exorbitant » du contrat administratif a survécu ! (CE, 01/07/2010, Société Bioenerg)

En l’absence, à l’origine, de droit écrit, la notion de contrat administratif a été bâtie par voie prétorienne, jurisprudence après jurisprudence jusqu’à constituer un édifice relativement stable et cohérent. Les évolutions de ces jurisprudences sont demeurées contenues. Plus le droit écrit s’est étoffé, plus les hypothèses de qualification par les critères dégagés par le Conseil d’État sont devenues, en droit comme en fait, subsidiaires. À tel point, du reste, que l’on a pu, un temps, pensé éteints certains critères. L’arrêt CE, 1er juillet 2010, Société Bioenerg, req. n°333275 tend à, au contraire, à démontrer la grande résilience de ces critères.

Une tentative de définition de la « clause exorbitante » (TC, 13/10/2014, Société AXA IARD)

Le droit des contrats administratifs a accompagné, poussé voire façonné des pans entiers du droit administratif. Notion essentiellement prétorienne, le contrat administratif suit les mouvements d’adaptation du droit administratif aux temps et aux mœurs de la société. En outre, le droit des contrats tisse des liens solides et nombreux avec les autres matières du droit public, de sorte que le raisonnement du juge peut apparaître structuré « en tiroirs ». Ainsi, le juge peut être amené à rendre une solution bien plus riche que la question qui en est à l’origine le laissait supposer. L’arrêt TC, 13 octobre 2014, Société AXA IARD, req. n°C3963 est caractéristique de cette dynamique du droit.

Vers un contrôle du droit souple en matière de régulation économique (CE, ass., 21/03/2016, Société Fairvesta International GMBH)

La nature de l’acte juridique, en général, et de l’acte administratif unilatéral (AAU) en particulier, est une question complexe. Elle est complexe, car paradoxale. D’un côté, la nature de l’acte administratif unilatéral semble frappée par l’évidence de sa dénomination. D’un autre côté, en revanche, une étude plus approfondie démontre que chacun des termes qui la compose est équivoque. La combinaison de ce qu’ils recouvrent précisément ajoute à la difficulté. L’arrêt annoté CE, 21 mars 2016, Fairvesta, propose une nouvelle approche de la notion de droit souple, plus conforme au pragmatisme et aux nécessités de l’administration active.

Le contrôle des décisions de résiliation des conventions d’occupation du domaine public (CE, 25/01/2017, Commune de Port-Vendres)

Certaines affaires mobilisent longtemps le juge administratif. Bien souvent elles soulèvent des problèmes de droit qui n’avaient, auparavant, trouvé aucune solution. Dans le domaine du droit administratif des biens, celle opposant la commune de Port-Vendres à l’association départementale des pupilles de l’enseignement public des Pyrénées-Orientales et concernant l’occupation par cette dernière d’un bien appartenant à la première en fait partie. L’épilogue de la saga est amené par l’arrêt CE, 25 janvier 2017, Commune de Port-Vendres, req. n° 395314.

L’Afnor et ses normes devant le Conseil d’État (CE, 17/02/1992, Société Textron)

La notion de service public a, longtemps, constitué le critère cardinal déterminant la compétence du juge administratif (TC, 8/02/1873, Blanco). Ce rôle clé fut, cependant, rapidement mis à mal lorsque le Tribunal des conflits créa la catégorie des services publics industriels et commerciaux majoritairement soumis au droit privé (TC, 22/01/1921, Société commerciale de l’ouest africain). Quant à la notion de service public, elle perdit, quelques années plus tard, le versant organique de sa définition lorsqu’il fut admis qu’une personne privée puisse gérer un service public en dehors de toute délégation contractuelle (CE, ass., 13/05/1938, Caisse primaire « Aide et Protection »). La question s’est, alors, posée de savoir comment identifier tant les services publics gérés par des personnes privées, que les actes administratifs que de tels organismes peuvent édicter. C’est cet ensemble de problèmes que soulève l’arrêt Soc. Textron.