Introduction

Traditionnellement, les contrôles en matière d’exécution budgétaire portaient sur la régularité des opérations de dépenses et de recettes. Dans la période récente, toutefois, est venue s’ajouter à cette préoccupation première celle d’une évaluation de la qualité de la gestion financière publique conformément à l’impératif de performance promu par la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1° août 2001. Cette mutation s’observe au sein des trois types de contrôles dont fait l’objet l’exécution des lois de finances.

Les premiers sont des contrôles administratifs réalisés par des services qui relèvent tous du ministère des Finances. Ils sont le fait, notamment, du service du contrôle budgétaire et comptable ministériel, des comptables publics ou, encore, de l’Inspection générale des Finances.

Les seconds sont des contrôles juridictionnels dont sont en charge deux grandes juridictions : la Cour de discipline budgétaire et financière et la Cour des comptes. La première sanctionne les infractions aux règles du droit budgétaire et comptable commises par les ordonnateurs, quand la seconde exerce un contrôle juridictionnel des comptes des comptables publics. Ce panorama va, toutefois, évoluer le 1° janvier 2023 dans la mesure où l’ordonnance du 23 mars 2022 a supprimé le régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics pour lui substituer un régime unifié de responsabilité des gestionnaires publics qui concerne tant les ordonnateurs que les comptables publics.

Les troisièmes sont des contrôles politiques effectués par les deux assemblées parlementaires et, notamment, par leur commission des finances respective. Ce contrôle s’exerce concomitamment à l’exécution budgétaire, mais aussi une fois le budget exécuté via le vote de la loi de règlement. Ce contrôle politique a posteriori a été renforcé par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, les contrôles administratifs (I), d’analyser, dans une seconde partie, les contrôles juridictionnels (II) et d’examiner, dans une troisième partie, les contrôles politiques (III).

I - Les contrôles administratifs

Les contrôles administratifs de l’exécution des lois de finances sont le fait de services et de corps de contrôle qui relèvent, tous, du ministère des Finances. Construits, initialement, autour de l’objectif de régularité, ces contrôles connaissent, de nos jours, des transformations profondes liées à la nouvelle conception des finances publiques promue depuis une vingtaine d’années. Certains s’effectuent a priori (A), d’autres a posteriori (B).

A – Les contrôles a priori

Les contrôles a priori relevaient, traditionnellement, d’un mode opératoire strictement cloisonné. Ces vingt dernières années, cependant, ils ont connu, du fait, notamment, du processus d’informatisation, un profond bouleversement. La conception actuelle tend, en effet, vers un contrôle interdépendant, une sorte de chaîne d’exécution intégrée à laquelle participe chaque institution de contrôle, ce qui conduit à des procédures et des méthodes partenariales et de collaboration. Par ailleurs, à la conception traditionnelle fondée sur un contrôle exhaustif se substitue, désormais, une approche sélective modulée selon une évaluation des risques et fondée sur des sondages.

Ces évolutions affectent les deux grands types de contrôle a priori : le contrôle effectué par le service du contrôle budgétaire et comptable ministériel (1) et le contrôle effectué par les comptables publics (2). Sont, également, apparus, depuis une vingtaine d’années, des modes de contrôle inspirés du secteur privé.

1 – Le service du contrôle budgétaire et comptable ministériel

Le service du contrôle budgétaire et comptable ministériel est l’héritier du service du contrôle financier. Les origines de ce dernier remontent à la loi de finances du 26 décembre 1890 : celle-ci prescrivait, en effet, la tenue, dans chaque ministère, d’une comptabilité des engagements de dépenses des ministres ordonnateurs principaux dont était chargé un agent placé sous leur autorité. Quelques années plus tard, la loi du 10 août 1922 prévoyait que les contrôleurs financiers étaient, désormais, nommés par le seul ministre des Finances, leurs apportant ainsi plus d’indépendance. Plus près de nous, le décret du 13 novembre 1970 devait, du fait du mouvement de déconcentration administrative qui s’amorçait à cette époque, étendre leurs compétences au contrôle des dépenses de l’Etat engagées par les ordonnateurs secondaires sur le plan local. Puis, en 1997, une nouveau modèle de contrôle financier déconcentré était mis en place afin d’adapter les procédures financières locales à la place importante prise par la région. A la suite à la LOLF, enfin, le décret du 18 novembre 2005 mettait fin au contrôle financier et créait, à sa place, le service du contrôle budgétaire et comptable ministériel.

Les missions de ce nouveau service sont exercées, au niveau central, dans chaque ministère, par un contrôleur budgétaire et comptable ministériel nommé par le ministre du Budget (sur le plan déconcentré, c’est au directeur régional des finances publiques qu’il revient). Chaque contrôleur a autorité sur le département du contrôle budgétaire, en charge du contrôle financier, ainsi que sur le département comptable, qui est le service assignataire des ordres de recettes et de dépenses.

Compte tenu des évolutions gestionnaires des finances publiques, le rôle de ce service a été réformé par le décret du 27 janvier 2005 (évolutions reprises par le décret du 7 novembre 2012). Ainsi, si le contrôleur financier avait, auparavant, pour principale fonction le contrôle de la régularité des actes de dépenses, désormais, le service du contrôle budgétaire et comptable ministériel est, essentiellement, chargé d’éviter les risques budgétaires tant au stade de la prévision, dont il est chargé d’apprécier la sincérité des évaluations, qu’au stade de l’exécution afin d’en évaluer la soutenabilité budgétaire. L’article 87 du décret du 7 novembre 2012 prévoit, ainsi, que « ce contrôle porte sur l'exécution des lois de finances et a pour objet d'apprécier le caractère soutenable de la programmation (…) et de la gestion en cours, au regard des autorisations budgétaires, ainsi que la qualité de la comptabilité budgétaire. Il concourt, à ce titre, à l'identification et à la prévention des risques encourus, ainsi qu'à l'analyse des facteurs explicatifs de la dépense et du coût des politiques publiques. »

2 - Les comptables publics

Traditionnellement, les comptables publics sont juridiquement chargés de contrôler la régularité des actes qui leurs sont transmis par les ordonnateurs. A la suite de la mise en œuvre de la LOLF, les modalités de ce contrôle ont, toutefois, significativement évolué. Cette évolution s’est, d’abord, effectuée factuellement ; puis, elle a été reprise solennellement par l’article 42 du décret du 7 novembre 2012. Deux voies se dessinent.

D’une part, au contrôle exhaustif et systématique de la dépense, s’est substitué un contrôle hiérarchisé qui est un contrôle sélectif et fonction des risques et des enjeux liés à la nature de la dépense et aux pratiques des ordonnateurs.

D’autre part, ce nouveau mode de contrôle est, à présent, partenarial, c’est-à-dire qu’il repose sur un dialogue régulier avec l’ordonnateur, voire sur des audits conjoints. Concrètement, le comptable peut établir un audit de la fiabilité de la procédure de dépense et, si cet audit s'avère favorable, alléger en conséquence ses contrôles.

3 – Les nouveaux modes de contrôle

Du fait de la promotion d’une logique de gestion fondée sur les résultats, de nouveaux modes de contrôle issus du fonctionnement des entreprises privées sont apparus. Quelques exemples peuvent en être donnés.

Le contrôle de gestion, instauré en 2006, est un système de pilotage mis en œuvre par un responsable en vue d’améliorer le rapport existant entre les moyens engagés et l’activité développée ou les résultats obtenus. Ce dispositif est, à présent, introduit dans tous les ministères.

La certification, qui ne s’applique pour l’heure qu’aux finances de l’Etat, est un contrôle de qualité des comptes dont le périmètre est appelé à s’étendre aux collectivités locales.

Deux autres modes de contrôle sont liés : le contrôle interne et l’audit interne. Le premier vise à s’assurer, en permanence, de la fiabilité des processus mis en œuvre et de l’évitement des risques quand le second permet d’évaluer l’efficacité du premier. Ces deux procédés ont fait l’objet d’une reconnaissance expresse par le décret du 7 novembre 2012 : celui-ci rend, d’ailleurs, leur mise en place obligatoire dans chaque ministère.

B - Les contrôles a posteriori

Ces contrôles connaissent, eux-aussi, des évolutions avec le nouveau schéma de gestion publique initié par la LOLF. Ils sont, principalement, le fait de l’Inspection générale des Finances (1). Divers autres corps de contrôle existent également (2).

1 - L’Inspection générale des Finances

L’Inspection générale des Finances est, sans aucun doute, le corps de contrôle le plus prestigieux. Créé sous la Restauration par une ordonnance du 10 mars 1831, ses origines remontent à l’Inspection générale du Trésor installée de manière permanente en 1801. Ce corps se caractérise par un effectif réduit (205 membres actifs selon le rapport d’activité 2018) recruté pour partie à l’issue de la scolarité à l’ENA et pour partie dans la fonction publique au tour extérieur.

Ses missions, qui ne portaient, à l’origine, que sur la vérification des comptes des comptables publics, se sont largement étendues : surveillance de tous les services extérieurs du ministère des Finances, ainsi que de tous les ordonnateurs secondaires des autres ministères, des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor ; surveillance de la comptabilité administrative des ordonnateurs des collectivités locales et de tous les organismes publics, ainsi que des organismes privés lorsqu’ils bénéficient de fonds de la part de l’Etat. Ces inspections se déroulent à l’improviste, sur pièces et sur place, et débouchent sur un rapport contradictoire transmis au ministre des Finances qui décide des suites à donner.

A côté de ces tâches classiques, les membres de l’Inspection générale des Finances exercent, également, des missions d’audit ou d’évaluation d’organismes, de procédures ou de politiques publiques demandées par le ministre du Budget ou conjointement avec d’autres ministres. Ils effectuent, aussi, des missions d’expertise ou de conseil à la demande des pouvoirs publics. Ces missions représentent, aujourd’hui, la part prépondérante de leurs travaux.

2 – Les autres corps de contrôle

Il existe, d’abord, des corps d’inspection et de contrôle propres à certains ministères. Ces corps sont chargés de la surveillance de la gestion financière desdits ministères, même si ce n’est pas leur tâche principale. L’on peut citer : l'Inspection générale des affaires sociales, l'Inspection générale de l'Education nationale ou, encore, le Contrôle général des armées.

Il existe, ensuite, le Contrôle général économique et financier placé sous l’autorité du ministre des Finances. Celui-ci est chargé du contrôle externe portant sur l’activité économique et la gestion financière de certaines entreprises publiques (analyse des risques, évaluation de la performance, notamment). En revanche, le contrôle des entreprises rattachées à l’Agence des participations de l’Etat relève de l’Inspection générale des Finances.

II - Les contrôles juridictionnels

Les modalités du contrôle juridictionnel de l’exécution budgétaire sont appelées à évoluer. En effet, jusqu’à présent, le contrôle était assuré par la Cour de discipline budgétaire et financière pour les ordonnateurs et par la Cour des comptes pour les comptables publics (A). A compter du 1° janvier 2023, il existera un régime unifié de responsabilité des gestionnaires publics applicable tant aux ordonnateurs qu’aux comptables publics (B).

A – Les contrôles juridictionnels jusqu'au 31 décembre 2022

Les contrôles juridictionnels sont réalisés par la Cour de discipline budgétaire et financière (1) et par la Cour des comptes (2). La première contrôle les ordonnateurs, quand la seconde juge les comptes des comptables publics.

1 - La Cour de discipline budgétaire et financière

La Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) est une juridiction administrative spéciale créée par la loi du 25 septembre 1948. Cette loi a constitué un progrès certain en permettant de sanctionner la violation par les ordonnateurs des règles budgétaires et financières. En effet, jusque-là, la responsabilité encourue au titre de la gestion des deniers publics ne pesait que sur les seuls comptables publics.

Pour mieux appréhender cette Cour, quatre points doivent, ainsi, retenir d’attention : sa composition (a), sa compétence (b), sa procédure (c) et, enfin, l’objet du contrôle qu’elle exerce (d).

a / La composition de la CDBF est mixte : la Cour réunit, en effet, des membres du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes. Cette composition a évolué avec le décret du 17 juin 2005.

Antérieurement audit décret, la Cour comprenait deux conseillers d’Etat et deux conseillers maîtres de la Cour des comptes. Elle était, par ailleurs, présidée par le Premier président de la Cour des comptes, assisté d’un vice-président qui était le président de la section des finances du Conseil d’Etat. Les fonctions du ministère public étaient, enfin, assurées par le Procureur général près la Cour des comptes, assisté d’un avocat général et, le cas échéant, d’un ou deux commissaires du Gouvernement.

Sa composition a été sensiblement élargie par le décret de 2005 qui l’a portée à 12 membres au total. Les règles sont restées inchangées en ce qui concerne la présidence et la vice-présidence, ainsi que les fonctions du ministère public. Il en est allé de même s’agissant de la règle de la parité entre les membres issus de la Cour des comptes et du Conseil d’Etat. En revanche, il a été prévu six membres suppléants en sus des membres titulaires. Et, il a été posé que l’instruction des affaires pouvait, désormais, être confiée à des rapporteurs non issus du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes, mais provenant des chambres régionales des comptes, des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

Cette évolution de la composition de la CDBF est de nature à renforcer son impartialité. En effet, ce principe impose aux membres de la Cour des comptes de se déporter lorsqu’ils ont pu connaître de l’affaire portée devant celle-ci à l’occasion de l’adoption de son rapport public. Or, dans le cas où l’obligation de déport frappait la totalité des membres issus de la Cour des comptes, la CDBF se trouvait empêchée de fonctionner par le fait que le quorum exigé pour qu’elle puisse statuer valablement n’était pas atteint. La nouvelle composition de la Cour permet de résoudre cette difficulté, le nombre de ses membres passant de six à douze, alors que le quorum reste fixé à quatre.

b / La CDBF a la charge du contrôle des ordonnateurs. Cette compétence apparaît, toutefois, étroitement limitée. En effet, les ministres et les élus locaux n’en sont pas justiciables. Autrement dit, la violation des règles budgétaires et de comptabilité publique qu’ils commettent échappe aux sanctions spéciales prévues par le droit financier à l’égard des ordonnateurs. La règle est que les irrégularités qu’ils accomplissent en la matière relève du même régime de responsabilité que celui qui s’applique à leur fonction principale, soit une responsabilité politique, civile ou, encore, pénale. La seule exception à cette immunité concerne les élus locaux qui peuvent être sanctionnés par la CDBF lorsqu’ils ont engagé leur responsabilité propre à l’occasion d’un ordre de réquisition et qu’ils ont procuré à autrui un avantage injustifié, ainsi qu’en cas d’absence d’exécution d’une décision de justice.

En revanche, le champ de compétence de la Cour vis-à-vis des ordonnateurs « non politiques » est très large. En effet, sa compétence n’est pas limitée aux seuls ordonnateurs, mais embrasse un vaste secteur de personnes participant à l’exécution des opérations financières : membres des cabinets ministériels, fonctionnaires, agents de l’Etat, agents des collectivités locales et des établissements publics locaux, administrateurs des organismes qui bénéficient de concours financiers publics, …

c / La Cour ne peut pas se saisir d’elle-même. Elle doit l’être par les plus hautes autorités de l’Etat (président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, Premier ministre, ministre des Finances, ministres pour des faits reprochés à des agents placés sous leur autorité), ainsi que par la Cour des comptes ou, encore, le Procureur général près la Cour des comptes. Depuis 1980, la CDBF peut, également, être saisie par tout créancier voulant obtenir l’exécution d’une décision de justice. Cette saisine ne peut intervenir que dans les cinq ans à compter de la date des infractions constatées.

Au cours de la procédure, le Procureur général dispose d'un pouvoir de classement important. A l’instar de celle en vigueur devant les autres juridictions financières, la procédure est, par ailleurs, écrite. Elle est conduite à partir de l’instruction de l’affaire par un rapporteur qui dispose de pouvoirs importants : celui-ci peut, notamment, procéder à des enquêtes et investigations, questionner oralement et par écrit toute personne dont la responsabilité paraitrait engagée. Depuis une décision Lorenzi du Conseil d’Etat de 1998 jugeant que les amendes infligées par la CDBF ont le caractère d’« accusations en matière pénale » au sens de l’article 6 – 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour entend les parties en audience publique.  Le décret du 17 juin 2005 et la loi du 28 octobre 2008 ont, ensuite, posé le principe de l’audience publique.

d / Du point de vue des fautes susceptibles d’être sanctionnées, sont seules punissables les infractions aux règles du droit budgétaire et de la comptabilité publique, l’octroi d’un avantage injustifié à autrui au préjudice du Trésor ou des organismes intéressés ou, encore, l’inexécution d’une décision de justice. En d’autres termes, c’est uniquement la violation de la légalité budgétaire et financière qui est sanctionnée, et non la faute de gestion. Cette faute, d’ordre exclusivement juridique, s’apprécie au regard des obligations qui, en droit, incombent à l’ordonnateur. Une telle conception ne vise que la préoccupation de régularité juridique et non l’exigence d’efficacité et de performance promue par la LOLF.

Dans le cadre de ce contrôle, la Cour garde, cependant, un certain pouvoir d'appréciation qui conduit à ce que les fautes ne soient que rarement sanctionnées. Plusieurs raisons peuvent être invoquées. D’abord, les personnes qui exécutent le budget le font, la plupart du temps, sous l'autorité d'un ministre ou d'un élu local. Ces derniers ne pouvant être jugés par elle, la Cour répugne, alors, à sanctionner des personnes qui n'ont fait qu'exécuter leurs ordres. Ensuite, la CDBF peut être conduite à reconnaître des circonstances atténuantes lorsque, par exemple, la faute résulte d'une insuffisance du contrôle du supérieur hiérarchique ou d’une mauvaise organisation des services publics, ou quand l'ordonnateur a pensé agir dans l'intérêt général. Enfin, les personnes mises en cause peuvent voir leur responsabilité écartée, si elles peuvent justifier d'un ordre écrit de leur supérieur hiérarchique. Dans ce cas, c'est ce dernier qui sera justiciable de la CDBF, sauf s'il s'agit d'un ministre ou d'un élu local.

Si la CDBF décide, néanmoins, de prononcer une sanction, celle-ci consiste uniquement en une amende dont le montant minimum est de 300 € et dont le montant maximum est fixé au double du montant du traitement ou du salaire brut annuel qui était alloué à l’agent condamné au moment de l’infraction. Elle peut, alors, décider de publier l’arrêt de condamnation.

Les arrêts de la Cour sont sans appel, mais peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. Ils peuvent, également, faire l’objet d’un recours en révision devant la CDBF elle-même s’il survient des faits nouveaux ou s’il est découvert des documents de nature à établir la non-responsabilité de l’intéressé.

2 - La Cour des comptes

La Cour des comptes, qui trouve ses racines profondes dans les chambres des comptes instituées sous l’Ancien régime, a été créée par la loi du 16 septembre 1807. Si sa mission traditionnelle était le contrôle des comptes des comptables publics (b), elle a vu le champ de ses tâches s’élargir au contrôle non juridictionnel de la gestion des organismes publics et parapublics (c) et à l’assistance aux pouvoirs publics (d). Son organisation doit, d’abord, être analysée (a).

a / La Cour des comptes est dirigée par un Premier président nommé en Conseil des ministres et choisi soit parmi les magistrats qui la composent, soit hors de la Cour. Ses membres, qui ont la qualité de magistrats inamovibles, se composent, d’une part, des présidents de chambre qui sont choisis parmi les conseillers maîtres et qui ont la charge d’organiser les travaux de chaque chambre et de présider les délibérations, d’autre part, des conseillers maîtres qui délibèrent en arrêtant collégialement les décisions, et, enfin, des conseillers référendaires et des auditeurs qui effectuent les enquêtes et rédigent les rapports. Un ministère public est placé près la Cour : il est dirigé par un Procureur général choisi discrétionnairement par le Gouvernement. Pour les besoins de ses missions, la Cour dispose, également, de l’appui temporaire de fonctionnaires de l’Etat : il s’agit de personnes recrutées, notamment, pour exercer les fonctions de rapporteur ou réaliser des tâches de vérification ; ces fonctionnaires ne participent, toutefois, pas à l’exercice de la fonction juridictionnelle.

La Cour est divisée en six chambres qui sont les formations délibérantes de droit commun dans lesquelles se prennent collégialement les décisions relatives à l’activité juridictionnelle. Chacune d’entre elles a en charge un secteur propre. Ces chambres réunissent, outre le président, des conseillers maîtres qui délibèrent sur les rapports et des conseillers référendaires et des auditeurs qui n’assistent aux séances avec voix délibérative que lorsqu’ils présentent un rapport. Une subdivision par section à l’intérieur de chaque chambre est, également, possible.

Des formations plus solennelles existent. La première est une formation interchambre qui peut être constituée lorsqu’une affaire ressortit à la compétence de deux ou plusieurs chambres. La seconde est l’audience plénière publique : elle réunit l’ensemble des magistrats et est convoquée pour l’ouverture de l’année judiciaire. La troisième est la Chambre du Conseil : elle rassemble le Premier président, les présidents de chambre, les conseillers maîtres et le Procureur général aux fins de délibérer sur les projets de rapports publics ou sur toute autre affaire qui lui est transmise par le Premier président. Et, la dernière formation est constituée par les Chambres réunies : elle comprend le Premier président, les présidents de chambre et un conseiller maître par chambre et statue sur les comptes qui lui sont renvoyés soit sur proposition d’une chambre, soit à l’initiative du Premier président, soit sur réquisitoire du Procureur général, ainsi que sur les affaires renvoyées par le Conseil d’Etat après cassation.

b / Le contrôle juridictionnel des comptes des comptables publics est la mission originelle de la Cour des comptes. Cette mission a connu un bouleversement avec la création, par la loi du 2 mars 1982, des chambres régionales des comptes qui ont la charge du contrôle des comptes des comptables publics des collectivités locales et des établissements publics locaux. Depuis cette date, la Cour des comptes ne contrôle, désormais, plus que les comptes des comptables publics de l’Etat et des établissements publics nationaux. Elle demeure, toutefois, juge d’appel des jugements des chambres régionales des comptes.

Dans la conception traditionnelle, la Cour des comptes juge les comptes et non les comptables. Autrement dit, la responsabilité du comptable a un caractère objectif dans la mesure où elle repose uniquement sur le constat d’un manquement ou d’une irrégularité (fonds manquant en caisse, dépense irrégulièrement payée, recette non recouvrée, …), sans qu’il y ait lieu d’apprécier le comportement personnel du comptable ou les circonstances.

Cette approche a, cependant, fait l’objet de nombreuses critiques. Aussi, a-t-elle été atténuée en donnant un plus grand pouvoir d’appréciation au juge des comptes. La loi de finances rectificative du 30 décembre 2006 a, d’abord, donné compétence à la Cour des comptes pour constater l’existence de circonstances de force majeure. Puis, la loi de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 a imposé que la responsabilité du comptable soit appréciée en tenant compte de l’existence ou non d’un préjudice financier. En cas de préjudice financier, c’est le régime traditionnel du débet qui s’applique : mais le comptable ne peut, dorénavant, bénéficier d’une remise gracieuse totale par le ministre du Budget qu’en cas de décès ou lorsqu’il a respecté les règles de contrôle sélectif des dépenses ; dans tous les autres cas, la remise ne peut être que partielle. En l’absence de préjudice financier, le juge ne peut plus prononcer de décision débet ; il peut, en revanche, mettre à la charge du comptable une somme qu’il détermine en fonction des circonstances de l’espèce, somme qui ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse par le ministre des Finances.

Une autre évolution majeure a concerné la procédure suivie devant la Cour des comptes. La procédure classique présentait, en effet, certaines lacunes en termes de droits de la défense : elle était inquisitoriale, écrite et secrète aussi bien en ce qui concerne l’instruction que pour l’audience à laquelle les justiciables n’avaient pas accès. Quant au principe du contradictoire, il n’était respecté que par la règle du double arrêt : concrètement, en cas d’irrégularités constatés, le juge des comptes rendait un arrêt provisoire retraçant les irrégularités ; le comptable avait deux mois pour fournir des justifications ; puis, l'arrêt définitif de décharge ou de quitus (si le comptable quitte ses fonctions) ou de débet était rendu.

Cette procédure posait question quant à sa comptabilité avec l’article 6 – 1 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prévoit que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi. Le jugement doit être rendu publiquement ». Le Conseil d’Etat a, d’abord, décidé que les amendes pour gestion de fait prononcées par la Cour des comptes avaient le caractère d’« accusations en matière pénale » et devaient, dès lors, donner lieu à des audiences publiques (CE, 16/11/1998, SARL Deltanna et M. Perrin). Puis, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que les dispositions de l’article 6 – 1 s’appliquaient à toutes les phases de la procédure de gestion de fait et pas seulement au prononcé des amendes (CEDH, 07/10/2003, Mme Richard-Dubarry c/ France). Une position que la Cour de Strasbourg a, par la suite, étendu aux comptables patents, c’est-à-dire aux comptables régulièrement investis (CEDH, 12/04/2006, Martinie c/ France).

Dans une instruction du 16 mai 2006, le Premier président de la Cour des comptes a donc tiré les conséquences de ces décisions en prévoyant, notamment, qu’une audience publique doit être organisée avant toute mise en débet ou toute décision portant sur un débet, que le rapport et les conclusions du ministère public doivent être communicables aux parties avant l’audience, et que le rapporteur et le représentant du ministère public ne doivent ni participer, ni assister au délibéré en matière juridictionnelle.

Le législateur a, ensuite, par la loi du 28 octobre 2008, parachevé les modifications de la procédure devant le juge des comptes. Les fonctions d’instruction, de poursuite et de jugement sont, ainsi, dorénavant, strictement séparées afin d’assurer l’impartialité de la juridiction financière. La phase d’instruction est assurée par un magistrat rapporteur qui rend un rapport sur l’examen des comptes, lequel est communiqué au ministère public. Si ce dernier ne relève aucun élément de nature à mettre en cause la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, il rend une ordonnance de décharge qui donne quitus au comptable de sa gestion. Dans le cas contraire, il saisit la formation contentieuse. Le président de la formation saisie désigne, alors, un magistrat instructeur chargé de rendre un rapport. La procédure devient, à partir de ce moment, contradictoire, publique et, en partie, orale. Le réquisitoire du ministère public est transmis au comptable qui a accès aux pièces sur lesquelles celui-ci est fondé. Le comptable a, également, accès au rapport, aux conclusions du ministère public et à toutes les productions des parties. La règle du double arrêt, qui conduisait à des délais de jugement très longs, est, par ailleurs, supprimée. Enfin, le délai de prescription de l’action à l’égard des comptables patents est ramené à cinq ans.

A l’issue de l’audience publique au cours de laquelle les comptables ont la possibilité de venir s’exprimer devant les magistrats, la procédure est close par un arrêt. En dehors du cas où aucune charge n’est retenue, la Cour des comptes prononce soit une amende en l’absence de préjudice financier, soit une mise en débet du comptable en cas de préjudice financier, laquelle implique pour celui-ci l’obligation de reverser la dépense irrégulièrement payée ou la recette non recouvrée.

Cette décision peut faire l’objet d’un recours en révision à la demande du comptable mis en débet lorsqu’il peut apporter ultérieurement des justifications qu’il n’avait pu produire lors de l’instance initiale ou d’office à l’initiative de la juridiction concernée en cas d’erreur constatée par celle-ci.

Les décisions de la Cour des comptes peuvent, également, faire l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’Etat : ce recours peut être à l’initiative du comptable, du ministre des Finances ou d’un autre ministre intéressé et du Procureur général près la Cour des comptes. Le juge administratif suprême ne juge pas le fond, mais se borne à apprécier si la Cour a correctement appliqué les règles de droit. Lorsqu’il casse l’arrêt, l’affaire est renvoyée devant la Cour des comptes qui doit statuer en Chambres réunies dans le même sens en se conformant à la chose jugée.

c / La Cour des comptes exerce, également, un contrôle de nature administrative de la gestion, c’est-à-dire du bon emploi des deniers publics, des ordonnateurs des organismes soumis à la comptabilité publique. Ce contrôle a pris une dimension très importante au fil du temps. Initialement réalisé, de manière empirique, au travers des pièces justificatives transmises par les comptables à l’occasion de la production de leurs comptes, ce contrôle s’est, régulièrement, développé au cours du XX° siècle. Il a, d’abord, pris un tour systématique à partir de 1936 avec la transmission trimestrielle et non plus annuelle des ordonnances et mandats de paiement des ordonnateurs, et grâce à la centralisation de ces pièces par ministre et non plus par comptable payeur. La loi du 22 juin 1967 a, par la suite, expressément consacré le contrôle de la gestion opéré par la Cour des comptes en indiquant que cette dernière a pour mission de vérifier sur pièces et sur place la régularité des recettes et des dépenses publiques et de s’assurer du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l’Etat.

Ce contrôle a été étendu à des entités autres que les ordonnateurs : organismes privés bénéficiant de fonds publics en 1939, caisses de sécurité sociale à compter de 1949, entreprises publiques depuis 1976, organismes faisant appel à la générosité publique en 1991, organismes bénéficiant du concours financiers de l’Union européenne à compter de 1996.

Il varie selon l’organisme concerné. Ainsi, à l’égard des services et organismes de l’Etat soumis à la comptabilité publique, la Cour est chargée de veiller à l’observation des règles de comptabilité publique. Elle est, à ce titre, compétente pour statuer sur les comptes rendus par les comptables et pour examiner la qualité de leur gestion, ce dernier incluant le contrôle de la gestion des ordonnateurs.

S’agissant des entreprises publiques, le contrôle effectué par la Cour des comptes consiste en la vérification des comptes et de la gestion. Il est obligatoire ou facultatif selon que l’Etat est actionnaire majoritaire direct ou indirect.

En ce qui concerne les organismes de sécurité sociale, la compétence de la Cour se cantonne aux organismes qui ont la statut d’établissements publics nationaux. En revanche, les caisses régionales et locales sont contrôlées par des comités départementaux d’examen des comptes (CODEC) dont les conclusions sont transmises à la Cour.

Pour les organismes privés bénéficiant de concours publics (subventions, taxes parafiscales, …), le contrôle est facultatif. Lorsqu’il s’opère, il inclut simultanément le contrôle des comptes et de la gestion. Il est, toutefois, limité à l’examen du compte d’emploi du concours financier lorsque ce dernier représente moins de la moitié des ressources totales de l’organisme.

Quant au contrôle des organismes faisant appel à la générosité publique, il porte uniquement sur le compte d’emploi des fonds collectés. La Cour doit, ici, s’assurer que l’utilisation des fonds recueillis correspond aux objectifs déclarés à la préfecture avant le lancement de la campagne.

Dans le cadre de cette mission, la Cour des comptes n’a pas de pouvoir juridictionnel. Elle émet des observations assorties, le cas échéant, de recommandations ou rédige des rapports par lesquels elle informe les autorités compétentes des irrégularités éventuelles qu’elle a pu relever ou des fautes de gestion. Ces observations sont, de nos jours, suivies d’effets la plupart du temps. En cas de constat d’infraction, elle peut, également, saisir la Cour de discipline budgétaire et financière ou même informer le ministre de la Justice si elle découvre des faits de nature à motiver l’ouverture d’une action pénale.

d / La Cour des comptes a, récemment, vu son domaine d’intervention s’étendre à deux nouvelles missions.

La Cour exerce, d’abord, une mission constitutionnelle d’assistance aux pouvoirs publics qui a été nettement enrichie par la LOLF et par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

La LOLF a, ainsi, augmenté le nombre de rapports que la Cour est chargée de remettre au Parlement. Outre le Rapport annuel sur l’exécution des lois de finances, le Rapport annuel au président de la République et le Rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, elle doit, désormais, produire un Rapport préliminaire au Rapport sur l’évolution de l’économie nationale et les orientations des finances publiques présenté par le Gouvernement à l’occasion du débat d’orientation budgétaire et un Rapport de certification des comptes de l’Etat qui accompagne le projet de loi de règlement. Elle doit, par ailleurs, répondre aux demandes d’assistance formulées par le président et le rapporteur général de la commission des finances de chaque assemblée. Elle doit, également, réaliser toute enquête demandée par les commissions des finances sur la gestion des services ou organismes qu’elle contrôle.

La révision constitutionnelle de 2008 a poursuivi dans cette voie. L’article 47 – 2 de la Constitution prévoit, ainsi, que la Cour est, désormais, chargée d’assister le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Le même article énonce l’assistance traditionnelle que la Cour apporte au Parlement et au Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et dans l’application des lois de financement de la sécurité sociale et, c’est une nouveauté, dans l’évaluation des politiques publiques.

La Cour des comptes exerce, ensuite, une mission de contrôle et d’expertise dans le cadre du Haut conseil des finances publiques créé à la suite de l’adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union européenne. Cet organisme est rattaché à la Cour des comptes. Il est présidé par son Premier président et est composé de onze membres dont quatre magistrats de la Cour désignés par le Premier président. Ce Haut conseil est chargé de surveiller le respect des engagements européens, de se prononcer sur les prévisions macroéconomiques qui fondent le programme de stabilité et la trajectoire d’équilibre, ainsi que d’éclairer le législateur et les citoyens, par ses avis rendus publics, sur la crédibilité des prévisions macroéconomiques qui fondent les projets de textes financiers.

B – Le contrôle juridictionnel à compter du 1° janvier 2023

L’ordonnance du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, adoptée sur la base de l’article 168 de la loi de finances pour 2022, institue un régime juridictionnel unifié de responsabilité des gestionnaires publics, comptables comme ordonnateurs (1). Ce nouveau régime, qui s’appliquera à partir du 1° janvier 2023, vise sanctionner les fautes graves en matière d’exécution budgétaire (2) et relèvera d’une chambre spéciale de la Cour des comptes (3).

1 – Les acteurs relevant du nouveau régime

L’ordonnance de 2022 met fin à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics. Elle institue, en lieu et place, un régime de responsabilité qui concerne tous les gestionnaires publics, c’est-à-dire les comptables publics comme les ordonnateurs. Il s’applique, plus généralement à toutes les personnes impliquées dans le processus d’exécution budgétaire, à savoir : les fonctionnaires et agents publics civils et militaires, les membres des cabinets, les représentants, administrateurs et agents des organismes soumis au contrôle des juridictions financières.

En revanche, les élus locaux comme les ministres bénéficient, comme par le passé, d’une large irresponsabilité financière, puisqu’ils demeurent en dehors du champ d’application du nouveau régime. Il n’est fait exception à ce principe, pour les ministres, qu’en cas de gestion de fait et, pour les élus locaux, qu’en cas d’inexécution d’une décision de justice entraînant le prononcé d’une astreinte, de gestion de fait ou lorsqu’ayant fait usage de leur pouvoir de réquisition, ils procurent à une personne morale, à autrui ou à eux-mêmes un avantage injustifié par intérêt personnel direct ou indirect.

2 – Les fautes sanctionnables

Le régime mis en place par l’ordonnance du 23 mars 2022 vise à réserver l’intervention du juge financier aux infractions les plus graves et renvoie la sanction des fautes purement formelles ou procédurales à un régime de responsabilité d’ordre managérial. A cette fin, l’ordonnance établit une liste d’infractions sanctionnables. Trois grandes composantes peuvent être relevées.

La plus importante est l’infraction aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens de l’Etat, des collectivités, établissements et organismes soumis au contrôle des juridictions financières dès lors qu’elles constituent « une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif ». Cette infraction générique peut être sanctionnée par le prononcé d’une amende dont le maximum ne peut pas excéder six mois de rémunération de la personne faisant l’objet de la sanction. Cette amende peut être proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées et à l’importance du préjudice causé à l’organisme.

L’ordonnance de 2022 dresse, ensuite, une liste d’infractions pouvant faire l’objet de poursuites : la faute de gestion (carence, omission, négligence, …) au sein d’un établissement public à caractère industriel et commercial ; l’octroi d’un avantage injustifié à autrui, à soi-même ou à toute personne morale par intérêt personnel direct ou indirect ; la gestion de fait ; l’inexécution d’une décision de justice entraînant le prononcé d’une astreinte ; tout agissement ayant pour effet de faire échec à une procédure de mandatement d’office ; les négligences des titulaires d’emplois de direction. Ces infractions encourent la même sanction que l’infraction générique.

S’ajoutent à ces infractions de fond trois infractions formelles : l’absence de production des comptes, l’engagement d’une dépense sans respecter les règles de contrôle budgétaire, l’engagement d’une dépense sans avoir reçu de délégation à cet effet. Pour ces infractions, l’amende ne peut excéder un mois de rémunération.

Il convient de noter que le justiciable ne sera pas passible de sanctions s’il n’a fait que se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique ou de toute personne habilitée ou s’il peut exciper d’un ordre écrit émanant d’une autorité non justiciable.

Le cadre juridique ainsi posé apparaît contraignant et laisse peu de marge de manœuvre au juge financier. Par exemple, s’agissant de l’infraction générique, la faute grave doit être associée à un préjudice financier et celui-ci doit, de surcroît, être significatif. Le but semble avoir été de limiter les cas d’engagement de cette responsabilité. L’avenir permettra de déterminer si le juge financier parviendra à s’affranchir du cadre juridique ainsi posé.

3 – Les instances juridictionnelles en charge du nouveau régime

Afin de contrôler le respect de ce nouveau régime de responsabilité, une nouvelle organisation juridictionnelle est mise en place. C’est, ainsi, que l’ordonnance du 23 mars 2022 supprime la Cour de discipline budgétaire et financière qui était chargée du contrôle des ordonnateurs. Les chambres régionales des comptes perdent, par ailleurs, leurs compétences juridictionnelles.

Le nouveau régime sera mis en œuvre par la chambre du contentieux de la Cour des comptes créée par le décret du 18 mai 2021. Celle-ci sera composée de magistrats de la Cour des comptes et des Chambres régionales des comptes. Elle sera seule compétente en première instance pour juger la responsabilité financière des gestionnaires publics.

L’appel relèvera d’une Cour d’appel financière conduite par le premier président de la Cour des comptes. Elle sera composée de quatre conseillers d’Etat, de quatre conseillers maîtres à la Cour des comptes et de deux personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre en raison de leur expérience dans le domaine de la gestion publique. Le Conseil d’Etat restera la juridiction de cassation.

III - Les contrôles politiques

Le contrôle du Parlement sur l’exécution de la loi de finances s’est vu revalorisé depuis une vingtaine d’années. Il intervient en cours d’exécution du budget (A) et postérieurement au travers du vote de la loi de règlement (B).

A – Le contrôle en cours d'exécution budgétaire

Ce contrôle est, essentiellement, réalisé par les commissions des finances grâce à des prérogatives que la LOLF a sensiblement revalorisé. Ainsi, selon l’article 57 de la loi organique, les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat suivent et contrôlent l’exécution des lois de finances d’une part et, c’est la nouveauté, procèdent à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques d’autre part. A ce titre, les présidents des commissions, les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux ont la possibilité de contrôler sur pièces et sur place l’emploi des crédits et de procéder à toutes auditions qu’ils jugent utiles. Ces pouvoirs sont assortis d’un droit de communication de tout renseignement ou document. La loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a renforcé ces prérogatives. Ainsi, les commissions des finances peuvent solliciter les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes pour l’obtention d’informations relatives aux finances publiques. Par ailleurs, leur président et leur rapporteur général peuvent accéder aux données fiscales couvertes par le secret statistiques.

Depuis la loi organique, les commissions des finances doivent, par ailleurs, être obligatoirement informées ou sollicitées pour avis en ce qui concerne les modifications apportées aux crédits en cours d’exécution (virements, transferts, décrets d’avance, …).

Les commissions des finances peuvent, également, dans le cadre de ce contrôle, demander l’assistance de la Cour des comptes : demande d’assistance en matière de contrôle et d’évaluation, demande d’enquête, notamment.

Enfin, a été créée en 1999 au sein de la commission des finances de l’Assemblée nationale la Mission d'évaluation et de contrôle dont le but est de réorienter l’activité budgétaire vers les fonctions d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.

B – Le contrôle a posteriori : la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année

Il s’agit, là, du nouveau nom donné à la loi de règlement par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Ce changement d’appellation vise à mettre l’accent sur l’objet principal de cette catégorie de loi de finances, à savoir l’évaluation des résultats de la gestion du Gouvernement dans la mise en œuvre des politiques publiques telles que financées par l’autorisation parlementaire.

Cette loi pour objet de rendre compte des résultats de l’exécution budgétaire de l’année précédente (1). Elle constitue, ainsi, un instrument précieux d’aide à la décision pour le budget suivant. Ainsi, s’explique que la LOLF en ait remanié le régime pour en réhausser le rôle (2).

1 – L’objet de la loi

Ce type de loi permet un contrôle a posteriori de l’exécution du budget. Institué sous la Restauration par une loi du 15 mai 1818, ce contrôle représentait un acte politique très important à l’époque, car la « loi des comptes » était l’une des rares occasions par laquelle le Parlement pouvait porter un jugement sur la politique du Gouvernement. Cette procédure a, ensuite, perdu de son intérêt avec l’installation progressive du pouvoir parlementaire. Elle s’est, en effet, révélée être une simple formalité annuelle. Ce n’est qu’avec la LOLF qu’elle a fait l’objet d’une revalorisation importante.

Cette loi a, principalement, pour objet d’arrêter le montant définitif des recettes et des dépenses du budget de l’année précédente et le résultat budgétaire (déficit ou excédent) qui en découle (art. 37 de la LOLF). Le Parlement peut, ainsi, examiner les résultats effectifs de l’exécution des lois de finances qu’il a initialement votées (et la différence avec ce qui était prévu) et en tirer, ensuite, des informations essentielles pour la discussion du budget de l’année suivante.

Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, ce type de loi présente, également, un volet « Performances » qui permet au Parlement de contrôler et d’évaluer la qualité de la gestion des politiques publiques menées. Ce contrôle s’opère, principalement, grâce aux Rapports annuels de performances (RAP) qui permettent de comparer, par programme, les résultats obtenus avec les objectifs qui avaient été fixés, au départ, dans les Projets annuels de performances.

Par ces deux volets, la loi de règlement (à présent loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année) permet de satisfaire une exigence démocratique à l’égard du citoyen et de ses représentants, mais aussi de l’usager et du contribuable. C’est également une contrepartie de la liberté de gestion dévolue par la LOLF aux gestionnaires.

2 – Le régime juridique de la loi

Ce régime a été profondément remanié par la LOLF dans le sens d’une revalorisation du rôle de cette catégorie de loi de finances.

La loi organique a, d’abord, introduit le principe du « chaînage vertueux » en optimisant la place de cette loi dans le processus de décision budgétaire. Son article 46 prévoyait, ainsi, que ce texte devait être déposé avant le 1° juin de l’année suivant celle de l’exécution du budget auquel il se rapporte. Cette date a, ensuite, été avancée au 1° mai par la loi organique du 28 décembre 2021 afin de donner plus de temps aux parlementaires pour se consacrer à leurs travaux d’évaluation et de contrôle. Dans le même sens, l’article 41 de la LOLF prévoit que le projet de loi de finances initiale ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote en première lecture du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année afférent au dernier exercice clos. Le but de ce dispositif est de permettre au Parlement de contrôler les résultats de l’exécution budgétaire de l’année passée avant de procéder à la discussion du budget de l’année suivante.

La loi organique de 2001 a, également, élargi le contenu de cette catégorie de loi de finances (art. 37 de la LOLF). En effet, outre le fait d’arrêter le résultat de l’exécution de l’année précédente, elle fixe le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l’équilibre financier. Sur le plan comptable, elle permet aux parlementaires d’approuver le compte de résultat de l’exercice, d’affecter le résultat au bilan et d’approuver ce dernier.

Depuis la loi organique du 17 décembre 2012, ce type de loi de finances contient, également, une information d’ensemble sur les finances publiques : un article liminaire présente, en effet, notamment, le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques à l’issue de l’exécution.

La loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année s’accompagne, enfin, d’un ensemble d’annexes budgétaires destinées à l’information des parlementaires (art. 54 de la LOLF) : outre les RAP, l’on trouve, notamment, des annexes explicatives développant, par programme ou par dotation, le montant définitif des crédits ouverts et des dépenses constatées, une annexe explicative présentant les recettes et les dépenses effectives du budget en sections de fonctionnement et d’investissement ou, encore, l’avis du Haut conseil des finances publiques. Le texte est, également, accompagné de deux rapports de la Cour des comptes : le rapport sur les résultats de l’exécution de l’exercice antérieur et le rapport de certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’Etat.