Introduction
Les finances publiques sont régies par un ensemble de principes budgétaires destinés, classiquement, à satisfaire un objectif de régularité juridique des décisions financières et, depuis peu, à garantir une saine gestion des budgets publics. Ces principes conçus, au départ, pour les finances de l’Etat ont été transposés aux finances locales en suivant deux grandes directions.
La première a été celle d’une application à l’identique de ce qui a cours pour les finances de l’Etat. Il en est allé ainsi à deux points de vue. D’abord, celui des objectifs poursuivis qui sont similaires dans les deux cas. Ensuite, celui des aménagements dont font l’objet ces principes sur le plan national et que l’on trouve en matière de finances locales.
La seconde a été celle d’une approche spécifique aux finances locales. Certains principes font, en effet, l’objet d’aménagements plus prononcés lorsqu’il s’agit des budgets locaux. D’autres, à l’inverse, se voient reconnaître une portée plus contraignante que sur le plan national.
Les principes budgétaires appliqués aux finances locales peuvent, donc, être appréhendés sous ce double prisme : celui d’une approche à l’identique des finances de l’Etat (I) et celui d’une approche spécifique aux finances locales (II).
I - Des principes pensés à l'identique des finances de l'Etat
Les principes budgétaires applicables aux finances locales sont conçus à l’identique de ceux qui s’appliquent aux finances de l’Etat. Ils ont, en effet, le même objectif, permettre un contrôle réel et régulier des affaires financières de la collectivité par son assemblée (A), et connaissent des aménagements similaires (B).
A - Des principes qui visent les mêmes objectifs
A l’instar des principes applicables aux finances de l’Etat, les principes budgétaires locaux ont pour but de permettre à l’assemblée délibérante d’avoir une connaissance détaillée et transparente du budget proposé au vote. Ce contrôle étroit et constant s’effectue, ici aussi, par l’entremise de quatre grands principes.
Le principe d’annualité impose, d’abord, que le budget local soit voté pour une année : en d’autres termes, son vote doit avoir lieu avant le 1° janvier et l’exercice budgétaire doit être de 12 mois (du 1° janvier au 31 décembre). Le but est d’offrir aux assemblées locales la capacité de contrôler, de manière régulière, les finances de la collectivité.
Le principe d’unité implique, lui, que le budget recense l’ensemble des recettes et des dépenses de la collectivité et que celles-ci soient rassemblées dans un document unique, de manière que l’assemblée se prononce en connaissance de cause et puisse s’assurer que le budget est bien voté en équilibre.
Le principe d’universalité recoupe, quant à lui, deux sous-principes. Le principe de non-compensation d’abord : celui-ci impose de présenter un budget brut et non net, ce qui interdit d’opérer des compensations entre les recettes et les dépenses et permet à l’assemblée d’avoir une connaissance détaillée de toutes les opérations financières prévues. Le principe de non-affectation ensuite : celui-ci conduit à affecter l’ensemble des recettes au financement de l’ensemble des dépenses, sans qu’il y ait de corrélation entre certaines recettes et certaines dépenses.
Enfin, le principe de spécialité budgétaire consiste à individualiser la destination des crédits budgétaires. Il permet d’informer les assemblées locales sur l’usage des dépenses décidées et facilite le suivi budgétaire et le contrôle. En matière locale, la spécialisation se fait par section, chapitre et article, le vote pouvant intervenir au niveau du chapitre ou des articles.
Si ces principes ont les mêmes objectifs sur le plan local qu’au niveau national, ils connaissent, aussi, des aménagements identiques.
B - Des principes qui connaissent des aménagements similaires
Comme en matière de finances de l’Etat, les quatre grands principes évoqués connaissent une ou plusieurs dérogations. Celles-ci visent à simplifier les procédures ou à améliorer la gestion budgétaire. Bon nombre de celles qui existent au niveau national trouvent une traduction sur le plan local.
C’est, ainsi, que le principe d’annualité n’interdit pas aux collectivités d’user d’instruments de pluriannualité budgétaire. Elles peuvent, à ce titre, recourir au système des autorisations de programme en matière d’investissement et à celui des autorisations d’engagement en matière de fonctionnement : ces outils permettent à l’ordonnateur d’engager juridiquement la collectivité sur plusieurs années. Par ailleurs, des décisions modificatives permettent de modifier le budget primitif en cours d’année, tandis que le budget supplémentaire contient le report de l'excédent ou du déficit de l'exercice précédent. Ces mécanismes permettent de prendre en compte le fait que les prévisions, aussi sincères soient-elles, ne peuvent pas être parfaitement exactes.
Le principe d’unité connait, également, deux grandes dérogations. La première concerne les budgets annexes : ces budgets permettent une présentation individualisée d'opérations industrielles et commerciales et servent à financer des activités exercées par des services non dotés de la personnalité morale qui relèvent directement de la collectivité. L’on peut citer, comme exemple, le service de gestion de l’eau. La seconde a trait aux budgets autonomes : ces budgets sont destinés à financer des services qui sont dotés tant de la personnalité juridique que de l'autonomie financière et qui sont, ainsi, distincts de la collectivité.
Les aménagements au principe d’universalité concernent, essentiellement, les budgets annexes. Ceux-ci entravent, d’abord, la règle de non-compensation des recettes et des dépenses par le fait que seul leur solde est présenté dans le budget de la collectivité. Ces budgets impliquent, ensuite, de fait, une affectation de recettes en raison de la gestion commerciale qui les caractérise.
Enfin, le principe de spécialité connaît deux types d’aménagements similaires à ceux que l’on retrouve au niveau national. Il y a, d’abord, les crédits pour dépenses imprévues : ceux-ci peuvent être ouverts dans la limite de 7,5 % du montant des dépenses réelles de chaque section. La destination des crédits votés par l’assemblée délibérante peut, ensuite, être modifiée par des virements : ainsi, hors le cas où les crédits sont spécialisés par article, l’Exécutif local peut effectuer des virements d’article à article au sein d’un même chapitre.
Si ces lignes attestent que les principes budgétaires applicables aux finances locales sont de la même veine que ceux applicables aux finances de l’Etat, d’autres éléments permettent, en revanche, de considérer que ces principes font, l’objet, à d’autres égards, d’une approche proprement locale.
II - Des principes pensés spécifiquement pour les finances locales
L’examen des principes budgétaires locaux atteste que ceux-ci sont, également, conçus spécifiquement pour les finances locales : en effet, certains principes font l’objet de dérogations qui sont propres aux budgets locaux (A) quand d’autres sont dotés d’une autorité plus contraignante que sur le plan national (B).
A - Des principes qui souffrent des dérogations plus marquées
Certains principes connaissent, en matière de finances locales, des aménagements plus prononcés que sur le plan national. Il en va ainsi, essentiellement, du principe d’annualité et, de manière plus limitée, du principe d’universalité.
Le principe d’annualité connaît, ainsi, des aménagements qui concernent ses deux composantes. D’abord, la règle d’antériorité est battue en brèche par le fait que les budgets locaux sont votés postérieurement au 1° janvier de l’année qu’ils concernent. Cette situation s’explique par le fait qu’une partie importante de ces budgets dépend étroitement des différentes dotations étatiques et des dispositions fiscales contenues dans la loi de finances. Aussi, les collectivités doivent attendre son vote afin de pouvoir élaborer leur budget. Il s’ensuit que les budgets locaux peuvent être adoptés jusqu'au 15 avril ou jusqu'au 30 avril l'année du renouvellement des organes délibérants. Entre-temps, durant la période qui s'échelonne entre le 1° janvier et le jour de l'adoption du budget, un système de mesures provisoires permet l’exécution de certaines recettes et de certaines dépenses. En matière de fonctionnement, l'exécutif peut, ainsi, sans autorisation du conseil, effectuer les opérations de recettes et de dépenses dans la limite de celles du budget de l'année précédente. En matière d'investissement, il peut, avec l'autorisation du conseil, effectuer les opérations de dépenses d'investissement dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l'année précédente.
La seconde règle, qui prévoit un exercice budgétaire s’échelonnant du 1° janvier au 31 décembre, connaît un aménagement avec ce que l’on appelle la « journée complémentaire ». Ce dispositif permet aux collectivités, uniquement pour la section de fonctionnement et jusqu'au 31 janvier de l’année N + 1, de rattacher à l'année N des opérations pourtant encaissées en N + 1.
Quant au principe d’universalité, qui commande, notamment, que l’ensemble des recettes financent l’ensemble des dépenses, il voit les affectations de recettes être plus nombreuses sur le plan local : en effet, certaines taxes, comme la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères, font l'objet d'une affectation spécifique.
A l’inverse, certains principes apparaissent plus contraignants sur le plan local.
B - Des principes plus contraignants
Deux principes budgétaires apparus récemment bénéficient d’une autorité renforcée en matière de finances locales. Il s’agit du principe de sincérité budgétaire et du principe d’équilibre budgétaire.
Le principe de sincérité budgétaire impose d’une part que les ressources et les charges soient évaluées de façon sincère et d’autre part que les comptes de le collectivité donnent une image fidèle du résultat de sa gestion, de son patrimoine et de sa situation financière (art. 47 – 2 al. 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 pour cette seconde composante). Ce principe est apprécié différemment selon que sont en cause les dépenses ou les recettes : s’agissant des premières, il y aura méconnaissance dudit principe en cas de non-inscription au budget de certaines dépenses obligatoires ; quant aux secondes, il y a insincérité dès lors que leur existence ou leur montant est incertain. Ce principe apparait plus contraignant au niveau local qu’au niveau national : en effet, les conséquences de sa méconnaissance sont plus importantes dans la première hypothèse que dans la seconde.
Le principe d’équilibre budgétaire voit, lui, son respect être une condition de légalité des délibérations budgétaires : cette situation s’explique par le fait qu’en cas de déficit du budget de la collectivité, c’est l'Etat qui serait appelé en garantie. Il implique un équilibre réel, c’est-à-dire un équilibre entre les recettes et les dépenses des collectivités, ainsi qu’entre les différentes parties du budget (sections de fonctionnement et d’investissement). Il s’apprécie au niveau du solde prévisionnel et du solde d’exécution.
Dans la première hypothèse, ce principe implique que les budgets primitif et supplémentaire soient votés en équilibre réel : plus précisément, les sections de fonctionnement et d’investissement doivent, chacune, être votées en équilibre, les recettes devant couvrir l’ensemble des dépenses. Pour la section de fonctionnement, l’équilibre a une signification supplémentaire : cette section ne peut pas, en effet, être financée par l’emprunt. En revanche, elle peut dégager un excédent, dès lors qu’il est affecté au financement de la section d’investissement. En cas de déficit prévisionnel, le préfet peut saisir le Chambre régionale et territoriale des comptes (CRTC) qui proposera, alors, des mesures pour rétablir l’équilibre. Si celles-ci ne sont pas suivies d’effets, le budget sera réglé et rendu exécutoire par le représentant de l’Etat.
Dans la seconde hypothèse, le juge des comptes, devra, si le déficit du compte administratif est trop important (plus de 10 % des recettes de la section de fonctionnement pour les communes de moins de 20 000 habitants et plus 5 % pour les grandes communes, les départements et les régions) et sur saisine du préfet, faire des propositions afin d’y remédier. Si le déficit subsiste, le préfet pourra être autorisé par la CRTC à régler d’office le budget primitif de l’exercice suivant.
Avec une telle autorité, le principe d’équilibre budgétaire est à même de remplir sa mission première qui celle d’une saine gestion financière. Les principes budgétaires locaux recouvrent, ainsi, à l’instar de ceux qui s’appliquent aux finances de l’Etat, les deux finalités des finances publiques contemporaines : une exigence de régularité juridique et un impératif de lutte contre les déficits publics.
