Le guide du syllogisme
Les principes du syllogisme
Le syllogisme juridique est l’instrument principal qu’utilise le juriste pour construire un raisonnement. En effet, le syllogisme juridique est partout : il permet de résoudre un problème juridique, de comprendre une décision de justice, de rédiger une réflexion et donc, fondamentalement, de convaincre.
Le syllogisme est un raisonnement déductif : il part du général pour aller vers le particulier. Aussi, il ne suppose en principe aucune création : les prémisses données dans le premier temps permettent de déduire la solution à apporter.
Le syllogisme repose sur trois temps distincts.
N° 1 : Le premier temps du syllogisme consiste en une proposition principale, appelée la « majeure ». Cette proposition principale rappelle la teneur et les conditions de la règle générale de droit à appliquer. Il ne s’agit donc pas de reprendre l’ensemble des règles de droit potentiellement applicables (qui figurent dans les codes, dans les cours, dans les manuels…), mais bien de déterminer la ou les règles qui vont servir à la résolution du cas présenté.
L’étape de la qualification (v. fiche « Le vocabulaire et la qualification juridiques ») et de la problématisation de la situation proposée est donc essentielle. Il faut déterminer quelle est la qualité des personnes intervenant dans le cas (époux, commerçant, contractant, usager…), la nature des faits ou de l’acte en cause. Il faut ensuite poser la bonne question de droit.
N° 2 : Le deuxième temps du syllogisme consiste en une proposition particulière, appelée la « mineure ». Cette proposition spécifique rappelle les faits de l’espèce, qui sont concrets et particuliers, afin de leur appliquer la règle de droit générale présentée en « majeure ».
Cette étape est la plus importante : la règle de droit, générale et impersonnelle, doit être confrontée aux éléments de fait présentés. Plusieurs écueils sont à éviter : la mineure n’est ni une répétition des faits de l’énoncé, ni une répétition de la règle de droit exposée en majeure. Elle est une étape à part entière, en ce qu’elle permet de concrétiser la règle de droit et de discuter de son application (conditions, critères, exceptions, interprétation, etc.).
N° 3 : Le troisième temps du syllogisme consiste en une proposition finale, appelée la « conclusion ». Elle est la résolution du problème juridique, qui est déduite de l’application faite de la majeure à la mineure. La conclusion est donc la suite logique et finale de la majeure et de la mineure. Si ce n’est pas le cas, c’est que le syllogisme a été mal réalisé.
Des exemples de syllogisme
Exemple 1 : syllogisme sur la distinction personnes / choses.
1. Majeure : En droit, tout ce qui n’est pas qualifié juridiquement comme étant une « personne » tombe dans la catégorie résiduelle des « choses ».
2. Mineure : En l’espèce, aucun texte ne qualifie le chien comme étant une « personne ».
3. Conclusion : Donc les chiens sont des « choses ».
Il a été dit que le syllogisme est un outil de raisonnement ; il est mobilisé dans un exercice classique des études juridiques : le cas pratique. Ainsi, le syllogisme permet de répondre au problème posé par un énoncé.
Exemple 2 : Maria souhaite se marier avec Médor, son chien.
1. Qualification : Une personne physique veut se marier avec un animal domestique.
2. Problématisation : Une personne physique peut-elle se marier avec un animal domestique ?
3. Majeure : En droit, tout ce qui n’est pas qualifié juridiquement comme étant une « personne » tombe dans la catégorie résiduelle des « choses ». Or, en vertu de l’article 143 du Code civil, le mariage est contracté entre « deux personnes ».
4. Mineure : En l’espèce, aucun texte ne qualifie le chien comme étant une « personne ».
5. Conclusion : Donc Maria ne pourra pas se marier avec son chien.
Le syllogisme peut être simple ou complexe, en fonction de la règle de droit et/ou des faits auxquels elle a vocation à s’appliquer. Les exercices présentés permettent de se familiariser progressivement avec le syllogisme, qui sera à chaque fois inséré dans un cas pratique simple. Pour chaque palier de difficulté, un cas en droit civil des contrats, en droit administratif et en droit de la responsabilité sera proposé.
Énoncé des cas pratiques
Résolvez ces différents cas à l’aide d’un raisonnement syllogistique
I - Cas simples
1 - Julie achète une montre à un vendeur professionnel. Elle se rend compte après coup que la montre ne lui plaît plus. Peut-elle invoquer l’erreur pour annuler le contrat ?
2 - Le maire de la commune décide de fermer indéfiniment l’accès au parc municipal, sans justification. Une association souhaite saisir le juge d’un référé-liberté. Est-ce qu’une liberté est bien violée ici ?
3 - Sacha pousse Camille dans les escaliers. Camille se casse une jambe. Camille peut-elle obtenir réparation de son préjudice ?
II - Cas intermédiaires
1 - Sophie achète un tableau au prix fort, pensant qu’il s’agit d’un original d’un artiste local. Le vendeur professionnel n’avait pas précisé l’authenticité du tableau. Après expertise, le tableau s’avère être une copie sans valeur.
2 - Une famille de nationalité étrangère en situation irrégulière reçoit une décision d’éloignement à exécution immédiate. L’administration prévoit d’expulser toute la famille dès le lendemain matin.
3 - Maître G. reçoit un couple souhaitant acheter une maison. Parmi les documents, figure un arrêté municipal de péril imminent, émis il y a trois mois. Maître G. ne signale pas cette information aux acquéreurs. Un an plus tard, des travaux urgents sont nécessaires. Le couple découvre alors l’existence de l’arrêté municipal.
III - Cas complexes
1 - Maxime souhaite lancer un commerce de vente de drogues en tous genres. Il rencontre Monsieur Bonselle, propriétaire d’une petite camionnette, idéale pour commencer son activité de vendeur itinérant. Le prix est fixé à 46 000€, avec un compteur affichant 200 000 km. La vente est conclue. En se rendant au garage pour effectuer une petite révision, Maxime tombe des nues : le compteur a été trafiqué, il indique en réalité 700 000 km !
2 - Une mystérieuse épidémie touche une partie des enfants du centre-ville. Dans l’attente de connaître l’origine de cette épidémie, le maire décide d’imposer une interdiction pure et simple de circuler à l’encontre des enfants âgés de 2 à 18 ans, les interdisant de rentrer et de sortir du centre-ville « jusqu’à nouvel ordre ». Myriam est bien embêtée : elle doit participer demain à un championnat départemental d’équitation et ne peut s’y rendre, malgré les tests effectués attestant de sa bonne santé. Quid juris ?
3 - Yann et Yvanna ont pris l’habitude de jouer au football dans une zone de chantier, située à côté de leur école élémentaire, au milieu des tractopelles, des gravats et des barbelés. Leurs parents prennent connaissance de leurs escapades quotidiennes et souhaitent obtenir des dommages et intérêts de la part du maître d’ouvrage qui n’a pas clôturé la zone pour protéger les enfants.
I - Cas simples
Les trois premiers cas présentés sont des cas dits « simples ». Les faits sont courts, sans piège afin de faciliter l’étape de qualification. Le problème de droit est facilement identifiable, car il est déjà formulé. Une seule règle de droit doit être mobilisée pour le résoudre.
1 - Julie achète une montre à un vendeur professionnel. Elle se rend compte après coup que la montre ne lui plaît plus. Peut-elle invoquer l’erreur pour annuler le contrat ?
Qualification : Un acquéreur, personne physique, achète un objet à un vendeur professionnel, personne physique. L’acquéreur souhaite annuler le contrat de vente, car l’objet ne lui plaît plus.
Problématisation : Un acquéreur peut-il annuler un contrat sur le fondement des vices du consentement en invoquant que l’objet du contrat ne lui plaît pas ?
Majeure : L’article 1128 du Code civil pose trois conditions pour qu’un contrat soit valable : les parties au contrat doivent être capables, leur consentement doit être libre et éclairé, et le contenu du contrat doit être licite et certain.
Un consentement libre et éclairé signifie que les parties ont eu toutes les informations nécessaires à la conclusion du contrat, sans avoir été contraint de contracter. Dans le cas contraire, le contractant peut invoquer l’erreur, le dol ou la violence pour annuler le contrat.
Mineure : En l’espèce, Julie ne semble pas avoir acheté sous la contrainte du vendeur. De plus, elle n’indique pas que des informations lui auraient été cachées. Elle a simplement changé d’avis.
Conclusion : Le consentement de Julie est libre et éclairé. Le contrat est donc valable et ne peut pas être annulé sur le fondement des vices du consentement.
2 - Le maire de la commune décide de fermer indéfiniment l’accès au parc municipal, sans justification. Une association souhaite saisir le juge d’un référé-liberté. Est-ce qu’une liberté est bien violée ici ?
Qualification : Une décision administrative (ici un arrêté municipal) est prise.
Problématisation : Est-il possible de s’y opposer par référé-liberté ?
Majeure : En droit, l’article L. 521-2 du Code de justice administrative permet à tout usager d’obtenir du juge des référés « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ». Le référé est une procédure d’urgence et le juge doit statuer dans les 48h.
Plusieurs conditions sont nécessaires à l’exercice du référé-liberté :
1/ La décision attaquée doit porter atteinte à une liberté fondamentale ;
2/ L’atteinte doit être grave et manifestement illégale ;
3/ Le demandeur doit apporter la preuve de l’urgence à suspendre la décision.
Mineure : En l’espèce, la décision du maire porte atteinte à la liberté d’aller et venir, qui est une liberté fondamentale (art. 4 DDHC). Il y a une atteinte grave à cette liberté, dès lors que l’interdiction d’accéder au parc n’est pas définie dans le temps et n’est pas justifiée.
Conclusion : En conclusion, il existe bien une atteinte à une liberté fondamentale, permettant sous certaines conditions d’ouvrir la voie à un référé-liberté.
3 - Sacha pousse Camille dans les escaliers. Camille se casse une jambe. Camille peut-elle obtenir réparation de son préjudice ?
Qualification : Une victime, personne physique, subit un dommage en raison du fait d’une autre personne physique.
Problématisation : La victime peut-elle engager la responsabilité délictuelle pour faute de l’auteur du fait ?
Majeure : En droit, l’article 1240 du Code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». En d’autres termes, la responsabilité délictuelle d’une personne est engagée lorsque cette dernière a commis une faute, qui a eu pour conséquence la création d’un dommage.
Mineure : En l’espèce, la faute est constituée par l’action positive de Sacha, qui a poussé Camille. Il y a bien un dommage (Camille s’est cassé la jambe), qui a entraîné un préjudice (économique et moral). Le dommage a bien été causé par l’acte malveillant de Sacha.
Conclusion : Camille pourra engager la responsabilité délictuelle pour faute de Sacha.
II - Cas intermédiaires
Les trois cas intermédiaires introduisent une complexité, soit dans les faits (plus longs, comportant des précisions, plus de parties, etc.), soit dans la résolution de la règle de droit (des exceptions doivent être mobilisées, plusieurs conditions doivent être énumérées, etc.), soit encore parce que le problème est moins visible (non formulé).
La rédaction du cas devient aussi plus fluide : il n’est plus nécessaire de faire référence aux différentes étapes du raisonnement. Toutes doivent être liées pour faire apparaître la logique d’ensemble.
1 - Sophie achète un tableau au prix fort, pensant qu’il s’agit d’un original d’un artiste local. Le vendeur professionnel n’avait pas précisé l’authenticité du tableau. Après expertise, le tableau s’avère être une copie sans valeur.
Un acquéreur, personne physique, achète un tableau à un vendeur professionnel, personne physique. Le tableau s’avère être une copie. L’acquéreur peut-il demander l’annulation du contrat sur le fondement des vices du consentement, et si oui, lequel ?
En droit, l’article 1128 du Code civil indique qu’un contrat est valable notamment lorsque le consentement des parties est libre et éclairé.
L’erreur sur la réalité de la chose objet du contrat, c’est-à-dire la fausse représentation de cet objet, peut conduire à l’annulation du contrat. Plusieurs conditions doivent être réunies. L’article 1130 du Code civil exige que l’erreur soit déterminante du consentement de la partie dont le consentement a été vicié, c’est-à-dire qu’elle soit de telle nature que, sans elle, « l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ».
L’article 1132 du Code civil exige que l’erreur porte sur une qualité essentielle de la chose. L’article 1133 du Code civil définit la qualité essentielle comme celle qui a été « expressément ou tacitement » convenue entre les parties et en considération de laquelle « les parties ont contracté ».
L’erreur est ici non imputable au vendeur, il n’est donc pas nécessaire d’envisager le dol.
En l’espèce, Sophie achète un tableau qu’elle croit être d’un artiste local. Elle apprend que ce n’est pas le cas. Il y a donc bien une dissociation entre la croyance projetée sur l’objet et la réalité : il y a une erreur.
Mais il faut que cette erreur soit déterminante et qu’elle porte sur les qualités essentielles de la chose. L’erreur est ici déterminante car ce qui a motivé l’achat est bien la renommée de l’artiste. Si l’acquéreur avait su que le tableau était une copie, elle n’aurait pas acheté. L’erreur porte ici sur les qualités essentielles, car c’est parce qu’il s’agissait d’un tableau authentique qu’elle l’a acquis.
En conclusion, il y a bien eu une erreur sur les qualités essentielles du tableau. Sophie peut demander l’annulation du contrat.
2 - Une famille de nationalité étrangère en situation irrégulière reçoit une décision d’éloignement à exécution immédiate. L’administration prévoit d’expulser toute la famille dès le lendemain matin.
Une décision administrative est prise à l’encontre d’une famille. Est-il possible de s’y opposer rapidement par référé-liberté ?
En droit, l’article L. 521-2 du Code de justice administrative permet à tout usager d’obtenir du juge des référés « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ». Le référé est une procédure d’urgence et le juge doit statuer dans les 48h.
Plusieurs conditions sont nécessaires à l’exercice du référé-liberté :
1/ La décision attaquée doit porter atteinte à une liberté fondamentale ;
2/ L’atteinte doit être grave et manifestement illégale ;
3/ Le demandeur doit apporter la preuve de l’urgence à suspendre la décision.
En l’espèce, le droit au respect de la vie privée et familiale de la famille menacée d’expulsion est bien menacé (art. 8 CEDH). L’expulsion porte une atteinte grave à ce droit, même si le caractère manifestement illégal demeure à prouver. Enfin, il y a bien une urgence à agir, car l’expulsion doit être réalisée sous 24h (« le lendemain »).
En conclusion, la procédure de référé-liberté semble bien adaptée à la situation. Sous réserve de la condition d’une illégalité manifeste, le juge pourra suspendre l’exécution immédiate.
3 - Maître G. reçoit un couple souhaitant acheter une maison. Parmi les documents, figure un arrêté municipal de péril imminent, émis il y a trois mois. Maître G. ne signale pas cette information aux acquéreurs. Un an plus tard, des travaux urgents sont nécessaires. Le couple découvre alors l’existence de l’arrêté municipal.
Un notaire instrumente l’achat d’une maison. Il omet d’informer les acquéreurs sur un risque de péril imminent. Le risque se réalise. Les acquéreurs peuvent-ils rechercher la responsabilité délictuelle du notaire ?
En droit, l’article 1240 du Code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». En d’autres termes, la responsabilité délictuelle d’une personne est engagée lorsque cette dernière a commis une faute, qui a eu pour conséquence la création d’un dommage.
La faute peut s’entendre soit d’un acte positif contraire aux diligences habituelles, mais également d’une omission, d’une abstention ou d’une négligence, sur le fondement de l’article 1241 du Code civil.
En l’espèce, le notaire a commis une abstention ou une négligence : il n’a pas correctement informé les acquéreurs du risque qui pesait sur l’immeuble litigieux. Il y a donc bien une faute de la part du notaire.
Le lien de causalité est plus difficile à appréhender. En effet, ce n’est pas la faute du notaire qui entraîne la réalisation du péril imminent. Toutefois, la faute du notaire a empêché le couple de se désister de la vente ou, a minima, de négocier le prix de vente pour prendre en compte les futures réparations.
Dans cette optique, le couple a bien subi un dommage. Il ne résulte pas tant du paiement des réparations rendues nécessaires, que de l’impossibilité pour eux d’opter soit pour un abandon de l’achat de la maison, soit pour une renégociation du prix d’achat. Il y a donc eu une perte de chance de leur point de vue.
En conclusion, le couple d’acquéreurs pourra engager la responsabilité du notaire.
III - Cas complexes
Les trois derniers cas sont des cas « complexes ». Les faits présentés comportent une pluralité de parties, avec une succession d’événements, rendant plus difficile la formulation du problème de droit. Certains éléments mentionnés ne sont pas utiles à la résolution du cas et permettent de vérifier qu’un travail préalable de lecture, de qualification et de problématisation a été réalisé. Par ailleurs, plusieurs règles de droit sont mobilisés, provenant de diverses sources, ou alors plusieurs conditions doivent être vérifiées pour résoudre le problème.
1 - Maxime souhaite lancer un commerce de vente de drogues en tous genres. Il rencontre Monsieur Bonselle, propriétaire d’une petite camionnette, idéale pour commencer son activité de vendeur itinérant. Le prix est fixé à 46 000€, avec un compteur affichant 200 000 km. La vente est conclue. En se rendant au garage pour effectuer une petite révision, Maxime tombe des nues : le compteur a été trafiqué, il indique en réalité 700 000 km !
Un acquéreur, personne physique, acquiert une camionnette d’occasion à un vendeur, personne physique. Une fois le prix payé, l’acquéreur se rend compte que le compteur a été trafiqué. L’acquéreur peut-il demander l’annulation du contrat, et si oui, sur quel fondement ?
En droit, l’article 1128 du Code civil indique qu’un contrat est valable notamment lorsque le consentement des parties est libre et éclairé et lorsque son contenu est licite et certain.
Le consentement des parties est libre et éclairé lorsque ces dernières ont contracté sans y être contraintes. L’article 1137 du Code civil sanctionne le dol, c’est-à-dire la situation dans laquelle le contractant obtient « le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges », voire par « dissimulation intentionnelle […] d’une information » déterminante pour l’autre partie. Il faut donc prouver qu’il y a eu des manœuvres ou une réticence dolosive (élément matériel) et qu’elles ont eu pour objet de tromper le contractant (élément moral).
Si le dol est constitué, alors le contrat peut être annulé, même si l’erreur qui en résulte porte sur un « simple motif du contrat », en vertu de l’article 1139 du Code civil.
Par ailleurs, l’article 1162 du Code civil précise que « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but », peu important que ce point ait été connu de toutes les parties. Ainsi, un contrat dont l’objet serait contraire à l’ordre public doit être considéré comme nul. Cette nullité est absolue, dès lors qu’elle a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général, aux termes de l’alinéa 1er de l’article 1179 du Code civil.
En l’espèce, Maxime a acquis une camionnette pour son activité, qui a été trafiquée. Il y a donc bien une erreur de Maxime sur le bien, entre ce qu’il pensait avoir (une camionnette de 200 000 km) et ce qu’il a réellement obtenu (une camionnette de 700 000 km). Pour autant, il semble difficile d’admettre que cette erreur porte sur une qualité essentielle, car il achète une voiture d’occasion, pour démarrer son activité. On peut donc douter que le nombre de kilomètres ait été un critère déterminant pour lui.
Cependant, le compteur a été trafiqué, ce qui signifie qu’il y a eu une manœuvre. Le dol doit donc être envisagé. Il y a un bien élément matériel (la manœuvre sur le compteur). Cependant, il n’est pas possible de savoir avec exactitude si la manœuvre provient du vendeur. On peut le supposer : le prix aurait été sensiblement plus bas si le vrai kilométrage avait été connu de Maxime. En cas de dol, l’erreur est admise, même si elle ne porte pas sur une qualité essentielle, comme en l’espèce. Cependant, l’action reste hypothétique en l’absence de preuve de l’élément moral.
Toutefois, le contrat pourrait être annulé sur un autre fondement : celui de l’objet illicite. En effet, l’activité est ici contraire à l’ordre public : il s’agit de vendre de la drogue, ce qui est contraire à l’interdiction en vigueur. La nullité pourra être demandé par toute personne ayant un intérêt à agir.
En conclusion, Maxime pourrait tenter une action en annulation sur le fondement du dol. Cependant, il est plus probable que le contrat soit annulé en raison de son contenu illicite.
2 - Une mystérieuse épidémie touche une partie des enfants du centre-ville. Dans l’attente de connaître l’origine de cette épidémie, le maire décide d’imposer une interdiction pure et simple de circuler à l’encontre des enfants âgés de 2 à 18 ans, les interdisant de rentrer et de sortir du centre-ville « jusqu’à nouvel ordre ». Myriam est bien embêtée : elle doit participer demain à un championnat départemental d’équitation et ne peut s’y rendre, malgré les tests effectués attestant de sa bonne santé. Quid juris ?
Un arrêté municipal interdit toute circulation des enfants dans le centre-ville, en raison d’une épidémie. Un usager subit un grief du fait de cet arrêté et souhaite le suspendre. Peut-il saisir le juge d’un référé-liberté ?
En droit, l’article L. 521-2 du Code de justice administrative permet à tout usager d’obtenir du juge des référés « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ». Le référé est une procédure d’urgence et le juge doit statuer dans les 48h.
Plusieurs conditions sont nécessaires à l’exercice du référé-liberté :
1/ La décision attaquée doit porter atteinte à une liberté fondamentale ;
2/ L’atteinte doit être grave et manifestement illégale ;
3/ Le demandeur doit apporter la preuve de l’urgence à suspendre la décision.
En l’espèce, la liberté d’aller et venir est violée par l’arrêté municipal. Toute mesure restreignant cette liberté doit être justifiée, nécessaire et proportionnée. L’atteinte est grave et manifestement illégale, en ce qu’elle n’est pas limitée dans le temps (« jusqu’à nouvel ordre »), que sa limitation rationae personae est vague (enfants de 2 à 18 ans, ce qui concerne une part non négligeable de la population et alors même qu’aucune information fiable et scientifique ne justifie l’interdiction) et que sa limitation temporelle est aussi vague (concerne tout le centre-ville, avec interdiction d’y entrer ou d’y sortir). Enfin, il y a bien une urgence à agir, car l’usagère souhaite participer dans les 24h à une compétition importante (niveau départemental) et ne peut s’y rendre.
En conclusion, le référé-liberté est recevable. Le juge peut suspendre l’arrêté du maire.
3 - Yann et Yvanna ont pris l’habitude de jouer au football dans une zone de chantier, située à côté de leur école élémentaire, au milieu des tractopelles, des gravats et des barbelés. Leurs parents prennent connaissance de leurs escapades quotidiennes et souhaitent obtenir des dommages et intérêts de la part du maître d’ouvrage qui n’a pas clôturé la zone pour protéger les enfants.
Des personnes physiques mineures se retrouvent sur un chantier dangereux. Leurs parents peuvent-ils engager la responsabilité du maître d’ouvrage ?
En droit, l’article 1240 du Code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». En d’autres termes, la responsabilité délictuelle d’une personne est engagée lorsque cette dernière a commis une faute, qui a eu pour conséquence la création d’un dommage.
En l’espèce, une faute a bien été commise par le maître d’ouvrage (ou toute autre personne en charge du chantier). En effet, des barrières de sécurité ainsi que des panneaux avertissant la présence d’un chantier auraient dû être posés pour sécuriser la zone et éviter que des enfants ne puissent y accéder et se blesser. Cette obligation est d’autant plus renforcée que la zone se trouve à proximité d’une école.
Toutefois, aucun dommage ne peut être constaté ici. En effet, si les enfants se sont bien trouvés sur la zone et ont pu y jouer à de nombreuses reprises, rien ne dit dans l’énoncé qu’ils se soient blessés.
Dès lors qu’il n’existe aucun dommage subi par les enfants, le lien de causalité ne peut donc pas être caractérisé.
En conclusion, la responsabilité délictuelle du chef de chantier ne peut pas être engagée, en l’absence de préjudice subi par les enfants.
