Introduction
« C’est l’idée même d’alliance qui est remise en cause dans la nouvelle réalité du monde, en tout cas dans sa facture classique, celle d’une coalition durable et structurée telle qu’issue du temps bipolaire. ». Cette formule du politologue Bertrand Badie, issue d’un entretien donné au Monde en 2021, illustre les changements profonds dans la nature des relations internationales contemporaines. Le phénomène de mondialisation, par sa portée globale, économique, technologique et culturelle, à laquelle font face les mouvements isolationnistes et nationalistes, semble remettre en cause les fondements traditionnels de la discipline, autrefois centrée sur l’État, la souveraineté, les alliances entre États et la puissance militaire.
La mondialisation désigne l’intensification des échanges et des interdépendances à l’échelle mondiale, touchant les domaines économiques, politiques, sociaux et culturels. Elle entraîne une circulation accrue des biens, des capitaux, des personnes et des idées, remettant en question les frontières étatiques traditionnelles. Les paradigmes classiques des relations internationales renvoient aux principales grilles de lecture qui ont structuré la discipline. Le réalisme considère que les relations internationales sont marquées par l’anarchie, la rivalité entre États souverains et la quête de puissance. Il postule que l’État est l’acteur central, rationnel et motivé par son intérêt national. À l’inverse, le libéralisme met l’accent sur la coopération possible entre États grâce aux institutions internationales, au droit et à l’interdépendance économique. Ces deux paradigmes sont remis en question par les dynamiques de la mondialisation, qui complexifient la scène internationale.
Pendant longtemps, les relations internationales ont été structurées autour de la souveraineté étatique et de l’anarchie du système international, théorisées notamment par les réalistes comme Morgenthau. Cette vision a dominé jusqu’à la fin de la guerre froide. Cependant, l’accélération de la mondialisation à partir des années 1990 a ébranlé ce cadre d’analyse, notamment avec la montée du capitalisme global, l’émergence de nouveaux acteurs transnationaux, et la multiplication des défis globaux (climat, terrorisme, santé). De nouveaux courants, comme la gouvernance globale, le constructivisme ou la théorie critique, ont tenté de renouveler l’approche.
Au vu de ces éléments, il est cohérent de se demander dans quelle mesure la mondialisation a remis en cause ou transformé les paradigmes classiques des relations internationales, fondés sur l’État, la souveraineté et la sécurité.
Pour répondre à cette problématique, nous verrons dans un premier temps que la mondialisation a profondément déstabilisé les paradigmes traditionnels des relations internationales (I), mais que ces fondements conservent encore une influence prégnante dans l’analyse et la pratique du système international (II).
I - La mondialisation, un facteur de transformation des paradigmes classiques des relations internationales
La mondialisation transforme profondément les relations entre États. La montée en puissance d’acteurs non étatiques et la mutiplication des normes de droit international remet dans une certaine mesure en cause la position originellement centrale de l’État sur la scène internationale (A). De ce fait, les grilles de lecture classiques tendent à être rendues en partie obsolètes par les nouvelles dynamiques créées par la mondialisation (B).
A - La remise en cause de la centralité de l’État dans les relations internationales
La mondialisation s’accompagne d’une émergence d’acteurs transnationaux non étatiques qui tendent à concurrencer les États sur la scène internationale (1), et d’une multiplication des organisations et normes internationales auxquelles les États adhèrent et qui participent à une dilution relative de la souveraineté étatique (2).
1 - L’émergence d’acteurs transnationaux concurrents des États
Les paradigmes classiques des relations internationales, en particulier le réalisme, présentent l’État comme l’acteur principal, voire exclusif, des relations internationales. La mondialisation a profondément remis en cause cette vision en multipliant les acteurs transnationaux qui participent désormais activement à la régulation du système international. Les entreprises multinationales exercent un pouvoir économique considérable, parfois supérieur à celui de certains États. Elles influencent les politiques publiques, notamment environnementales ou fiscales, en pesant sur les décisions nationales par le biais du lobbying ou des arbitrages internationaux.
Les organisations non gouvernementales (ONG) jouent également un rôle croissant, en tant que vigies, expertes ou partenaires dans les négociations internationales. Leur activisme est par exemple particulièrement important dans les domaines des droits de l’homme, de l’environnement ou de l’aide humanitaire. Par ailleurs, des groupes terroristes transnationaux comme Al-Qaïda ou Daech ont démontré leur capacité à agir sur la scène internationale en dehors du cadre étatique traditionnel. Cette pluralité d’acteurs contribue à complexifier la structure du système international, désormais organisé en réseaux et en sphères d’influence multiples, où les États ne sont plus les seuls détenteurs du pouvoir d’action. L’État n’est pas marginalisé pour autant et demeure, ainsi qu’il sera vu plus tard le principal acteur des relations internationales, mais il se trouve concurrencé dans des domaines stratégiques qu’il ne maîtrise plus totalement, ou du moins plus de manière exclusive.
2 - La mondialisation comme cause potentielle d’une dilution de la souveraineté à l’ère de l’interdépendance
Le principe de souveraineté, fondement de l’ordre westphalien stato-centré, repose sur l’idée que l’État dispose d’un pouvoir exclusif sur son territoire et sa population. Or, la mondialisation a entraîné une érosion progressive de cette souveraineté. D’un côté, l’adhésion volontaire à des organisations internationales ou régionales implique une mise en commun de compétences. Le principe de primauté du droit de l’Union implique par exemple que les normes de droit interne doivent respecter le droit de l’Union. Les règles financières émises par la Banque centrale européenne ou encore la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne s’imposent également aux États. De plus, les contraintes économiques et financières mondiales, comme les exigences des marchés, les décisions des agences de notation ou les règles de l’OMC, limitent la capacité des États à agir de manière autonome.
Un élément de nuance se doit d’être apporté ici. Si la multiplication des institutions internationales, et les règles émises par certaines organisations comme l’Union européenne sont des facteurs de modification des modèles classiques de souveraineté étatique, ils ne constituent pas juridiquement une remise en cause directe de la souveraineté étatique en elle-même. En effet, en vertu de l’arrêt Vapeur Wimbledon de 1923 de la Cour permanente de justice internationale, on ne peut « voir dans la conclusion d’un traité quelconque, par lequel un État s’engage à faire ou à ne pas faire une chose, un abandon de sa souveraineté : précisément au contraire, la faculté de contracter des engagements internationaux est un attribut de la souveraineté d’un État ». Ainsi un État acceptant de limiter par accord sa souveraineté ne remet pas en cause sa souveraineté mais au contraire exerce sa souveraineté en concluant un engagement en droit international. Toutes choses égale par ailleurs, si la mondialisation ne remet pas en cause le principe de souveraineté, elle en modifie considérablement les contours et les modes d’exercice.
S’ajoutent à la multiplication des organisations internationales un grand nombre d’enjeux globaux, tels que le changement climatique, les pandémies, la cybersécurité ou les migrations, qui échappent aux frontières nationales et nécessitent des réponses coordonnées à l’échelle mondiale. L’État reste un acteur central, mais son action est de plus en plus encadrée, contestée ou partagée avec d’autres niveaux de gouvernance. Ainsi, la mondialisation a remis en cause la conception classique d’un État tout-puissant, souverain et isolé. Elle impose une redéfinition du rôle étatique dans un monde interdépendant, où la capacité d’agir repose autant sur la coopération que sur la puissance nationale.
B - L’émergence de nouveaux cadres d’analyse remettant en cause la grille de lecture réaliste des relations internationales
L’émergence d’enjeux globaux, dépassant les frontières étatiques rend difficilement applicable le paradigme réaliste (1) et le pousse à évoluer et à s’adjoindre de nouveaux paradigmes développés de manière plus ou moins récente pour donner de nouvelles grilles de lectures d’un monde toujours plus complexe (2).
1 - L’insuffisance du paradigme réaliste face aux enjeux globaux des relations internationales
Le réalisme, qui postule un système international anarchique fondé sur la rivalité des États et la quête de puissance, a longtemps dominé la théorie et la pratique des relations internationales. Toutefois, la mondialisation a révélé les limites explicatives de ce paradigme, en mettant en lumière des dynamiques qui échappent à la logique binaire de puissance et de sécurité. Les enjeux transversaux tels que le changement climatique, la régulation du numérique, les pandémies ou encore la criminalité transnationale ne peuvent être abordés uniquement sous l’angle des intérêts étatiques ou des rapports de force. Ces défis sont par nature transfrontaliers, complexes, et nécessitent des solutions coopératives, techniques, souvent à long terme, impliquant une pluralité d’acteurs. Le réalisme, qui présente une tendance à minimiser l’importance des normes, des institutions et des acteurs non étatiques, peine à intégrer ces nouvelles réalités.
L’exemple de la pandémie de Covid-19 est révélateur de cette dynamique. Face à un virus qui ne connaît pas de frontières, la logique réaliste s’est montrée largement inopérante. Aucun État, aussi puissant soit-il, n’a pu gérer seul la crise sanitaire. La coordination des politiques de santé, la distribution des vaccins, le partage des données scientifiques ont nécessité l’implication d’organisations internationales, notamment l’OMS, d’acteurs privés, issus notamment de l’industrie pharmaceutique, de collectivités locales, voire de simples citoyens. Si certains États ont adopté des stratégies nationales de repli, la gestion efficace de la crise a clairement démontré l'importance de la coopération internationale et des mécanismes trans-étatiques de solidarité. Ce type de crise échappe à la lecture purement sécuritaire et stratégique du réalisme.
Dans un contexte d’interdépendance croissante, le langage du réalisme (intérêt national, équilibre des puissances, dissuasion) devient globalement inopérant face à des problématiques globales qui exigent des mécanismes innovants de gouvernance. Face à ce problème, il est possible de relever le développement de nouveaux paradigmes pour analyser la complexité du monde globalisé.
2 - Le développement de paradigmes alternatifs tentant de s’adapter à la complexité du monde globalisé
Face à ces limites, d’autres courants théoriques ont émergé pour tenter de mieux appréhender les mutations contemporaines des relations internationales. Parmi eux, le constructivisme insiste sur l’importance des normes sociales, des représentations collectives et des identités dans la construction du système international. Il ne considère pas l’anarchie comme une donnée naturelle, mais comme un produit historique façonné par les comportements des acteurs. Dans ce cadre, la mondialisation n’est pas seulement un phénomène matériel, mais aussi symbolique et culturel. Selon cette théorie, la structure et les acteurs y évoluant se définissent et s’influencent l’un l’autre. Parallèlement, l’approche de la gouvernance globale offre une lecture plus horizontale et décentralisée du pouvoir. Elle met l’accent sur la régulation à plusieurs niveaux (local, national, régional, international), impliquant à la fois des acteurs publics, privés et hybrides. Cette approche est particulièrement pertinente pour analyser la gestion des biens publics mondiaux comme la santé, l’environnement ou la finance, où la coordination dépasse le cadre étatique classique.
Enfin, des approches critiques des relations internationales, comme la théorie marxiste ou la théorie postcoloniale, ou encore les théories féministes, questionnent les effets inégalitaires de la mondialisation. Elles mettent en lumière les rapports de domination économique, les asymétries Nord-Sud ou encore les effets néfastes du capitalisme global sur les souverainetés nationales et les identités culturelles. Ces paradigmes alternatifs ne sont pas véritablement destinés à abolir les cadres classiques en se substituant à eux, mais proposent une lecture alternative nuancée et multidimensionnelle des relations internationales. Ils traduisent le passage d’un monde centré sur l’État à un monde complexe, interconnecté et normativement pluraliste. Toutefois, ces éléments sont à nuancer en ce que s’observe de manière très récente un retour en force de l’État et des nationalismes permettant une nouvelle résurgence des grilles de lecture réalistes en relations internationales.
II - La résurgence de l’État dans les relations internationales modernes
La dernière décennie a vu le rôle de l’État opérer un retour majeur sur la scène international après des décennies d’affaiblissement dû à la mondialisation. Celui-ci à la lumière des crises mondiales conserve sa position tout à fait centrale dans les relations internationales modernes (A), rendant toujours actuels les paradigmes classiques alors que s’observe une résurgence des nationalismes et rapports de force inter étatiques que beaucoup pensaient obsolètes (B).
A - Le maintien du rôle central des Etats dans les relations internationales contemporaines
Le retour des rapports de force entre États, des conflits internationaux et la multiplication des crises internationales ont remis l’État au centre de l’échiquier politique international (2). Celui-ci conserve dès lors véritablement une place primordiale dans les relations internationales rendant toujours opérationnels les anciens paradigmes westphaliens (1).
1 - L’État souverain comme premier sujet du droit international et acteur central des relations internationales
Si la mondialisation a multiplié les acteurs des relations internationales, elle n’a pas pour autant évincé l’État de sa position centrale. En effet, le système international reste structuré autour des États souverains, qui demeurent les sujets principaux du droit international public. Ce sont eux qui reconnaissent les autres acteurs, concluent les traités, participent aux organisations internationales, et exercent la compétence exclusive sur leur territoire. La souveraineté, même transformée, continue de structurer les rapports entre entités politiques dans un cadre juridico-politique codifié.
Les principales institutions internationales, telles que l’Organisation des Nations Unies, l’Organisation mondiale du commerce ou le Fonds monétaire international, sont des organisations intergouvernementales dans lesquelles les États sont les membres uniques ou dominants. À l’ONU, chaque État dispose d’une voix à l’Assemblée générale, et les membres permanents du Conseil de sécurité conservent un droit de veto, symbole de la permanence des rapports de force étatiques. Même dans l’Union européenne, modèle avancé d’intégration, la plupart des décisions majeures nécessitent encore l’unanimité ou la majorité qualifiée des États membres. Par ailleurs, dans les grandes enceintes de négociation, qu’il s’agisse des conférences climatiques (COP), des sommets du G20 ou des accords de paix, ce sont toujours les États qui négocient, signent et mettent en œuvre les engagements. Les acteurs non étatiques peuvent influencer, mais non conclure des obligations internationales exécutoires. Cela confirme que le paradigme westphalien de la souveraineté, même relativisé, demeure opérationnel et structurant. Il est même possible d’observer aujourd’hui un retour croissant des logiques de puissance que beaucoup d’observateurs pensaient désormais révolues.
2 - Le retour des logiques de puissance dans un monde multipolaire
En outre, la mondialisation n’a pas effacé les logiques de compétition géopolitique qui caractérisent le paradigme réaliste. Au contraire, de nouvelles rivalités entre grandes puissances ont émergé ou se sont intensifiées, mettant en lumière la persistance de la puissance militaire, stratégique et économique comme facteur central de l’équilibre international. L’exemple le plus évident est celui de la concurrence sino-américaine. Si celle-ci se manifeste sur des terrains inédits (technologie, cybersécurité, normes internationales, frais de douane) elle réactive des logiques classiques d’influence, d’affirmation régionale et de confrontation stratégique. La montée en puissance de la Chine dans la zone indo-pacifique, le renforcement militaire des États-Unis, ou encore les tensions autour de Taïwan, témoignent du retour de la géopolitique dans les relations internationales, dans un style proche de la guerre froide.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 est peut-être l’exemple le plus frappant de cette nouvelle dynamique. Elle a rappelé que la guerre interétatique, que certains pensaient dépassée, reste une réalité. Cette agression a remis la sécurité militaire et les logiques d’alliances (notamment l’OTAN) au cœur de la politique internationale. Elle a réactivé les réflexes stratégiques classiques, basés sur la dissuasion, la souveraineté territoriale et la défense de l’intégrité étatique. Il est intéressant de constater à ce sujet que les États-Unis, par l’isolationnisme trumpien, jouent un rôle à la fois de confirmation et de rejet de ces paradigmes classiques. La guerre commerciale engagée par l’administration Trump, le rejet de l’aide des États tiers, comme l’Ukraine, et les menaces d’annexer le Groenland par exemple montrent un retour en force du hard power comparativement à la promotion du soft power qui avait tendance à prévaloir jusque-là. Toutefois, la logique d’alliance comme l’OTAN s’essouffle notamment avec la menace de retrait des États-Unis de l’organisation et le refus de servir de parapluie de défense à l’Europe, poussant les États européens à trouver une nouvelle souveraineté militaire. Le retour de conflits interétatiques que l’on pensait révolus tend ainsi à davantage fragmenter les relations entre États.
Enfin, les politiques de puissance énergétique avec l’exploitation croissante des ressources naturelles montrent que beaucoup d’États continuent d’agir selon une logique d’intérêt national, indépendamment des mécanismes de marché ou des interdépendances globales, en faisant fi de changements climatiques qui impactent tous les États de la planète. La notion d’autonomie stratégique est redevenue centrale dans les discours étatiques, y compris au sein de l’Union européenne. Ainsi, malgré la mondialisation, les États restent au cœur des équilibres internationaux. Ils conservent les outils, les leviers et la légitimité pour agir, protéger, négocier et imposer. Le paradigme classique centré sur la souveraineté et la puissance demeure plus que jamais pertinent pour comprendre les dynamiques contemporaines du système international.
B - La résurgence moderne des intérêts nationaux et des stratégies souverainistes
La mondialisation et l’interconnection des acteurs sur la scène internationale a contribué à grandement diminuer l’étendue de la souveraineté étatique. En réaction à ce phénomène d’affaiblissement de la puissance étatique, des mouvements nationalistes et protectionnistes se multiplient. Ces mouvements opèrent une double évolution à la fois de remise en cause des modèle de coopération internationale et de retour en force classique de la figure de l’État (1) qui est le garant premier de la sécurité dans un monde où la menace de conflit international à grande échelle devient de plus en plus prégnante (2).
1 - Le nationalisme et le protectionnisme comme réponses à la mondialisation
Alors que la mondialisation promettait un monde plus intégré et coopératif, les dernières décennies ont été marquées par un retour du nationalisme et du protectionnisme dans de nombreuses régions du globe. Ces phénomènes traduisent une forme de réaction politique face aux effets déstabilisants de l’ouverture mondiale : montée des inégalités, délocalisations industrielles, flux migratoires incontrôlés ou sentiment de perte de contrôle démocratique. Un exemple marquant de cette réaction est le Brexit, qui illustre le rejet d’une gouvernance supranationale perçue comme éloignée des intérêts nationaux. L’argument central de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne reposait sur la reconquête de la souveraineté, notamment en matière de contrôle des frontières, de politique commerciale et de normes juridiques.
Dans le même esprit, l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2016 a marqué un tournant. Son slogan « America First » a conduit à une remise en cause des mécanismes multilatéraux : retrait des Accords de Paris sur le climat, pression sur l’Organisation mondiale du commerce, réorientation de la politique étrangère vers des intérêts strictement nationaux. Ce type de discours s’est retrouvé dans d’autres pays, avec la montée de partis souverainistes ou populistes, notamment en Europe, en Inde, au Brésil ou en Turquie. Sa réélection en 2024 a encore augmenté cette tendance avec le retrait des États-Unis de l’OMS et des discours extrêmement hostiles vis à vis des États européens.
Ces tendances montrent que la mondialisation n’a pas uniformisé les comportements étatiques, mais a plutôt suscité des réactions de réaffirmation de l’identité nationale, des politiques protectionnistes et des stratégies de repli, qui s’inscrivent dans une logique étatique finalement assez classique en relations internationales. Elles soulignent la résurgence de l’intérêt national comme moteur fondamental des politiques étrangères, en dépit du discours sur l’interdépendance mondiale et de l’intérêt commun.
2 - Les États comme garants premiers de la sécurité dans un monde globalisé
Un autre domaine dans lequel les États conservent une centralité incontestable est celui de la sécurité. Malgré les interdépendances croissantes, les crises récentes, qu’elles soient sanitaires, énergétiques, militaires ou environnementales, ont montré que les États restent les acteurs principaux de la protection des populations et de la gestion des urgences. La pandémie de Covid-19 a illustré ce phénomène de manière éclatante. Si des organismes internationaux comme l’OMS ont joué un rôle de coordination, ce sont bien les gouvernements nationaux qui ont pris les mesures de confinement, décidé de la fermeture des frontières, coordonné les campagnes de vaccination et mobilisé les ressources budgétaires pour faire face à la crise. Cette gestion souveraine de la crise a mis en évidence le rôle fondamental de l’État comme référent ultime en période de danger.
De même, dans le domaine de la cybersécurité, les menaces transnationales nécessitent une coopération internationale, mais ce sont les États qui élaborent les politiques de cybersécurité, financent les infrastructures critiques et assurent la régulation du cyberespace. Le retour de la guerre en Europe, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a également réactivé la fonction militaire de l’État comme garant de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de la dissuasion. Enfin, face aux tensions géoéconomiques ou à la compétition technologique, les États mettent en œuvre des politiques industrielles, stratégiques ou protectionnistes pour préserver leurs intérêts nationaux. Ils agissent comme garants de la sécurité économique, face à une mondialisation jugée parfois incontrôlée ou menaçante. Ainsi, malgré les transformations profondes induites par la mondialisation, les États demeurent les principaux acteurs de la sécurité et de l’autorité politique, confirmant la persistance des paradigmes classiques dans l’analyse des relations internationales.
