La responsabilité sans faute de l'Etat du fait des attroupements et rassemblements (CE, 13/12/2002, Compagnie d’assurances Les Lloyd’s de Londres)

Introduction

Les manifestations, quels qu’en soient les objectifs, les mouvements de grève et autres rassemblements tendent à s’accentuer ces dernières décennies. Il n’est pas rare, qu’à leur occasion, des troubles et des dommages, aussi bien corporels que matériels, soient commis. Lorsque de tels préjudices sont causés, les victimes peuvent obtenir réparation de la part de l’Etat sur la base de la loi du 7 janvier 1983 qui institue un régime de responsabilité sans faute du fait des attroupements et rassemblements. C’est ce qu’il est arrivé dans l’affaire Cie. d’assurances Les Lloyd’s de Londres.

Dans cette affaire, plusieurs dizaines de jeunes gens s’étaient vu refuser l’entrée de la discothèque « Le Kiss » à Beaune lors de la nuit de la Saint-Sylvestre de 1989, en raison de leur origine. Les intéressés étaient restés devant l’entrée de l’établissement. Et, certains avaient, par la suite, pu y entrer, mais avaient commis plusieurs dégradations. La discothèque déclara, d’abord, son sinistre auprès de son assureur, la compagnie d’assurances les Lloyd’s de Londres, qui lui versa la somme de 945 000 francs. Dans un deuxième temps, la discothèque et l’assureur saisirent le tribunal administratif de Dijon afin que la responsabilité sans faute de l’Etat du fait des attroupements et rassemblements soit mise en cause. Mais, le tribunal rejeta leur requête le 29 mars 1994. Les intéressés firent donc appel devant la cour administrative d’appel de Lyon qui, le 17 septembre 1998, rejeta, également, leur recours. La discothèque et son assureur se pourvoient alors en cassation devant le Conseil d’Etat. Le 13 décembre 2002, la Haute juridiction fait droit à leur requête en reconnaissant la pleine applicabilité du régime prévu par la loi du 7 janvier 1983.

La responsabilité du fait des attroupements et rassemblements est une responsabilité sans faute à la charge de l’Etat dont la raison d’être est de prévoir la prise en charge par la solidarité nationale des dommages causés à leur occasion. La particularité de ce régime est qu’il est prévu non par le juge administratif, mais par le législateur lui-même. C’est de ce régime que le Conseil d’Etat fait bénéficier à la compagnie d’assurances Les Llyod’s de Londres. L’intérêt de cette affaire est que la Haute juridiction apporte une précision quant à la définition de la notion d’attroupement / rassemblement, notion qui est au cœur de nombreux contentieux. Au cas particulier, le juge reconnaît qu’il peut y avoir attroupement ou rassemblement même si aucun visée protestataire n’est émise par le groupe. L’Etat verra donc sa responsabilité être engagée dans cette affaire, mais celle-ci sera en partie atténuée en raison de l’existence d’une faute de la victime.

Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, les principes du régime de responsabilité sans faute du fait des rassemblements (I) et d’analyser, dans une seconde partie, l’engagement de la responsabilité sans faute de l’Etat en l’espèce (II).

I – Les principes du régime de responsabilité sans faute du fait des rassemblements

L’instauration d’une responsabilité sans faute du fait des rassemblements vise à faire supporter par la solidarité nationale les risques que comportent ces évènements (A). C’est pour cela que les contours de ce régime sont strictement définis (B).

A – Un régime fondé sur les risques que font peser les rassemblements

Les manifestations, occupations de locaux ou toute autre forme de rassemblements sont, souvent, sources de divers dommages en raison des débordements auxquels ils peuvent donner lieu. Les fins de manifestation qui dégénèrent en sont un exemple particulièrement significatif. Le législateur a donc estimé, du fait des risques récurrents encourus à l’occasion de tels évènements, qu’il était juste que les dommages ainsi causés soient pris en charge par la collectivité, le but étant d’éviter aux victimes de prouver, à chaque fois, une faute lourde des services de police dans la gestion de ces rassemblements.

Instauré par la loi du 16 avril 1914, ce mécanisme d’indemnisation était, au départ, à la charge des communes et devait être mis en œuvre devant le juge judiciaire. Ce dispositif s’est révélé insatisfaisant en raison de son caractère coûteux pour les communes et du fait que les préjudices pouvaient résulter de décisions ou de la carence de l’Etat. C’est pourquoi la charge de cette responsabilité a été transférée des communes vers l’Etat de manière à assurer une prise en charge globale au nom de la solidarité nationale. Quand à son contentieux, il a été attribué au juge administratif. Ainsi en a décidé le législateur : d’abord par la loi du 7 janvier 1983 (art. L 2216-3 Code général des collectivités territoriales – CGCT) ; puis par la loi du 9 janvier 1986 (art. L 211-10 Code de la sécurité intérieure - CSI).

C’est ainsi que dorénavant « l'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ». De cette disposition résultent un certain nombre de conditions que les victimes de dommages commis à l’occasion de rassemblements doivent satisfaire pour obtenir réparation.

B – Un régime dont les contours sont strictement définis

Pour que ce régime de responsabilité s’applique, deux grandes conditions doivent être remplies : la première tient à la notion même de rassemblement, la seconde aux actes commis.

En première lieu, les dommages doivent être imputables à un rassemblement ou un attroupement. Tel est le cas, sans difficulté, des actions de manifestants ou de grévistes. C’est également le cas, comme nous le verrons plus loin, des groupes réunis sans but protestataire. En revanche, lorsque les dommages sont causés par des groupes spécialisés dans l’action violente, comme des « casseurs », qui viennent de l’extérieur du rassemblement, le dispositif ne s’applique pas (par exemple les hooligans qui se détachent de la masse des supporteurs : Cass., 1°civ., 15/11/1983). Il en va de même des groupes qui agissent sur la base d’une préparation très en amont du rassemblement, comme les actions terroristes et les commandos qui sont le fait de groupes organisés apportant un haut degré de préparation à leurs actes (par exemple, attentat commis à l’aéroport d’Orly par des terroristes arméniens : TC, 24/06/1985, Préfet Com. Rép. Val-de-Marne). Un rassemblement peut donc se définir comme un groupe de personnes agissant de manière collective et spontanée.

En second lieu, il faut que les individus auteurs des dommages se soient livrés à des actes qualifiables de crimes ou délits et que ces actes aient été commis à force ouverte ou par violence.

En revanche, tous les préjudices subis à l’occasion et du fait d’un rassemblement sont indemnisables, qu’ils soient corporels, matériels ou même commerciaux. Il n’y a, par ailleurs, pas lieu de distinguer selon que les dommages procèdent du fait même des personnes qui se rassemblent ou de l’action des forces de police engagées contre elles, ni selon que les victimes sont étrangères ou non au rassemblement. Il convient, toutefois, que les dommages résultent d’actes identifiés précisément et que ces actes soient liés à un rassemblement bien déterminé.

L’affaire mettant en cause la compagnie d’assurances Les Lloyd’s de Londres satisfait-elle à l’ensemble de ces conditions ?

II – L'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat dans l'affaire Cie. Les Lloyd's de Londres

Le Conseil d’Etat engage la responsabilité sans faute de l’Etat en espèce, car il considère que les dommages ont bien été causés par un rassemblement (A). Il atténue, toutefois, la charge de la réparation imputable à l’Etat en raison d’un comportement fautif du dirigeant de la discothèque (B).

A – Des conditions d'application remplies : l'existence d'un rassemblement

Dans l’affaire présentement commentée, des jeunes gens s’étaient progressivement regroupés, dans la soirée du 31 décembre 1989 au 1er janvier 1990, devant la discothèque "Le Kiss" à Beaune, dont l'entrée leur avait été refusée par la direction de l'établissement. Ces personnes étaient, malgré tout, restées massé plusieurs heures devant la discothèque. Par la suite, certains d'entre elles avaient pu réussir à pénétrer dans l'établissement où elles avaient procédé à diverses destructions et dégradations. Il n’y avait pas là la volonté de défendre une revendication, mais plutôt une réaction aux provocations du patron de l’établissement.

La cour administrative d’appel de Lyon avait considéré que la loi du 7 janvier 1983 n’était pas applicable au motif que ces agissements ne pouvaient être regardés comme le fait d’un attroupement ou d’un rassemblement. Le Conseil d’Etat censure sur ce point les juges de Lyon. Plus précisément, la Haute juridiction écarte, pour définir la notion de rassemblement, le but protestataire. En d’autres termes, le régime de responsabilité sans faute consacré en 1983 peut s’appliquer quand bien même le rassemblement n’a pas, comme en l’espèce, de visée de protestation. Il peut donc s’agir aussi bien d’une manifestation politique, sportive, socioprofessionnelle que d’une émeute ou d’un rassemblement sans but protestataire. De manière plus générale, aucune préparation ne peut être relevée à l’encontre de ce groupe de jeunes gens, de sorte que le caractère spontané de leur action est vérifié. Par ailleurs, il s’agit d’une groupe de personnes agissant de manière collective.

Pour les conditions tenant aux actes commis, le juge note que les dommages « ont été commis à force ouverte et constituent des délits ». L’exposé des faits effectué plus haut est suffisamment instructif pour comprendre que cette condition est respectée.

L’ensemble des conditions posées par la loi de 1983 sont donc remplies. La responsabilité sans faute de l’Etat est donc engagée. Mais, le Conseil d’Etat va en atténuer la charge en raison de la faute commise par le gérant de l’établissement.

B – Une responsabilité de l'Etat atténuée par la faute du dirigeant de la discothèque

La faute de la victime constitue, avec le fait du tiers, la force majeure et le cas fortuit, ce que l’on appelle une cause exonératoire, c’est-à-dire un évènement qui, lorsqu’il se produit, peut atténuer la responsabilité de l’administration. S’agissant de la faute de la victime plus précisément, lorsqu’un dommage a pour cause totale ou partielle une telle faute, l’administration est exonérée de sa responsabilité totalement dans le premier cas et partiellement dans le second, qu’il s’agisse d’un régime de responsabilité pour faute ou sans faute. Ce type de faute peut résider, par exemple, en une imprudence, une vitesse excessive ou un défaut de surveillance des parents lorsque ce sont leurs enfants qui subissent un dommage.

En l’espèce, le Conseil d’Etat note qu’en « ne prévoyant pas une organisation adaptée aux capacités d'accueil de la discothèque et en contribuant par son attitude au déclenchement des incidents à l'origine des dommages causés à son établissement, le directeur de l'établissement "Le Kiss" a concouru à la réalisation du préjudice subi ». Plus précisément, il est établi que le gérant de la discothèque a tenu des propos discriminatoires à l’égard des jeunes gens massés à l’extérieur. De plus, il lui est reproché de n’avoir engagé que deux agents de sécurité, alors qu’il s’agissait de la nuit de la Saint-Sylvestre. La Haute juridiction estime donc qu’il est responsable d’une partie du préjudice que son établissement a subi. Le juge estime ensuite que les ¾ de la réparation des dommages causés par cet attroupement doivent être laissés à la charge du gérant de la discothèque et met à la charge de l’Etat ¼ de cette réparation.

Dans cette affaire, le recours avait été introduit par la compagnie d’assurances Les Lloyd’s de Londres qui avait, préalablement, dédommagé la discothèque en lui versant la somme de 945 000 francs. La compagnie étant subrogée dans les droits de l’établissement, le Conseil d’Etat condamne l’Etat à lui verser le ¼ de cette somme.

CE, 13/12/2002, Compagnie d’assurances Les Lloyd’s de Londres

Vu la requête sommaire enregistrée le 12 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES, dont le siège social est ..., pour la S.A. LE KISS, dont le siège social est ... et pour la S.C.I. ZANER, dont le siège social est zone Hôtelière de la Chartreuse à Beaune (21200) ; la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES, la S.A. LE KISS et la S.C.I. ZANER demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 17 septembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur requête tendant :
1°) à l'annulation du jugement du 29 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la S.A. LE KISS et de la S.C.I. ZANER tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une indemnité totale de 2 704 019 F, assortie des intérêts de droits en réparation des dommages subis dans leur établissement dans la soirée du 31 décembre 1989, et la demande de la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES, subrogée dans les droits de ses assurés, tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 945 000 F assortie des intérêts des droits ;
2°) à ce qu'il soit fait droit à leur demande de première instance, sauf à porter l'indemnité pour frais irrépétibles à 100 000 F ;
3°) à la capitalisation des intérêts échus ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 1999, par lequel la S.A. LE KISS et la S.C.I. ZANER déclarent se désister purement et simplement de la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Maître des Requêtes, 
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la S.A. LE KISS et de la S.C.I. ZANER et de la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Sur le désistement de la S.A. LE KISS et de la S.C.I. ZANER :

Considérant que le désistement de la S.A. LE KISS et de la S.C.I. ZANER est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Sur la requête de la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES :

Considérant qu'aux termes de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983, devenu l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : "L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans la soirée du 31 décembre 1989 au 1er janvier 1990, des jeunes gens se sont progressivement regroupés devant la discothèque "Le Kiss" à Beaune, dont l'entrée leur avait été refusée par la direction de l'établissement ; qu'ils sont restés massés plusieurs heures devant la discothèque en manifestant leur mécontentement ; que certains d'entre eux ont réussi à pénétrer dans l'établissement où ils ont procédé à diverses destructions et dégradations ; qu'en jugeant que ces actes ne pouvaient être regardés comme le fait d'un attroupement ou d'un rassemblement au sens des dispositions précitées de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983, la cour administrative d'appel a procédé à une qualification juridique erronée des faits ; que, par suite, son arrêt doit être annulé en tant qu'il a rejeté la requête de la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dommages aux biens causés par les agissements auxquels se sont livrés des groupes de jeunes gens dans la nuit du 31 décembre 1989 au 1er janvier 1990 dans la discothèque Le Kiss à Beaune sont le fait d'attroupements ; qu'ils ont été commis à force ouverte et constituent des délits ; que les dommages ainsi causés engagent la responsabilité de l'Etat en application des dispositions de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 alors en vigueur ;

Considérant toutefois qu'en ne prévoyant pas une organisation adaptée aux capacités d'accueil de la discothèque et en contribuant par son attitude au déclenchement des incidents à l'origine des dommages causés à son établissement, le directeur de l'établissement "Le Kiss" a concouru à la réalisation du préjudice subi ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité qui doit être laissée à la charge de l'Etat en limitant la condamnation de celui-ci au quart de la réparation des conséquences dommageables de l'attroupement ;

Sur les droits de la compagnie d'assurances :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES a versé à la S.A. LE KISS et à la S.C.I. ZANER la somme non contestée de 945 000 F (144 064,32 euros) en réparation des dommages de toute nature subis par elles ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement en date du 29 mars 1994 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnité de la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES et de condamner l'Etat à payer à cette compagnie d'assurances, subrogée dans les droits de la S.A. LE KISS et de la S.C.I. ZANER en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, le quart de cette somme soit 36 016 euros ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que par suite la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 36 016 euros à compter du 13 mai 1991, date à laquelle elle a demandé réparation à l'Etat, et non, contrairement à ce qu'elle soutient, à compter du 1er novembre 1990, date à laquelle elle a réglé la somme de 945 000 F à ses assurés ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : "Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière" ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES a demandé par un mémoire du 9 décembre 1993 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date que, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que cette compagnie n'a pas ensuite formulé de nouvelles demandes de capitalisation, à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES une somme de 6 800 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête présentée devant le Conseil d'Etat par la S.A. LE KISS et la S.C.I. ZANER.
Article 2 : L'arrêt du 17 septembre 1998 de la cour administrative d'appel de Lyon, ensemble le jugement du 29 mars 1994 du tribunal administratif de Dijon, sont annulés en tant qu'ils rejettent les conclusions de la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES.
Article 3 : L'Etat versera à la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES, subrogée dans les droits de la S.A. LE KISS et de la S.C.I. ZANER en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, la somme de 36 016 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 13 mai 1991. Les intérêts échus à la date du 9 décembre 1993 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : L'Etat versera à la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES une somme de 6 800 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMPAGNIE D'ASSURANCES LES LLOYD'S DE LONDRES, à la S.A. LE KISS, à la S.C.I. ZANER et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.