Énoncé du sujet

Monsieur et Madame Pate sont mariés depuis 2002. De leur union est né Léonard, aujourd’hui âgé de 12 ans. Toutefois le bonheur du couple n’a pas toujours été au beau fixe. Madame Pate a en effet eu une aventure, de 2005 à 2007, ce que Monsieur Pate a découvert, avant de quitter le domicile conjugal. Cependant, avec les années, Monsieur Pate a décidé de pardonner à Madame Pate, lui offrant une deuxième chance. Depuis il pensait qu’ils étaient une famille unie. Cependant, alors que Madame Pate était à la salle de bain, Monsieur Pate a entendu son téléphone sonner. N’ayant pas de code de verrouillage, il ouvre le message, et se rend compte que Madame Pate a récidivé : elle le trompe à nouveau ! Anéanti et se disant qu’il ne pourra plus jamais lui faire confiance, il s’en prend violemment à elle, en l’insultant. Elle lui affirme que c’est une relation exclusivement virtuelle et qu’elle ne comptait jamais rencontrer cet amant, avant de quitter le domicile conjugal, choquée par les propos de son mari.

Il vient vous consulter, et vous demande quel est le divorce le plus adapté à sa demande. Il vous précise que, suite à l’altercation avec sa femme, il pense qu’elle ne restera pas sans rien faire, et vous demande ce qu’elle peut lui opposer.

Résolution du cas

Monsieur Pate vient consulter un avocat après avoir découvert l’infidélité de sa femme, à deux reprises. S’il a pardonné la première fois, il ne pardonne pas la seconde. Anéanti, il a proféré des insultes à l’égard de sa femme qui a quitté le domicile conjugal. 

Quel est le divorce le plus adapté en cas d’infidélité ? L’époux fautif a-t-il le choix de demander un divorce pour faute ? 

Monsieur Pate veut savoir quel divorce est le plus adapté à sa demande (I) et quels sont les moyens qu’il pourrait se voir opposer par sa femme (II).

I - La demande en divorce du mari

Quel est le divorce le plus adapté en cas d’adultère et de départ du domicile conjugal ? Si le divorce le plus adapté apparait être le divorce pour faute (A) encore faut-il parvenir à prouver l’existence de la faute (B).

A – Le divorce pour faute

L’article 242 du Code civil dispose que « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ». A la lecture de cet article, plusieurs conditions sont nécessaires afin que puisse être retenu le divorce pour faute. En effet, il faut cumulativement une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, et que cette violation rende intolérable la vie commune. Par ailleurs, l’article 212 du Code civil précise que les devoirs entre époux sont le respect, la fidélité, le secours et l’assistance. Ces devoirs sont complétés par celui de l’article 215 du Code civil qui impose une vie commune entre les époux.

Ainsi la jurisprudence considère que l’adultère réunit les critères posés par l’article 242 du Code civil (civ. 2è, 23 avril 1980, n°78-16.636), y compris lorsqu’il est exercé sur Internet (Toulouse, 11 septembre 2012, n°11/03949). Cependant, il peut faire l’objet d’une réconciliation, caractérisé par « le maintien ou la reprise de la vie commune, mais encore la volonté chez l’époux offensé de pardonner en pleine connaissance de cause les griefs qu’il peut avoir contre son conjoint, ainsi que l’acceptation par ce dernier de ce pardon » (TGI Seine, 12 mars 1965, Gaz. Pal. 1965. 1. 416). 

En l’espèce, Madame Pate a eu plusieurs liaisons extraconjugales. D’abord de 2005 à 2007, mais Monsieur Pate a décidé de la pardonner. Les époux s’étaient donc réconciliés, partageant depuis une vie commune et familiale heureuse. Dès lors, cette faute ne pourrait pas être retenue afin de justifier la demande de divorce pour faute. Au contraire, Madame Pate a commencé une nouvelle relation extraconjugale, sur Internet, que Monsieur Pate ne veut pas pardonner. Madame Pate a donc violé l’obligation de fidélité pourtant imposée dans le cadre du mariage. Il s’agit d’une violation grave, comme cela a été reconnu à plusieurs reprises par la jurisprudence. Par ailleurs, cette infidélité est non seulement grave, mais répétée, puisqu’elle a fait l’objet d’un précédent. Monsieur Pate affirme qu’il ne pourra plus jamais faire confiance à sa femme, ce qui rend absolument impossible la poursuite d’une vie commune. Par ailleurs, Madame Pate a quitté le domicile conjugal, ce qui s’oppose gravement au devoir de vie commune, et rend impossible sa continuation.

Ainsi, l’adultère et le départ du domicile de Madame Pate pourront caractériser des fautes suffisamment graves rendant intolérable le maintien de la vie commune.

B – La preuve de la faute

Les messages sur un téléphone obtenus sans accord du propriétaire peuvent-ils permettre de prouver l’existence d’une infidélité dans le cadre d’un divorce ?    

L’article 259 du Code civil dispose que les faits invoqués en tant que cause de divorce peuvent être établis par tout moyen, à l’exception, précise l’article 259-1 du même code, des preuves obtenues par violence ou fraude. A cet égard, la Cour d’appel de Paris a déjà pu considérer que « le fait d’avoir profité de l’opportunité d’accéder à la messagerie électronique de l’épouse après son départ du domicile conjugal caractérise un manque de délicatesse mais ne constitue pas une fraude dès lors que le mot de passe n’a pas été obtenu par fraude » (CA Paris, 17 novembre 2016, n°14/14483).

En l’espèce, Monsieur Pate s’est aperçu de la liaison extraconjugale de sa femme en consultant le téléphone de cette dernière, pendant qu’elle était absente de la pièce. Il n’a pas eu besoin de renseigner un mot de passe, puisque le téléphone ne l’exigeait pas. L’existence d’un mot de passe étant le critère pris en considération par les juges pour retenir une fraude, il semble ici qu’il n’y ait pas de fraude. 

Ainsi, Monsieur Pate pourra produire les messages qu’il a lu sur le téléphone de sa femme, lesquels ont été obtenus sans fraude du fait de l’absence de mot de passe pour y accéder.

II – Les moyens de défense de la femme

Un époux fautif peut-il lui-même se prévaloir d’une demande de divorce pour faute ? 

L’article 242 du Code civil édicte les conditions devant être réunies afin de caractériser un divorce pour faute, à savoir que soit caractérisée une violation grave ou renouvelée aux devoirs du mariage, et que cette violation rende intolérable le maintien de la vie commune. Par ailleurs, ce divorce pour faute peut faire l’objet d’une demande aux torts partagés des époux, en application de l’article 245 du Code civil, qui prévoit que « les fautes de l’époux qui a pris l’initiative du divorce n’empêchent pas d’examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu’il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce ». Le deuxième alinéa de cet article précise que « ces fautes peuvent aussi être invoquées par l’autre époux à l’appui d’une demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés ». 

En l’espèce, Madame Pate a manqué à ses devoirs matrimoniaux en étant infidèle à son mari, et en quittant le domicile conjugal. Si s’agissant de l’infidélité, elle n’a aucune excuse, il en est différemment de son départ du domicile conjugal. En effet celle-ci est partie à la suite des insultes proférées par son mari. Elle n’était pas tenue de tolérer de tels propos, qui pourraient donc excuser son départ. 

Par ailleurs, Madame Pate peut tout à fait évoquer, selon la nature des insultes, que celles-ci constituent une violation grave des devoirs du mariage. En effet les époux se doivent mutuellement respect, et l’absence de ce respect peut rendre intolérable la vie commune. Cependant, il est possible d’envisager que Monsieur Pate justifie ses insultes par le fait qu’il ait appris l’adultère, afin d’en disqualifier le caractère grave. Les juges apprécieront alors la violence des propos, en rappelant toutefois que ces derniers ont conduit Madame Pate à quitter le domicile conjugal. 

Enfin, aucune excuse ne permet d’atténuer la faute d’adultère dans la mesure où elle a été réalisée préalablement aux insultes. 

Finalement, Madame Pate pourra obtenir un divorce aux torts partagés si elle parvient à démontrer que les insultes proférées par son mari étaient suffisamment graves et rendaient intolérables le maintien de la vie commune. Sinon, un divorce à ses torts exclusifs sera prononcé.