Les conditions, les effets et la rupture du PACS – Pacte civil de solidarité (cas pratique)

Énoncé du sujet

Vendeuse dans un grand magasin, Thérèse ne s’attendait pas à trouver l’amour auprès de l’une de ses clientes. Pourtant, avec Carole, ce fut le coup de foudre !

Les deux amantes ont emménagé ensemble en 2018 et la conclusion de leur pacte civil de solidarité (PACS) a rapidement suivi. Carole refuse de se marier de nouveau : son union avec son ancien mari Harge s’est terminé de la pire des manières, ce dernier ayant obtenu la garde de leur fille Rindy lors du divorce.

Les deux partenaires ont convenu de garder le régime légal du pacte : cela leur permet de garder une certaine liberté dont elles ont toutes les deux besoin. Elles n’ont d’ailleurs rajouté aucune clause particulière à leur contrat.

Leur situation socio-professionnelle a évolué depuis 2018. Thérèse a abandonné son poste de vendeuse pour se consacrer pleinement à sa passion : la photographie. Elle a fait l’acquisition d’un appareil haut de gamme, nécessaire pour son activité. Épaulée par Carole, Thérèse participe à des expositions et vend ses photos.

De son côté, Carole vit des loyers qu’elle retire de plusieurs immeubles qu’elle possédait déjà avant son premier mariage. Elle est régulièrement en déplacement pour vérifier l’état de ses biens et en acquérir de nouveaux.

C’est à la suite du retour de Carole de l’un de ses déplacements que Thérèse vous consulte, dévastée. Carole lui a annoncé qu’elle allait se marier avec André, un homme d’affaires rencontré à Marseille !

Thérèse ne peut y croire : elle qui a tant fait pour son amante ! Rien que le mois dernier, elle a fini de rembourser intégralement un nouvel immeuble que souhaitait acquérir Carole pour le mettre en location. Cette dernière a exclu tout remboursement de ces sommes, au prétexte que cela participait de l’aide entre partenaires, l’acquisition de cet immeuble relevant de son gagne-pain. Thérèse se demande si ce que dit Carole est vrai, et s’il n’existe réellement aucune voie légale lui permettant de demander un remboursement.

Thérèse se sent également mal pour Rindy, la fille de Carole. En effet, depuis l’annonce de son mariage, Carole la néglige et oublie de payer la pension alimentaire fixée lors du divorce. Harge est même venu directement demander à Thérèse de payer. Selon lui, maintenant qu’elles sont pacsées, toutes les dettes de Carole sont les dettes de Thérèse ! Thérèse doit-elle s’inquiéter ?

Votre cliente souhaite, par ailleurs, être rassurée : il est bien évident que ce mariage ne pourra pas avoir lieu sans son accord, car les deux femmes sont encore liées par les liens du PACS, n’est-ce pas ? Thérèse ne peut pas penser que le droit français autorise un partenaire à se délier, de manière aussi brutale ! Carole manigançait cela depuis des mois et vient seulement de l’avertir !

Conseillez et rassurez Thérèse de votre mieux.

Résolution du cas

Thérèse nous consulte. Elle est liée à un pacte civil de solidarité avec Carole depuis 2018. Les deux femmes sont aujourd’hui séparées, car Carole souhaite se marier avec une autre personne. Cette nouvelle inquiète Thérèse, qui veut y voir plus clair sur certains points :

  • Pourra-t-elle obtenir le remboursement des échéances du prêt qu’elle a avancées aux fins d’acquérir un immeuble d’investissement pour Carole ?
  • Est-elle tenue au paiement des pensions alimentaires dues par Carole ?
  • Le PACS peut-il réellement prendre fin par le mariage de Carole ? Le cas échéant, Thérèse peut-elle prétendre à une compensation ?

Plusieurs questions nous intéressent, aussi bien s’agissant des effets que de la dissolution du pacte civil de solidarité. Il faudra donc d’une part s’intéresser au sort du remboursement effectué par Thérèse et donc au devoir d’aide matérielle (I), puis à la question de la potentielle solidarité entre partenaires (II). Le cas invite d’autre part à revenir sur la possibilité d’une dissolution du PACS par le mariage et sa possible compensation (III).

I - Le sort du remboursement de l'immeuble d'investissement

Thérèse a remboursé intégralement les échéances d’un prêt contracté par Carole pour acquérir un immeuble d’investissement. Malgré les demandes de Thérèse, Carole refuse de rembourser sa compagne, au prétexte qu’il s’agit de sa participation à l’aide matérielle due entre partenaires. Cet argument est-il valable ? Est-ce qu’une autre voie légale existe pour obtenir le remboursement des sommes ?

Il faut donc raisonner en deux temps : est-ce que les sommes payées par Thérèse intègrent l’aide matérielle entre partenaire (A) ? En cas de réponse négative, Thérèse peut-elle réclamer une créance contre Carole (B) ?

A - L'aide matérielle

Le pacte civil de solidarité est « un contrat conclu par deux personnes » (art. 515-1 c. civ.) qui entraîne l’application d’un embryon de régime primaire, sur le modèle du mariage (comp. art. 212 et s. c. civ.). Certaines dispositions s’imposent aux partenaires et sont donc d’ordre public (Cons. const., 9 nov. 1999, n° 99-419 DC).

C’est le cas de l’aide matérielle que se doivent les partenaires. Il s’agit d’une forme allégée de la contribution aux charges du mariage, connue des époux (comp. art. 214 c. civ.). L’alinéa 1er de l’article 515-4 du code civil indique ainsi que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à […] une aide matérielle et une assistance réciproque. Si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives. »

L’article ne dit rien sur ce que recouvre cette « aide matérielle ». La jurisprudence comme la doctrine préconisent une analogie avec la contribution aux charges du mariage de l’article 214 du code civil. Ainsi, chaque époux doit participer, à hauteur de ses facultés respectives – sauf convention contraire – aux dépenses ordinaires et nécessaires aux besoins de la vie familiale, mais encore les dettes d’agrément et de loisir. Par exemple, l’aide matérielle joue pour le remboursement intégral des prêts ayant servi à financer l’acquisition du logement familial (Civ. 1re, 27 janv. 2021, n° 19-26.140), mais non pour les dépenses d’investissement (pour une analogie avec le mariage : Civ. 1re, 5 oct. 2016, n° 15-25.944).

En l’espèce, Carole soutient que les sommes avancées par Thérèse pour l’acquisition de l’immeuble d’investissement relèvent de sa participation à l’aide matérielle entre partenaires. En effet, l’acquisition de ces immeubles est nécessaire à Carole, qui vit des loyers procurés par ses investissements immobiliers. Il faut préciser qu’aucune clause particulière n’a été ajoutée au régime légal, donc rien n’est dit sur les facultés contributives de chaque partenaire.

L’aide matérielle englobe les dettes ordinaires nécessaires aux besoins de la vie courante. En l’espèce, il ne s’agit pas du logement familial, mais d’un investissement immobilier. Si l’on raisonne par analogie avec le régime primaire des époux, une telle dépense est exclue des charges du mariage, car il ne s’agit pas d’une dépense ordinaire participant aux besoins de la vie courante. Même si Carole considère qu’il s’agit de ses revenus, une telle dépense participe à l’enrichissement de Carole, qui n’est pas dans le besoin.

Il faut donc rassurer Thérèse : l’aide matérielle entre partenaires ne joue pas pour cette somme. Notre devoir de conseil nous oblige à lui présenter une voie légale lui permettant d’obtenir le remboursement de ces échéances.

B - Le remboursement des créances entre partenaires

Si l’aide matérielle n’englobe pas les sommes avancées par Thérèse, cela signifie qu’il serait possible pour elle d’en demander le remboursement. Sur quel fondement légal ?

Les partenaires ont le choix, au moment de la conclusion de leur pacte, ainsi que durant son existence, entre le régime légal de la séparation de biens et le régime conventionnel de l’indivision d’acquêts. Lorsque les partenaires optent pour le régime légal de la séparation de biens, les biens acquis par les partenaires leur demeurent personnels (art. 515-5, al. 1er c. civ.), sauf impossibilité de justifier d’une propriété exclusive (al. 2), le bien étant alors considéré comme acquis par moitié. Il faut préciser que la propriété d’un bien découle du titre de propriété et non du mode de financement de ce bien.

Un problème se pose lorsqu’un partenaire acquiert un bien, au moyen de sommes fournies par l’autre partenaire. Est-ce que le partenaire prêteur peut obtenir le remboursement des sommes avancées de la part du partenaire acquéreur ? L’article 515-7, alinéa 11 du code civil semble l’admettre : « sauf convention contraire, les créances dont les partenaires sont titulaires l’un envers l’autre sont évaluées selon les règles prévues à l’article 1469 ».

Cela signifie qu’en principe, lorsqu’il existe un transfert de deniers d’un patrimoine à un autre, le partenaire prêteur possède une créance à l’encontre du partenaire acquéreur.

En l’espèce, la lecture de l’énoncé permet d’y voir plus clair. D’une part, l’immeuble en cause est la propriété de Carole. L’énoncé ne laisse aucun doute là-dessus, car il précise qu’il s’agit du « gagne-pain » de Carole, et Thérèse ne revendique aucune propriété sur ce bien. C’est donc le nom de Carole seul qui doit apparaître sur le titre de propriété. D’autre part, Thérèse ne semble pas animée d’une intention libérale : aucun indice ne laisse transparaître la volonté de donner, sans contrepartie, les sommes pour que Carole acquiert l’immeuble. Enfin, rien n’est dit, dans la convention de PACS, du règlement des créances entre partenaires.

L’immeuble en cause se trouve donc dans le patrimoine de Carole, qui a été enrichi, et le patrimoine de Thérèse a été appauvri par le paiement des échéances du prêt de financement. Il y a donc eu transfert de valeur entre les deux patrimoines des partenaires, qui se traduira, lors de la liquidation, par une créance entre partenaires.

II - La solidarité légale entre partenaires

Le deuxième point sur lequel Thérèse nous alerte est le paiement de la pension alimentaire au profit de Rindy, la fille de Carole et de Harge. Absorbée par son futur mariage, Carole oublie de payer la pension. Harge se tourne alors vers Thérèse pour en demander le paiement. Cette dernière est-elle tenue au paiement d’une telle dette ?

Lorsque l’on évoque les relations pécuniaires entre les partenaires et un tiers, c’est la question de l’obligation à la dette qui est envisagée : qui peut être actionné pour payer la dette du créancier ? Cette question se règle, dans le régime du PACS, par la solidarité aux dettes ménagères de l’article 515-4 du code civil (comp. pour le régime primaire : art. 220 c. civ.).

Les partenaires sont solidairement tenus pour les dettes contractées « pour les besoins de la vie courante » (al. 2 in limine). Les besoins de la vie courante doivent être compris de manière plus restreinte que l’aide matérielle de l’article 515-4, al. 1er du code civil : il s’agit exclusivement des dettes nécessaires à la vie de tous les jours, à « l’entretien du ménage et l’éducation des enfants » pour reprendre les termes de l’article 220 en matière de solidarité des époux. Cela signifie que les dettes contractées par un époux engage l’autre, si ces dettes visent les dépenses nécessaires à la vie courante. Cela exclut les dépenses de loisir ou d’agrément, les dépenses d’investissement, etc. Cette solidarité est cependant exclue pour les dépenses manifestement excessives, ou encore pour les emprunts et les achats à tempérament (art. 515-4, al. 2 c. civ. in fine).

Il faut enfin préciser que selon l’article 515-5, al. 1er in fine du code civil, chacun des partenaires « reste seul tenu des dettes personnelles nées avant ou pendant le pacte, hors le cas du dernier alinéa de l’article 515-4 » du code civil, présenté juste au-dessus. En d’autres termes, la dette qui est personnelle à un époux ne peut pas obliger l’autre partenaire à la rembourser. C’est par exemple le cas des dettes de réparation d’un préjudice (Civ. 1re, 9 janv. 2008 rendu sur le fondement de l’art. 220 c. civ.).

En l’espèce, Harge, l’ex-mari de Carole, souhaite actionner Thérèse afin qu’elle paye la pension alimentaire destinée à Rindy, en lieu et place de Carole.

Thérèse n’ayant pas contracté cette dette, le seul mécanisme permettant à Harge de réclamer le paiement de cette dette est la solidarité ménagère de l’alinéa 2 de l’article 515-4 du code civil. Or, le paiement d’une pension alimentaire à destination de l’enfant d’un premier lit du partenaire ne semble pas viser les besoins de la vie courante. En effet, la vie quotidienne de Thérèse et de Carole n’est pas affectée par cette dette. Surtout, il est possible de justifier cette décision par le fait que cette dette a été contractée avant la conclusion du PACS, et qu’elle ne concerne que Carole personnellement (art. 515-5, al. 1er c. civ.).

Dès lors, Thérèse ne devrait pas être inquiétée par le paiement de cette dette.

III - La possibilité d'une dissolution du PACS par mariage

Thérèse nous demande si Carole peut, sans son accord, se marier avec André et ainsi dissoudre unilatéralement le PACS (A). Dans l’affirmative, elle considère qu’une telle rupture est brutale. Pourrait-elle obtenir des dommages-intérêts (B) ?

A - La dissolution du pacte civil de solidarité

La question de la dissolution du pacte civil de solidarité est réglée par l’article 515-7 du code civil. Son alinéa 1er indique que « le pacte civil de solidarité se dissout par la mort de l’un des partenaires ou par le mariage des partenaires ou de l’un d’eux. En ce cas, la dissolution prend effet à la date de l’événement ». La dissolution du PACS par le mariage de « l’un » des partenaires avec un tiers est bien prévue par le texte.

Cette faculté de dissolution n’est conditionnée par aucune formalité, sauf celles inhérentes au mariage lui-même. Une fois le mariage conclu, « l’officier de l’état civil du lieu d’enregistrement du pacte civil de solidarité ou le notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte, informé du mariage […] par l’officier de l’état civil compétent, enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités de publicité » (al. 2). Cela signifie donc que, lorsqu’un partenaire décide de se marier, soit avec son autre partenaire, soit un tiers, aucune information ne doit être réalisée. L’accord de l’autre partenaire, dans le cas du mariage avec un tiers, n’est pas requis.

Le PACS demeure une union contractuelle, qui lie les partenaires que pour le temps de leur coopération patrimoniale. Le mariage est une union civile et institutionnelle primant sur le PACS. D’ailleurs, une telle solution est justifiée par la valeur juridique donnée à la liberté matrimoniale : obliger le partenaire désavoué à consentir à la dissolution du PACS reviendrait à restreindre de manière disproportionnée la liberté du mariage.

Carole est donc dans son droit et peut se marier avec André si les conditions du mariage sont respectées. Thérèse ne pourra pas s’y opposer, car le droit français ne le lui permet pas. Carole n’avait même pas à informer Thérèse de son projet matrimonial. Par principe, ce sera à l’officier de l’état civil – en l’absence de contrat notarié – d’aviser Thérèse de la conclusion du mariage de Carole et donc de la dissolution du PACS, car le PACS se dissout automatiquement à la date du mariage.

B - La réparation de la rupture brutale du pacte civil de solidarité

Thérèse ne compte pas en rester là et considère que la rupture est brutale. Est-il possible pour elle d’obtenir réparation d’une telle rupture ?

L’article 515-7, alinéa 10, du code civil ouvre la porte au versement de dommages-intérêts si l’un des partenaires estime avoir subi un préjudice du fait de la rupture. Cela signifie qu’en principe, la rupture même du PACS n’est pas fautive mais libre, comme nous l’avons vu au-dessus. Il s’agit ici de raisonner de la même manière qu’en matière de fiançailles ou de concubinage : la rupture est libre, mais si une faute se greffe à cette rupture et cause un préjudice, alors le partenaire éconduit peut en demander réparation (Montpellier, 4 janv. 2011, n° 10/00781). C’est au partenaire lésé de prouver l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité (en application de la responsabilité délictuelle de l’article 1240 du code civil). Il s’agira donc d’apporter la preuve d’une rupture brutale, imprévisible, causant un préjudice moral et/ou matériel…

Il faut noter que le PACS étant une union à visée patrimoniale, le partenaire éconduit ne peut pas se fonder sur les devoirs que se doivent les époux. Ainsi, il n’existe aucun devoir d’assistance ni de fidélité entre les partenaires (contra, pour une décision isolée et critiquée : TI Lille, 7 sept. 2009).

En l’espèce, Thérèse devra donc justifier d’une faute de la part de Carole. D’une part, elle ne pourra pas obtenir des dommages-intérêts du fait de l’infidélité avérée de Carole, qui l’a trompée avec André. En effet, contrairement à l’article 212 du code civil pour les époux, les partenaires ne sont pas tenus à un devoir de fidélité. D’autre part, elle ne pourra pas obtenir de dommages-intérêts du fait de la brutalité ou de l’imprévisibilité de la rupture. En effet, elle a été avertie par Carole avant son mariage, la rupture n’a donc pas été, en elle-même, imprévisible ou brutale. Elle pourrait en revanche invoquer un préjudice moral du fait du refus de Carole de se marier avec elle, même s’il s’agit ici d’une illustration de la liberté matrimoniale, et non une faute.

Même si le juge qualifie la rupture de brutale, Thérèse n’a pas subi de préjudice matériel et son préjudice moral est léger. La réparation sera symbolique.