La notion d’établissement industriel en impôts directs locaux (fiche thématique)

Introduction

Les terrains et bâtiments utilisés à des fin professionnelles sont, en principe, passibles, chez le propriétaire, de la taxe foncière (sur les propriétés bâties ou non bâties) et, chez l’exploitant, de la cotisation foncière des entreprises. Ces deux impôts prennent pour assiette la valeur locative desdits biens qui est calculée différemment selon qu’il s’agit de locaux commerciaux ou d’établissements industriels. Il est donc primordial de déterminer ce qu’il faut entendre par « établissement industriel ».

Sur ce point, l’article 1500 I A du Code général des impôts (commenté au BOFIP n° BOI-IF-TFB-20-10-50-10 du 14/06/2023) distingue, en se fondant sur le critère central de l’importance des moyens techniques, deux types d’établissements présentant un caractère industriel. Sont, ainsi, regardés comme tel, d’une part, les bâtiments et terrains servant à l'exercice d'une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite d'importants moyens techniques et, d’autre part, les bâtiments et terrains servant à l'exercice d'activités autres que celles de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessitent d'importants moyens techniques lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant.

Jusqu’à il y a peu, la législation ne prévoyait pas d’autres conditions pour qu’un établissement soit éligible à une telle qualification. Les choses ont changé à compter du 1° janvier 2020. Le Code général des impôts (CGI) prévoit, en effet, désormais, que lorsque la valeur des installations techniques, matériels et outillages présents dans les bâtiments ou sur les terrains et destinés à l'activité ne dépasse pas la somme de 500 000 €, ces bâtiments et terrains ne peuvent être regardés comme présentant un caractère industriel pour l’application des impôts directs locaux.

Il convient, donc, d’étudier les deux types d’établissement industriel (I) et d’examiner l’instauration d’un seuil discriminant à compter de 2020 en matière de valeur des moyens techniques (II).

I – Les deux types d'établissement industriel

L’article 1500 I A du CGI distingue deux types d’établissements industriels : les premiers sont ceux qui exercent une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers (A), les seconds sont ceux qui réalisent d’autres activités (B). Dans les deux cas, les activités doivent nécessiter d’importants moyens techniques.

A – Les bâtiments et terrains servant à l'exercice d'une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers

Selon l’article 1500 I A 1° al. du CGI, « revêtent un caractère industriel les bâtiments et terrains servant à l'exercice d'une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite d'importants moyens techniques. » Deux critères caractérisent, ainsi, ce premier type d’établissement industriel.

En premier lieu, il doit s’agir d’usines et d’ateliers où s’effectuent, à l’aide d’un outillage relativement important, la transformation des matières premières, ainsi que la fabrication ou la réparation de biens corporels mobiliers. Il s’agit, notamment, d'usines et d’industries lourdes (métallurgie, automobile, …), d’ateliers de manufacture (menuiseries, …), d’installations de production ou de transformation d’énergie (installations hydroélectriques, centrales nucléaires, incinérateurs, …), d'alvéoles d'enfouissement des déchets (avec extraction du biogaz) ou, encore, d'installations de production de denrées alimentaires (abattoirs, pressoirs, …).

En second lieu, il convient que l’activité réalisée nécessite d’importants moyens techniques. Ce critère s’apprécie de façon quantitative et dans l’absolu, en retenant le prix de revient des biens. Les moyens techniques à considérer sont ceux qui concourent directement à l’exercice de l’activité principalement mise en œuvre dans l’établissement. En sont donc, par exemple, exclus les moyens afférents aux fonctions administratives (matériel et mobilier de bureau) ou aux fonctions exercées hors de l’enceinte de l’établissement (matériel de transport). Ce critère conduit le juge à lister, dans chaque espèce, les moyens techniques à prendre en compte avant de vérifier si le total de leur valeur brute comptable est important. La capacité de production découlant des moyens techniques fait, également, partie des critères d'appréciation de l'importance des moyens techniques.

B - Les bâtiments et terrains servant à d'autres activités que la fabrication et la transformation de biens corporels mobiliers

En vertu de l’article 1500 I A 2° al. du CGI, « revêtent également un caractère industriel les bâtiments et terrains servant à l'exercice d'activités autres que celles mentionnées au premier alinéa du présent A qui nécessitent d'importants moyens techniques lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant. »

Ici, il s’agit d’établissements ayant d’autres activités que la fabrication et la transformation de biens corporels mobiliers. Mais, pour qu’ils soient qualifiés d’industriels, il convient que deux critères cumulatifs soient réunis : d’une part, le critère, déjà vu, de l’importance des moyens techniques, d’autre part, le critère lié au rôle prépondérant des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre dans l'exercice de l’activité. Ce second critère ne peut se réduire à une approche purement quantitative fondée sur le coût financier des différents facteurs techniques. Ce qui compte, au contraire, est que ces moyens techniques jouent un rôle prépondérant, déterminant pour ainsi dire, dans le processus de production. En d’autres termes, le critère de la prépondérance du rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre doit être démontré uniquement au regard du processus de production dans lesquels ils interviennent (aspect qualitatif), sans prendre en compte le rapport existant entre la valeur au bilan de la société de ces installations techniques, matériels et outillages et celle des constructions (aspect quantitatif).

Concrètement, ces établissements peuvent réaliser soit des opérations d’extraction (carrière de pierres, par exemple), soit des opérations de manipulation de biens corporels ou des prestations de services. Ces dernières activités peuvent, par exemple, concerner : les marchands en gros utilisant notamment des engins de levage de grande puissance tels que des grues, ponts roulants et monte-charge ou des installations de stockage de grande capacité telles que réservoirs et silos ; les blanchisseries automatiques et teintureries ; les entrepôts de stockage à sec à grande échelle, entrepôts logistiques, entrepôts réfrigérés, raffineries ; ou, encore, certaines professions effectuant des opérations de préparation et de conditionnement et qui font appel à un outillage particulièrement important (marchands de vins, de carburants, de combustibles liquides en gros, …). Ces exemples d’activités ne sont pas exhaustifs et dépendent d’une appréciation de la situation de fait au cas par cas.

II – L'instauration d'un seuil discriminant afférent à la valeur des moyens techniques

Le législateur a instauré, à compter du 1°/01/2020, un seuil de moyens techniques en deçà duquel les bâtiments et terrains ne revêtent pas un caractère industriel. L’article 1500 I B 1 prévoit en effet : « lorsque la valeur des installations techniques, matériels et outillages présents dans les bâtiments ou sur les terrains et destinés à l'activité ne dépasse pas un montant de 500 000 €, ces bâtiments et terrains ne revêtent pas un caractère industriel. » Ce seuil s’applique aux deux types d’établissements d’industriels. Son dépassement à la hausse ne constitue, toutefois, pas une présomption du caractère industriel des bâtiments et terrains : en d’autres termes, si un établissement respecte le seuil de 500 000 €, celui-ci ne sera qualifié d’industriel que s’il répond, par ailleurs, à l’une des deux définitions posées à l’article 1500 I A (voir I).

La mise en œuvre de cette nouvelle disposition suppose, alors, de déterminer les installations, matériels et outillages à retenir (A) et les modalités d’appréciation du seuil de 500 000 € (B).

A – Les installations, matériels et outillages pris en compte

Les moyens techniques, à prendre en compte pour l’appréciation du seuil de 500 000 €, comprennent les installations techniques, matériels et outillages qui interviennent directement ou indirectement dans le processus de fabrication, de transformation, de manipulation de biens corporels ou de prestation de services. Il s’agit, d’une part, des installations techniques, matériels et outillages proprement dits et, d’autre part, des biens d’équipement spécialisés, c’est-à-dire des immobilisations servant spécifiquement à l’exercice de l’activité professionnelle.

Plus précisément, sont visés les équipements ayant pour support le bâtiment ou le terrain (par exemple, les équipements de sécurité, de réfrigération, …), ainsi que les matériels et outillages mobiles utilisés dans le cadre de l’activité (réseau informatique intégré, engins de levage, …). Il s’agit par exemple : des matériels industriels (notamment, l’ensemble des équipements et machines utilisés pour l’extraction, la transformation, le façonnage, le conditionnement des matières ou fournitures, ou les prestations de services) ; des outillages industriels ; des agencements et aménagements des matériels et outillages industriels ; d’autres immobilisations corporelles, comme des installations générales, agencements, aménagements divers, certains matériels de transport, certains matériels de bureau et informatique ou certains mobiliers spécialisés.

Pour être pris en compte dans l’appréciation du seuil de 500 000 €, les installations techniques, matériels et outillages doivent respecter deux grandes conditions (art. 1500 I B 2 du CGI). D’une part, ils doivent être à la disposition de l’exploitant pour les besoins de l’activité réalisée, qu’ils soient sa propriété ou mis à sa disposition à titre onéreux ou à titre gratuit (location, sous-location, concession, crédit-bail, prêt, location-gérance, gérance-mandat, ...). D’autre part, ils doivent avoir été détenus et présents dans le bâtiment ou sur le terrain pour une durée totale d’au moins six mois au cours de la période de référence. Cette période de référence est, selon le cas, l’année civile précédant celle au titre de laquelle l’imposition est établie ou, en cas de clôture d’un exercice égal à douze mois au cours de cette même année, cet exercice. La durée de détention s’apprécie à la fin de la période de référence.

B – L'appréciation du seuil de 500 000 €

Pour l’appréciation du seuil de 500 000 €, la valeur des moyens techniques correspond à leur prix de revient, c’est-à-dire à la valeur d’origine inscrite au bilan du propriétaire ou de l’exploitant. Lorsque ces installations, matériels et outillages font l’objet d’une location ou d’une mise à disposition gratuite, leur valeur correspond également à la valeur d’origine inscrite au bilan de l’entreprise exerçant l’activité de location ou les mettant à disposition. Si cette valeur n’est pas communiquée à l’exploitant, il doit en effectuer une estimation par tous moyens utiles.

L’évolution du montant des moyens techniques n’a d’effet sur la qualification de l’établissement qu’en cas de franchissement du seuil de 500 000 €, à la hausse ou à la baisse, sur trois années consécutives (art. 1500 I B 1 2° et 3° al. du CGI).  Ainsi, le franchissement à la hausse est pris en compte lorsque ce montant est dépassé pendant chacune des trois années précédant celle au titre de laquelle l’imposition est établie. Dans le sens contraire, le franchissement à la baisse du seuil est pris en compte lorsque ce montant n’est pas dépassé pendant les trois années précédant celle au titre de laquelle l’imposition est établie.

Ce constat d’un franchissement du seuil ne peut être fait que par l’exploitant. Aussi, lorsque l’exploitant est différent du propriétaire, le premier doit en informer le second avant le 1er février de l’année au cours de laquelle le seuil est franchi (art. 1500 I D du CGI).Le propriétaire doit, alors, informer l’administration fiscale du changement d'affectation dans les quatre-vingt-dix jours de sa réalisation définitive en déposant soit une déclaration modèle U si l’établissement vient à être qualifié d’industriel, soit une déclaration d’un local à usage professionnel si l’établissement perd cette qualification.