Introduction
Les taxes foncières, jadis qualifiées, avec la taxe d’habitation, de « taxes locales ménagères », sont perçues au profit de certaines collectivités locales. A la différence de la seconde, elles viennent frapper non pas le fait de disposer du bien immobilier, mais le fait de le posséder au 1° janvier de l’année d’imposition.
Plus précisément, les taxes foncières viennent frapper, l’une les propriétés bâties, l’autre les propriétés non bâties, situées en France, dont le contribuable est propriétaire, sous réserve d’exonérations, limitativement énumérées par la loi, pour certains biens.
Ces deux taxes ont pour base la valeur locative des propriétés bâties et non bâties, cette valeur étant censée représenter le loyer annuel qu’elles produiraient si elles étaient louées. Cette valeur est calculée différemment selon la nature et l’affectation des biens en cause. Elle fait l’objet d’une évaluation initiale, puis évolue en fonction de la survenance de certains changements et d’actualisations.
Il convient, donc, d’étudier les principes communs (I) et d’analyser, ensuite, la taxe foncière sur les propriétés bâties (II) et la taxe foncière sur les propriétés non bâties (III).
I – Les principes communs
Les taxes foncières sur les propriétés bâties et sur les propriétés non bâties relèvent de quatre grands principes.
a / Lieu d’imposition : toute propriété foncière, bâtie ou non bâtie, doit être imposée dans la commune où elle est située.
b / Redevable de la taxe : il s’agit du propriétaire, qu’il soit une personne physique ou une personne morale ; en revanche, certaines situations font l’objet de règles particulières ; par exemple :
- lorsque l’immeuble est grevé d’un usufruit, la taxe est établie au nom de l’usufruitier,
- en cas de bail emphytéotique, de bail à construction, de bail réel solidaire ou de bail à réhabilitation, la taxe foncière est à la charge du preneur,
- la taxe foncière afférente à des biens construits par le locataire sur le terrain loué est due par le locataire jusqu'à l'expiration du bail, sauf clause de transfert immédiat de la propriété de ces biens au propriétaire du terrain.
c / Annualité de l’impôt : la taxe foncière est établie pour l’année entière d’après les faits existant au 1° janvier de l’année d’imposition ; en d’autres termes, tout propriétaire d’un bien immobilier au 1° janvier en est redevable même s’il se dessaisit dudit bien en cours d’année.
d / L’établissement de la taxe : les collectivités territoriales et les EPCI dotés d'une fiscalité propre votent chaque année le taux des deux taxes foncières ; l’administration fiscale applique, ensuite, ce taux à la base d’imposition qu’elle a établie afin de déterminer le montant de la taxe effectivement due (auquel s’ajoutent des frais de gestion prélevés au profit de l’État en contrepartie de son rôle dans l’assiette et le recouvrement dudit impôt) ; les taxes foncières sont établies et perçues par voie de rôle mis en recouvrement avant la fin de l'année à laquelle ils se rapportent.
II - La taxe foncière sur les propriétés bâties
Cette première taxe foncière s’applique aux propriétés bâties situées en France (A) et obéit à certaines modalités d’imposition (B).
A – Le champ d'application
Certaines propriétés sont imposables (1) quand d’autres sont exonérées (2).
1 - Les propriétés imposables
Les propriétés imposables comprennent les constructions proprement dites, ainsi que différents biens qui leurs sont assimilés.
a / Les constructions proprement dites : elles peuvent se définir comme les constructions fixées au sol à perpétuelle demeure et présentant le caractère de véritables bâtiments ; il faut comprendre par-là que la construction doit être reliée au sol de telle façon qu’il soit impossible de la déplacer sans la démolir ; sont, également, compris dans cette première catégorie les aménagements faisant corps avec les constructions.
b / D’autres biens sont assimilés à des propriétés bâties ; l’on peut, notamment, citer :
- les installations destinées à abriter des personnes ou des biens (ateliers, hangars, …) ou à stocker des produits (réservoirs, cuves, silos, …),
- les ouvrages en maçonnerie présentent le caractère de véritables constructions (cheminées d’usines, ouvrages servant de support aux moyens matériels d’exploitation, …),
- les ouvrages d’art et les voies de communication, à l’exception des voies publiques,
- certains sols sont, fiscalement, regardés comme des propriétés bâties :
- sols des bâtiments de toute nature et terrains formant une dépendance indispensable et immédiate de ces constructions,
- terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel (chantiers, carrières, mines, … faisant l’objet d’une exploitation industrielle),
- terrains, cultivés ou non, utilisés pour la publicité commerciale ou industrielle.
2 – Les propriétés exonérées
La loi prévoit un certain nombre d’exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties : celles-ci peuvent être permanentes ou temporaires, totales ou partielles, de plein droit (sans intervention des collectivités bénéficiaires) ou facultatives (sujettes à délibération des collectivités).
a / Bénéficient d’une exonération permanente :
- les propriétés publiques, c’est-à-dire les immeubles de l’Etat et des collectivités locales lorsqu’ils sont affectés à un service public ou d’utilité générale et non productifs de revenus,
- les bâtiments qui servent aux exploitations rurales (granges, écuries, greniers, … destinés à loger les bestiaux ou à conserver les récoltes) affectés de manière permanente et exclusive à un usage agricole,
- les outillages et autres installations et moyens matériels d’exploitation des établissements industriels (à l’exception des installations foncières et des ouvrages d’art et voies de communication),
- les immobilisations destinées à la production d’électricité d’origine photovoltaïque,
- les édifices affectés à l’exercice public d’un culte,
- …
b / Relèvent d’une exonération temporaire :
- les constructions nouvelles, reconstructions et additions de construction (2 ans) :
- pour les immeubles d’habitation, l’exonération est, en principe, totale, mais les communes peuvent, pour la part qui leurs revient, la limiter et l’EPCI à fiscalité propre peut la supprimer,
- pour les autres immeubles, l’exonération s’applique à hauteur de 40 % de la base imposable, à l’exclusion de la part revenant au groupement de communes,
- les immeubles situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville sauf délibération contraire des collectivités pour une durée de cinq ans,
- certaines constructions neuves de logements sociaux affectés à l’habitation principale et qui sont financés au moyen de prêts spéciaux ou de subventions sous conditions,
- les entreprises créées ou reprises pour les établissements qu’elles ont créés ou repris pour une durée comprise entre deux et cinq ans à compter de l’année suivant celle de leur création ou de leur reprise et sur délibération des collectivités bénéficiaires,
- les immeubles des jeunes entreprises innovantes qui réalisent des projets de recherche et de développement sur décision des collectivités et pour sept ans,
- …
B – Les modalités d'imposition
La base d’imposition de la taxe foncière sur les propriétés bâties correspond à la valeur locative cadastrale du bien, diminuée d’un abattement forfaitaire pour frais de 50 %. Cette valeur doit, d’abord, être déterminée initialement (1), puis être adaptée en fonction de la survenance de certains changements (2) et faire l’objet d’actualisations périodiques (3). Des mesures d’exonération sont, également, prévues (4).
1 - La valeur locative de base
La valeur locative de base est déterminée de façon différente selon la nature et l’affectation des biens.
a / Les locaux d’habitation : la valeur locative est déterminée par comparaison avec celle de locaux de référence choisis dans la commune pour chaque nature et catégorie de locaux qui est elle-même fonction du cours des loyers ; cette valeur locative résulte, en principe, de la dernière révision générale des évaluations foncières de 1974 effectuée sur la base des valeurs de 1970 et dont les résultats ont été actualisés une seule fois en 1980.
b / Les locaux professionnels (locaux à usage commercial ou artisanal, locaux servant à l’exercice d’une activité professionnelle non commerciale, …) : la valeur locative est déterminée, depuis 2017, selon une grille tarifaire par mètre carré fixée à partir des loyers moyens constatés dans chaque secteur d’évaluation par catégorie de propriétés à la date de référence du 1° janvier 2013.
c / Les établissements industriels : ceux-ci relèvent de la méthode comptable lorsqu’ils figurent à l’actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant et que celui-ci est soumis à l’impôt sur les bénéfices selon un régime réel ; la valeur locative est ici égale à une quote-part du prix de revient du bien qui est, elle-même, fonction de la date d’acquisition du bien.
2 - La constatation annuelle des changements
L’évaluation initiale est mise à jour chaque année en fonction des changements qui affectent les propriétés ; certains changements sont à déclarer par le contribuable, d’autres sont constatés par l’administration fiscale.
a / Les changements à déclarer par le contribuable (dans les 90 jours de la réalisation définitive du changement) : constructions nouvelles, changements de consistance ou d’affectation, changements d’utilisation des locaux professionnels, changements de méthode d’évaluation des locaux industriels, changements de catégorie des locaux d’habitation.
b / Les changements constatés par l’administration : changements de caractéristiques physiques ou d’environnement.
3 - Les actualisations périodiques
Les valeurs locatives sont actualisées selon des modalités qui varient en fonction de la nature des locaux.
a / Les locaux d’habitation et établissements industriels : la valeur locative fait l’objet d’une actualisation triennale ; mais, une seule est intervenue en 1980 ; aussi, les actualisations triennales qui auraient dues intervenir ultérieurement ont été remplacées par des revalorisations forfaitaires annuelles.
b / Les locaux professionnels : les paramètres d’évaluation sont actualisés tous les six ans ; dans l’intervalle de deux actualisations, les tarifs sont mis à jour chaque année, en vue de l’établissement des impositions de l’année suivante, par application des coefficients d’évolution aux derniers tarifs publiés ; ces coefficients sont calculés à partir de l’évolution des loyers constatés chaque année ; la valeur locative des locaux professionnels est, ensuite, mise à jour chaque année par application du nouveau tarif par mètre carré à la surface pondérée du local.
4 – Les exonérations et dégrèvements spéciaux
La loi fiscale prévoit certaines mesures permettant d’exonérer ou de limiter le montant de la taxe. Deux exemples peuvent être cités.
a / Les personnes âgées ou invalides de condition modeste sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties afférente à leur habitation principale ; sont concernées :
- les titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité,
- les personnes âgées de plus de 75 ans au 1er janvier de l'année de l'imposition dont le revenu fiscal de référence de l'année précédente n'excède pas 12 455 € pour la première part et 3 326 € pour chaque demi-part supplémentaire,
- les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) dont le revenu fiscal de référence de l'année précédente n'excède pas les mêmes seuils.
b / Le plafonnement en fonction du revenu : les contribuables qui ne bénéficient pas des mesures d'exonération totale et dont le revenu fiscal de référence de l'année précédente n'excède pas un certain montant bénéficient, sur réclamation, du dégrèvement de la taxe foncière afférente à leur habitation principale pour sa fraction excédant 50 % de ce revenu ; pour les impositions établies au titre de 2024, le dégrèvement est accordé aux contribuables dont le revenu fiscal de référence de 2023 n'excède pas la somme de 29 288 € pour la première part de quotient familial, majorée de 6 843 € pour la première demi-part supplémentaire et 5 387 € à compter de la deuxième demi-part.
III - La taxe foncière sur les propriétés non bâties
Comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties, il convient d’analyser le champ d’application de la taxe (A) ainsi que ses modalités d’imposition (B).
A – Le champ d'application
Certaines propriétés sont imposables (1) et d’autres sont exonérées (2).
1 – Les propriétés imposables
Cette seconde taxe foncière s’applique aux propriétés non bâties de toute nature situées en France, à l’exception de celles qui en sont exonérées par une disposition spéciale.
Elle est notamment due pour les terrains occupés par les chemins de fer, les étangs, les salines et marais salants, les serres affectées à une exploitation agricole, ainsi que pour ceux occupés par des carrières, mines et tourbières inexploitées (celles faisant l'objet d'une exploitation industrielle relèvent de la taxe foncière sur les propriétés bâties).
2 – Les propriétés exonérées
Certaines propriétés non bâties bénéficient d’une exonération permanente, d’autres d’une exonération temporaire.
a / Bénéficient d’une exonération permanente :
- et totale :
- les propriétés publiques de l’Etat et des collectivités locales affectées à un service public ou d’utilité générale et improductives de revenus,
- les voies publiques,
- les fleuves et rivières navigables ou flottables,
- …
- et partielle : uniquement les propriétés agricoles à hauteur de 20 % ; sont concernés, les terres, prés et prairies naturels, herbages et pâturages, les vignes, vergers et cultures fruitières d’arbres et arbustes, les bois, landes, lacs et étangs, …
b / Relèvent d’une exonération temporaire (applicables de plein droit ou sur décision des collectivités bénéficiaires) :
- terrains ensemencés, plantés ou replantés en bois,
- terrains plantés en arbres truffiers,
- terrains situés en zone humide,
- terrains situés dans un site Natura 2000 gérés dans le cadre d’un contrat ou d’une charte Natura 2000,
- …
B – Les modalités d'imposition
La base d’imposition de la taxe foncière sur les propriétés non bâties est constituée par la valeur locative cadastrale de la propriété, diminuée d’un abattement pour frais de 20 %. Celle-ci est calculée initialement (1), puis peut évoluer, chaque année, en fonction de la survenance de certains changements (2). Des mesures de dégrèvement sont aussi possibles dans certaines hypothèses (3).
1 - La valeur locative de base
La valeur locative de chaque parcelle résulte d’un tarif à l’hectare établi dans chaque commune par nature de culture ou de propriété. Ce tarif est issu de la révision générale des évaluations opérée en 1961, dont les résultats ont été actualisés à deux reprises (1974 et 1980). En l’absence d’actualisations par la suite, le tarif a été majoré chaque année à l’aide de coefficients forfaitaires fixés au niveau national.
2 - La constatation annuelle des changements
Chaque année, l’évaluation des propriétés non bâties est mise à jour pour tenir compte de certains changement.
a / Changements à déclarer par le contribuable : changements de consistance ou d’affectation (par exemple, changement durable de nature de culture).
b / Changements à constater par l’administration : changements de caractéristiques physiques (érosion, …) ou d’environnement (amélioration des dessertes, notamment).
3 – Les dégrèvements
Trois exemples peuvent être donnés.
a / En cas de disparition d'un immeuble non bâti par suite d'un événement extraordinaire (inondation, avalanche, rupture d'un barrage), le dégrèvement de la taxe foncière est accordé au contribuable à partir du premier jour du mois suivant la disparition, sur réclamation.
b / En cas de perte de récoltes sur pied par suite de grêle, gelée, inondation, incendie ou autres événements extraordinaires (sécheresse, maladies, …), il est accordé au contribuable, sur réclamation, un dégrèvement de la taxe foncière afférente, pour l'année en cours, aux parcelles atteintes, en proportion de la perte subie ; le dégrèvement est également accordé, s'il y a lieu, pour les années suivantes au cours desquelles les effets du sinistre continuent à se faire sentir.
c / En cas de perte de bétail par suite d'épizootie, l'exploitant peut demander un dégrèvement de la taxe foncière correspondant au montant des pertes subies sur son cheptel, à condition de présenter une attestation du maire de sa commune, accompagnée d'un certificat dûment établi par le vétérinaire traitant.
