Les buts de l'administration

L'administration exerce deux grandes missions : le service public et la police administrative. Activités d’intérêt général prises en charge par des personnes publiques ou par des personnes privées, les services publics visent à procurer des biens ou des services aux administrés. La police administrative a, elle, pour but d'assurer un certain ordre social en veillant à concilier la préservation de l'ordre public et le respect des libertés publiques.

Une interdiction générale et absolue à l’épreuve de la jurisprudence Benjamin (CE, sect., 04/05/1984, Préfet de police c/ M. Guez)

Le régime applicable aux mesures de police administrative repose, essentiellement, sur la maxime selon laquelle « la liberté est la règle et la restriction de police l’exception ». Il s’ensuit un contrôle très poussé, dit maximum, qui conduit à regarder comme illégales les mesures excessives. C’est l’une d’elles qui est en cause en l’espèce, à savoir une interdiction générale et absolue. 

La jurisprudence Benjamin, pièce maîtresse du contrôle de la police administrative (CE, 19/05/1933, Benjamin)

Pendant longtemps, le Conseil d’Etat a fait primer les exigences du maintien de l’ordre public lorsqu’il avait à apprécier la légalité d’une mesure de police administrative. L’affermissement d’un Etat libéral durant la première moitié du XX° siècle devait, cependant, le conduire à accorder une place croissante au respect des libertés publiques. C’est une conciliation entre ces deux impératifs, parfois contradictoires, que la Haute juridiction opère en l’espèce.

Burkini et laïcité : les liaisons dangereuses (CE, ord., 26/08/2016, Ligue des droits de l'homme c/ Commune de Villeneuve-Loubet)

Le droit ne peut pas tout, et il est bon qu’il en soit ainsi. Le droit caractérise une norme édictée par la puissance publique légitime. Les normes que la société s’impose à elle-même sont d’une autre nature. Cependant, le droit peut être instrumentalisé aux fins de parvenir à un résultat qu’il n’avait pas lui-même prévu. Dans ce cas, le juge est, en première intention, le destinataire des frictions entre les attentes sociales et les prescriptions du droit. L’ordonnance rendue par le Conseil d’État le 26 août 2016, Commune de Villeneuve-Loubet, dans l’affaire du burkini en témoigne.

La dignité humaine, une composante de l’ordre public (CE, ass., 27/10/1995, Commune de Morsang-sur-Orge)

La police administrative traduit particulièrement bien ce que la notion de prérogatives de puissance publique peut recouvrir. Activité purement normative, la police administrative confère à l’autorité publique la capacité de restreindre la liberté des individus. C’est parce que la police constitue une prérogative exorbitante qu’elle doit être maintenue dans des limites strictes. L’extension des objectifs pouvant justifier une mesure de police est toujours source d’incertitudes, comme en témoigne le très célèbre arrêt CE, Ass, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge.

Le Conseil d’État et la laïcité : toute la loi, rien que la loi (arrêts : CE, ass., 19/07/2011, Commune de Trélazé ; Communauté urbaine du Mans ; Fédération de la libre pensée et de l’action sociale du Rhône ; Commune de Montpellier ; Mme Vayssière)

Inscrite en 1905 dans le droit positif, la laïcité connaît aujourd’hui un souffle nouveau. De nombreux arrêts ont récemment redéfini les contours du principe de laïcité. La série de 5 arrêts rendus le 19 juillet 2011 par l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État est topique de cette dynamique. Il s’agit des arrêts CE, Ass, 19 juillet 2011, Commune de Trélazé (req. n°308544) ; Communauté urbaine du Mans (req. n° 309161) ; Fédération de la libre pensée et de l’action sociale du Rhône (req. n°308817) ; Commune de Montpellier (req. n°313518) et Mme Vayssière (req. n° 320796).

La loi sur le port de signes religieux à l'école devant le Conseil d’Etat (CE, 5/12/2007, M. Singh)

La France est, aux yeux de beaucoup, un pays bien à part. Parmi ses monuments les plus emblématiques, figure, sans aucun doute, le principe de laïcité qui régit le fonctionnement de ses services public. En vertu de ce principe, la sphère publique et la sphère religieuse doivent être strictement ( ? ) séparées, de sorte que l’une ne peut s’immiscer dans les affaires de l’autre. Cette question, encore centrale aujourd’hui, s’est longtemps cristallisée autour du port de signes religieux par les élèves dans les établissements scolaires publics. C’est cette question qu’aborde le Conseil d’Etat en l’espèce.

Un strict devoir de neutralité pour les membres de l’enseignement public (CE, avis, 3/05/2000, Mlle. Marteaux)

Les exigences tenant à la laïcité des services publics occupent une place croissante dans le débat public depuis la fin des années 1980. Tantôt source de controverses à visées politiciennes, tantôt objet de débats honorables quant au modèle du « service public à la française », ces questions ont longtemps concerné les usagers des services publics, et notamment les élèves des collèges et lycées publics. L’affaire Mlle. Marteaux déplace le débat vers les agents du service public, en l’occurrence, ici, celui de l’enseignement.

La légalité des différences de tarifs d’une école de musique (CE, sect., 26/04/1985, Ville de Tarbes ; CE, sect., 29/12/1997, Commune de Nanterre)

Les municipalités jouent un rôle de plus en plus crucial dans la satisfaction des besoins collectifs. Cette fonction les amène, régulièrement, à créer, à côté des services publics obligatoires, divers services publics administratifs à caractère facultatif, tels que des crèches, des cantines ou, encore, des écoles de musique. Afin d’en permettre un accès facilité, il est fréquent qu’elles pratiquent des modulations tarifaires en fonction du domicile ou des revenus des familles. Se pose, alors, la question de la légalité de ces différences de tarifs au regard du principe d’égalité devant le service public. C’est cette question qu’a à trancher le Conseil d’Etat dans les arrêts Ville de Tarbes et Commune de Nanterre.

Une approche restrictive de la qualification de service public (CE, sect., 3/12/2010, Ville de Paris et Ass. Paris Jean Bouin)

La France se caractérise par l’importance de ses services publics. Cependant, ces derniers ne sont pas tous gérés par des personnes publiques. Le secteur privé y contribue également. L’évolution de la société civile a amené les pouvoirs publics à composer avec elle pour offrir au mieux aux citoyens certains services publics. Le juge administratif veille à cette répartition opérée par les personnes publiques.

Subventions écologiques et congrégations religieuses : le Conseil d'Etat a tranché ! (CE, 26/11/2012, ADEME)

La question du financement des cultes fait régulièrement l’objet de débats dans la société française. En la matière, la règle fondamentale a été posée par l’article 2 de la loi du 9/12/1905. Celui-ci dispose : « la République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucune culte ». Est ainsi posée l’interdiction pour une personne publique de fournir, sous quelque forme que ce soit, une aide à l’exercice d’un culte. Au-delà de cette prohibition de principe, l’état du droit apparaît plus nuancé. L’affaire des subventions accordées par l’ADEME aux congrégations religieuses pour l’installation de dispositifs d’économie d’énergie en est l’illustration.

Les centres de formation des associations sportives ne gèrent pas une mission de service public (CE, 8/03/2012, Ass. Nice Volley Ball)

L’identification des services publics a toujours constitué une question centrale en droit administratif, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer le juge compétent. Essentielle au début du XX° siècle en raison de la place occupée par la notion de service public, cette question joue encore, de nos jours, un rôle majeur dans la jurisprudence administrative. L’arrêt Ass. Nice Volley Ball constitue une illustration particulièrement didactique des modes d’identification des services publics gérés par des personnes privées.