Le droit administratif peut être défini comme le droit qui encadre les activités de l’administration. S’il fut essentiellement d’origine jurisprudentielle au départ, il est, de nos jours, fortement nourri par d’autres types de normes (Constitution et droit international, notamment). La nature particulière des missions administratives, que sont le service public et la police administrative, explique, cependant, que la puissance publique bénéficie de pouvoirs exorbitants, dont on trouve des ramifications tant au niveau de l’acte administratif unilatéral que du contrat administratif. Pour autant, l'administration demeure soumise au contrôle du juge administratif et peut voir sa responsabilité engagée.
Les grands principes de la responsabilité administrative ont été posés il y a déjà fort longtemps. Rares sont les arrêts récents qui viennent instaurer de nouveaux régimes en la matière. Tel est le cas de l’arrêt GIE Axa Courtage de 2005 qui a consacré un régime de responsabilité sans faute fondé non pas sur le risque, mais sur la notion civiliste de garde. L’arrêt présentement commenté vient, utilement, compléter ce régime.
Les manifestations, quels qu’en soient les objectifs, les mouvements de grève et autres rassemblements tendent à s’accentuer ces dernières décennies. Il n’est pas rare, qu’à leur occasion, des troubles et des dommages, aussi bien corporels que matériels, soient commis. Lorsque de tels préjudices sont causés, les victimes peuvent obtenir réparation de la part de l’Etat sur la base de la loi du 7 janvier 1983 qui institue un régime de responsabilité sans faute du fait des attroupements et rassemblements. C’est ce qu’il est arrivé dans l’affaire Cie. d’assurances Les Lloyd’s de Londres.
La fin du siècle dernier a été riche en décisions rendue à propos de la responsabilité du fait des services de santé. Deux arrêts ont particulièrement marqué les esprits. Le premier est l’arrêt Epoux V (CE, ass., 10/04/1992) par lequel le Conseil d’Etat a abandonné l’exigence d’une faute lourde pour engager la responsabilité des services médicaux. Le second est l’arrêt présentement commenté : celui-ci concerne l’indemnisation de l’aléa thérapeutique.
La réinsertion des personnes ayant, pour une raison ou pour une autre, rencontré des difficultés dans leur parcours de vie est une question devenue centrale dans nos sociétés contemporaines. Les méthodes avec lesquelles ce travail est effectué ont évolué dans le sens d’une plus grande ouverture sur le monde extérieur. L’arrêt présentement commenté est l’occasion pour le Conseil d’Etat de préciser les charges que la collectivité doit assumer en contrepartie des risques que cette nouvelle façon de procéder comporte.
La plupart des activités administratives se traduisent par un bénéfice pour les administrés. Il arrive, toutefois, que certaines d’entre elles causent un dommage aux citoyens du fait de la réalisation d’un risque qu’une personne publique leur a légalement fait courir. En pareille hypothèse, le juge administratif admet que la responsabilité sans faute pour risque de l’Etat puisse être engagée. L’arrêt Consorts Lecomte est l’occasion pour le Conseil d’Etat de donner une nouvelle illustration de ce régime de responsabilité.
Si la seconde moitié du XX° siècle n’a offert que peu d’affaires en matière de responsabilité sans faute de l’Etat du fait des lois ou des conventions internationales, il existe, ces derniers temps, une prolifération d’arrêts du Conseil d’Etat dans ce domaine. L’arrêt Bizouerne, objet du présent commentaire, en est l’une des multiples illustrations, et concerne une autre prolifération … celle des cormorans.
La prise en compte du droit international par le juge administratif est allée en s’accroissant depuis le milieu du XX° siècle, que ce soit sur le plan de l’excès de pouvoir ou sur le plan indemnitaire. L’arrêt Mme Saleh est l’occasion pour le Conseil d’Etat d’appliquer un illustre régime de responsabilité sans faute à la coutume internationale.
Les conventions internationales ont pris une place croissante dans les sources de la légalité en droit administratif. La Constitution de 1958 leur reconnaît, ainsi, une autorité supérieure à celle des lois. Il était donc logique que la jurisprudence administrative appréhende ce phénomène en reconnaissant une responsabilité sans faute de l’Etat lorsqu’une telle convention cause un préjudice à un administré. C’est ce que fait le Conseil d’Etat en l’espèce.
Imprégnée des conceptions des révolutionnaires de 1789, la loi a, longtemps, été, en France, un acte intouchable. Ce n’est que très récemment que celle-ci a été astreinte à un contrôle de constitutionnalité et soumise au respect des engagements internationaux. L’arrêt Société « La Fleurette » rendu par le Conseil d’Etat en 1938 participe de ce mouvement en reconnaissant, pour la première fois, la possibilité d’engager la responsabilité sans faute de l’Etat du fait des lois.
La responsabilité sans faute est probablement l’une des spécificités les plus remarquables de la responsabilité administrative. Elle peut se fonder sur le risque ou sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques. L’affaire relative à M. Couitéas est l’occasion pour le Conseil d’Etat d’illustrer la seconde hypothèse de ce type de responsabilité lorsqu’une décision administrative régulière cause un dommage.
Pendant longtemps, le Conseil d’Etat refusait, à propos des persécutions antisémites commises durant l’Occupation, de reconnaître à la charge de l’Etat une faute de nature à engager sa responsabilité. Il faudra attendre l'arrêt Papon rendu en assemblée en 2002 par la Haute juridiction pour que cette position soit abandonnée. Le présent avis vient compléter cet arrêt de principe.
Pendant longtemps, les victimes des persécutions antisémites commises par le Gouvernement de Vichy ne pouvaient obtenir réparation de leur préjudice que via des mécanismes spéciaux d’indemnisation. Le juge administratif refusait, en effet, de condamner l’Etat à raison de ces actes motif pris qu’ils avaient été accomplis par un « gouvernement de fait » et que, par suite, la responsabilité de l’Etat républicain ne pouvait être engagée. L’arrêt Papon est l’occasion pour le Conseil d’Etat de mettre fin à cette fiction juridique.