Les sources de la légalité

Les sources de la légalité administrative correspondent à l'ensemble des règles qui encadrent l'activité de l'administration. Même si la jurisprudence du Conseil d’État conserve un rôle central en la matière (au travers des PGD, notamment), la Constitution de 1958 et le droit international, avec au premier rang le droit communautaire et le droit européen, y ont pris une place croissante depuis 1958. A côté, la loi et le règlement apparaissent comme des sources mineures du droit administratif.

La théorie des circonstances exceptionnelles (CE, 28/02/1919, Dames Dol et Laurent)

Il est des théories que l’on regarde comme des monuments célèbres, mais inanimés de la jurisprudence administrative. Un regard qui, toutefois, se trouve bien vite bousculé lorsque des crises viennent lui redonner vie et rappeler, dans le même temps, que rien n’est jamais acquis. La théorie des circonstances exceptionnelles, qu’illustre l’arrêt du 28 février 2019, est l’une d’elles.

Des PGD pour encadrer les expérimentations sur les morts (CE, ass., 02/07/1993, Milhaud)

Le respect de la personne humaine est, probablement, l’une des valeurs les plus essentielles aux yeux des sociétés contemporaines. Il n’est donc pas surprenant que le droit s’en soit saisi, que ce soit par voie législative ou par voie jurisprudentielle (par exemple : consécration du respect de la dignité de la personne humaine par l’arrêt CE, ass., 27/10/1995, Commune de Morsang-sur-Orge). L’arrêt Milhaud du 2/07/1993 est, ici, l’occasion pour le Conseil d’Etat d’ouvrir à cette valeur les portes de son œuvre la plus noble : celle des principes généraux du droit.

Le principe général du droit au reclassement (fiche thématique)

De nos jours, le droit du travail connaît des régressions certaines, du fait de la prédominance des thèses économiques libérales, certes respectables, mais dont rien ne vient contrebalancer l’autorité que lui accordent (ou qu’elles s’arrogent) les classes politiques dirigeantes. Il arrive, cependant, de temps à autre, que, dans cet océan de reflux des droits sociaux, sous le joug d’un paradigme idéologique dont la légitimité est, dans un pays démocratique, par nature, contestable, émergent des îlots progressistes : la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de droit au reclassement en constitue un exemple.

Le contrôle de la procédure de ratification des traités internationaux (CE, ass., 18/12/1998, SARL du Parc d’activités de Blotzheim)

Le Conseil d’Etat a longtemps hésité à reconnaître au droit international toute la place que la Constitution du 4/10/1958 lui accorde. Ce n’est qu’en 1989 qu’il a, en effet, par le célèbre arrêt Nicolo, donné sa pleine portée à l’article 55 de la Charte fondamentale en faisant prévaloir les traités internationaux sur les lois mêmes postérieures. L’arrêt SARL du Parc d’activités de Blotzheim constitue l’une des conséquences directes de ce qui constitua, sans aucun doute, un tournant majeur dans la jurisprudence administrative de la fin du XX° siècle.

Le contrôle de conventionnalité des lois IVG (CE, ass., 21/12/1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques)

Le droit international joue, dans les sociétés contemporaines, un rôle majeur pour pacifier les relations entre Etats et garantir les droits des citoyens. Afin de lui accorder toute sa place en droit interne, la Constitution de 1958 a prévu, en son article 55, que les traités internationaux ont une autorité supérieure à celle des lois. Ce principe de primauté trouve, en l’espèce, une application des plus didactiques.

Le principe général des droits de la défense (CE, sect., 05/05/1944, Dame Veuve Trompier-Gravier)

Au printemps 1944, Paris n’est pas encore libéré que le Conseil d’Etat rend un arrêt dans lequel il étend certains droits individuels. La Haute Juridiction pose le principe général des droits de la défense. Certes, ce principe est sans rapport direct avec l’occupation. Mais il garantit aux citoyens le respect par l’administration de certains droits.

Le PGD interdisant l’extradition d’un réfugié vers son pays d’origine (CE, ass., 1°/04/1988, Bereciartua-Echarri)

En raison des nombreux conflits qui parsèment le monde, la question des réfugiés occupe une place centrale de nos jours. Si l’autorité politique n’a pas, encore, pris la mesure de la gravité de la situation, la jurisprudence administrative s’est, elle, de longue date enrichie d’un corpus de règles leurs apportant des garanties élémentaires, même si, bien sûr, ces dernières ne peuvent, à elles seules, pallier leurs souffrances. L’arrêt présentement commenté marque une étape de plus dans la construction de cet édifice jurisprudentiel.        

La jurisprudence Nicolo ne bénéficie pas à la coutume internationale (CE, ass., 6/06/1997, Aquarone)

Au long du XXe siècle, la communauté internationale a mis en place de plus en plus de juridictions pour régler les différends entre Etats par le droit et non plus la guerre. Afin de garantir leur indépendance, les fonctionnaires de ces organisations internationales bénéficient de certaines garanties et avantages, dont l’immunité fiscale.

Le PGD interdisant de licencier une salariée enceinte (CE, ass., 8/06/1973, Dame Peynet)

Rares sont les créations jurisprudentielles auxquelles un juge doit plus qu'il ne pouvait le présager initialement. Les principes généraux du droit sont de cette veine. S'ils ne sauraient résumer à eux seuls l'épopée entreprise par le juge administratif à la fin du XIX° siècle, ils sont sans aucun doute sa plus belle réalisation, celle par laquelle son rôle de garant des droits et libertés s'est le mieux affirmé. Le litige opposant Mme. Peynet au préfet du Territoire de Belfort est l’occasion pour le Conseil d'Etat d'en donner une nouvelle illustration.

L’accueil de la Charte de l’environnement par le Conseil d’Etat (CE, ass., 3/10/2008, Commune d’Annecy)

Le droit de l’environnement vit une époque importante. Jamais, depuis la prise de conscience des enjeux écologiques, son évolution ne fut à la fois si rapide et si attendue. Si l’activité normative est intense au niveau international, la plupart des grandes démocraties des pays économiquement développés ont placé les objectifs environnementaux au sommet de leur ordre juridique. C’est cette évolution qu’accompagne le Conseil d’État avec l’arrêt CE, Ass, 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, req. n° 297931.

QPC et droit communautaire : l’entremise du Conseil d’Etat (CE, 14/05/2010, M. Rujovic)

On peut mesurer la richesse et le dynamisme d’un ordre juridique à son ouverture normative, aux rapports de système qu’il établit et à la complexité qui en découle. De façon générale, cette « ouverture cognitive » d’un ordre juridique coïncide souvent avec un approfondissement de la protection des droits. C’est ce qu’affirme, une fois encore, la décision CE, 14 mai 2010, Senad Rujovic, ci-dessous commentée.