La nature de l’acte juridique, en général, et de l’acte administratif unilatéral (AAU) en particulier, est une question complexe. Elle est complexe, car paradoxale. D’un côté, la nature de l’acte administratif unilatéral semble frappée par l’évidence de sa dénomination. D’un autre côté, en revanche, une étude plus approfondie démontre que chacun des termes qui la compose est équivoque. La combinaison de ce qu’ils recouvrent précisément ajoute à la difficulté. L’arrêt annoté CE, 21 mars 2016, Fairvesta, propose une nouvelle approche de la notion de droit souple, plus conforme au pragmatisme et aux nécessités de l’administration active.

La société Fairvesta, requérante dont le siège est en Allemagne, émet des produits financiers et d’investissement, soit directement, soit par l’intermédiaire de ses filiales nationales ou étrangères. L’Autorité des marchés financiers (AMF) est chargée d’une mission générale de surveillance, de contrôle et de sanction dans le domaine financier. Elle exerce une fonction générale de protection de l’intérêt général. Bien qu’autorité indépendante, elle n’en demeure pas moins l’un des visages de l’administration, spécifiquement économique. Au titre de cette mission, l’AMF a publié sur son site internet, à partir de 2011, plusieurs mises en garde et avertissements contre les produits commercialisés par les sociétés du groupe Fairvesta. Par courrier datant de 2013, la société a présenté à l’AMF une réclamation préalable visant à la réparation des préjudices financiers qu’elle estimait avoir subis du fait de la publication de ces mises en garde par l’Autorité. Cette dernière ayant refusé de faire droit à la demande, la société a présenté à la juridiction administrative un recours en plein contentieux concluant à la réparation de son préjudice économique. Les sociétés du groupe ont, en parallèle, introduit un recours en excès de pouvoir contre la décision du Président de l’AMF de rectifier les communiqués litigieux. Le Conseil d’État a saisi le Tribunal des conflits de la question de l’ordre de juridiction compétent pour connaître des demandes. Par une décision du 16 novembre 2015 (req. n° C4026), le Tribunal a jugé que les recours portés contre les communiqués litigieux ressortissaient de la compétence de la juridiction administrative. C’est à l’issue de cette procédure que le Conseil d’État a rendu l’arrêt annoté.

L’apport essentiel de l’arrêt réside dans la redéfinition de l’acte administratif unilatéral que l’assemblée du Conseil d’État opère. Il admet que les communiqués, les lignes directrices et les autres instruments d’orientation de l’action administrative puissent faire l’objet, sous certaines conditions, d’un recours en excès de pouvoir : « Considérant que les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance ; que ces actes peuvent également faire l'objet d'un tel recours, introduit par un requérant justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu'ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ».

Cette solution souligne le caractère ambigu de la nature de l’acte de droit souple (I), qui nécessite que soient déterminées avec précision les conditions de recevabilité des recours dirigés contre eux (II).

  • I - La nature ambiguë du droit souple émis par l’administration
    • A - Les antécédents favorables au droit souple des administrations
    • B - L’absence de caractère décisoire
  • II - L’extension des conditions de la recevabilité des recours contre le droit souple de l’administration économique
    • A - L’admission d’une approche conséquentialiste
    • B - Les adaptations du cadre du contrôle
  • CE, ass., 21/03/2016, Société Fairvesta International GMBH

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