Comme le rappelle la Pr. Jacqueline Morand-Deviller, citant le Doyen Maurice Hauriou, les mesures d’ordre intérieur « sont destinées à régir l’organisation et le fonctionnement interne des services » (J. Morand-Deviller, Droit administratif, LGDJ, 16e Ed., p. 345 et Maurice HAURIOU, Précis de droit administratif et de droit public, Dalloz, 12e réédition, 2002). Ces dernières font évidemment partie d’une palette d’outils de l’administration au sein de la catégorie juridique des « actes administratifs unilatéraux ». L’acte administratif unilatéral est, sans nul doute, l’un des principaux procédés de l’action administrative puisqu’il permet, dans le cadre de prérogatives de puissance publique, d’adopter unilatéralement une décision qui a plus ou moins de conséquences juridiques. Il faut évidemment distinguer les actes administratifs créateurs de droits et d’obligations, des actes administratifs non-exécutoires tels que les mesures d’ordre intérieur (MOI).
La classification de tous ces actes administratifs est parfois délicate à déterminer et leurs conséquences juridiques ne sont pas identiques. Il faut préciser notamment que seule une décision créatrice de droit – aussi appelée « décision faisant grief » – pourra être contestée légalement devant le juge administratif.
En l’espèce, une contrôleuse principale des finances publiques s’est rendue début août 2017 au sein de la direction spécialisée des finances de l’Assistance Publique/Hôpitaux de Paris où elle était affectée jusqu’à la fin du mois. Par un courrier, le directeur a listé les congés dont elle devait bénéficier tout en lui demandant de restituer la clef du local syndical, du panneau d’affichage syndical et son badge. Par la même, il lui a interdit de se présenter dans ces mêmes locaux. L’agent public a décidé de porter l’affaire devant le tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande d’annulation de la décision pour excès de pouvoir. De la même façon, la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris a rejeté la contestation de ce jugement. C’est pourquoi la contrôleuse a finalement décidé de se pourvoir en cassation en demandant au Conseil d’État de se prononcer.
Comme dans d’autres affaires bien connues, le Conseil d’État a dû vérifier si la décision contestée pouvait être qualifiée de MOI ou si, au contraire, de par son contenu, elle faisait grief et pouvait être contestée devant le juge administratif.
Pour la Haute-juridiction, il est clair que cette décision s’apparente à un acte faisant grief et que la CAA a commis une erreur de droit à la qualifiant de simple mesure d’ordre intérieur. Cette nouvelle jurisprudence confirme le recul des MOI en droit administratif français (I), entrainant de facto une meilleure protection juridictionnelle pour les citoyens (II).
- I - Le témoignage d’un recul persistant des MOI en droit administratif français
- A - Les actes faisant grief : des critères dégagés par le juge
- B - La persistance résiduelle des MOI dans certains secteurs
- II - Une meilleure protection juridictionnelle pour les citoyens
- A - Le contrôle d’atteintes graves aux droits et libertés
- B - La garantie d’un meilleur accès au juge administratif
- CE, 10/12/2021, Hôpitaux de Paris