Les nombreuses réformes de ces dernières années, à commencer par celle, très récente, issue de la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, illustrent la prise de conscience française quant à la nécessité de protéger les majeurs vulnérables tout en préservant leur autonomie.
La vulnérabilité est définie comme étant une faiblesse personnelle, qui va conduire à une rupture d’égalité avec les autres individus, prise en compte par le Droit. Elle peut être liée au jeune âge (il s’agit alors des mineurs), ou à l’altération des facultés physiques ou mentales. Circonstance aggravante en droit pénal (article 222-4 du Code pénal), elle conduit à une réduction de la capacité d’exercice en droit civil. Au contraire, la capacité de jouissance reste pleine et entière, la personne vulnérable continuant d’être titulaire de tous ses droits, même si elle doit parfois être assistée voire représentée dans leurs exercices, quand ils comportent des risques pour elle.
Historiquement appelés par le Code civil des « aliénés » puis des « incapables », le vocabulaire est devenu moins stigmatisant en droit des personnes par l’usage des termes « majeurs protégés » à compter de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Au-delà de ce changement de sémantique, la loi précitée a conduit à ce que la protection des majeurs vulnérables ne soit pas exclusivement portée sur leur patrimoine, mais également sur leur droits fondamentaux et leur dignité. Ainsi l’article 415 du Code civil dispose désormais que « les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne ». Pour cela, il est nécessaire de préserver, autant que possible, l’autonomie de la personne vulnérable, tout en ne la laissant pas se mettre en danger.
Toutefois, le droit ne peut pas se focaliser uniquement sur les intérêts de la personne vulnérable, et doit également prendre en compte les intérêts des tiers, sans quoi personne n’accepterait jamais de conclure un acte juridique avec des majeurs protégés. Le droit français doit ainsi trouver un équilibre entre les intérêts de chacun, tout en veillant à protéger plus spécialement les majeurs vulnérables.
Ainsi, la question se pose de savoir comment le droit des personnes permet-il de protéger les personnes vulnérables tout en préservant leur autonomie.
Afin de répondre à cette question, il conviendra d’envisager tant le cadre (I) que les droits (II) mis en place par le législateur afin de concilier ce délicat équilibre entre protection et liberté s’agissant du majeur vulnérable.
- I – Le cadre protecteur des majeurs vulnérables
- A – Les outils juridiques protecteurs des majeurs vulnérables
- B – Les organes protecteurs des majeurs vulnérables
- II – Les droits protégés des majeurs vulnérables
- A – La protection des droits extrapatrimoniaux des majeurs vulnérables
- B – La protection des droits patrimoniaux des majeurs vulnérables