Depuis le début des années 2000, la France s’est engagée dans un important mouvement de privatisation de ses autoroutes. En effet, la majeure partie d’entre-elles est désormais concédée à des sociétés à capitaux privés. Cette tendance n’est pas sans conséquences juridiques, les contrats conclus par les sociétés concessionnaires d’autoroute relevant, généralement et jusqu’à très récemment, de la compétence du juge administratif. Le juge des conflits a été amené à se prononcer sur la pertinence de cette compétence pour les contrats passés entre une société concessionnaire et une autre personne privée.

En l’espèce, la société Autoroutes du Sud de la France (ASF) a conclu avec une personne privée (Mme A.), le 23 avril 1990, un contrat prévoyant la réalisation de différentes esquisses d’œuvres d’art. La sculpture retenue – si la société ASF était choisie comme concessionnaire de l'autoroute A 89 et si elle trouvait satisfaction parmi les projets présentés – devrait être implantée ensuite sur une aire de repos de cette voie autoroutière. Le décret du 7 février 1992 a désigné la société ASF comme concessionnaire de l’A 89. Le projet d’œuvres d’art est cependant abandonné par la société concessionnaire, qui en informe Mme A., par un courrier en date du 7 juin 2005. La réalisatrice des esquisses d’œuvres d’art souhaite donc demander réparation des préjudices qu’elle aurait subi, mais la Cour de cassation considère que le juge judiciaire qu’elle a saisi n’est pas compétent pour statuer sur les modalités d’exécution de ce contrat. De la même manière, la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris relevait, dans un arrêt du 21 octobre 2014, l’incompétence du juge administratif et saisissait le tribunal des conflits.

Pour la juridiction des conflits, ce type de contrats conclus par une société concessionnaire d’autoroute, avec une personne privée, ne doit pas être regardé comme un contrat dans le cadre d’une action pour le compte de l’État. Les litiges relatifs à leur exécution relèveraient donc de la compétence du juge judiciaire. Le juge remet ainsi en cause une jurisprudence constante en la matière (I), tout en modulant l’application de ce revirement dans le temps avec une nouvelle répartition des compétences entre les juges administratif et judiciaire (II).

  • I - Une remise en cause de la jurisprudence Peyrot : la fin d’une exception au critère organique des contrats administratifs
    • A - La compétence du juge administratif retenue dans la jurisprudence Peyrot
    • B - L’identification nouvellement privilégiée par le juge des conflits à travers le critère organique
  • II - Les suites de l'arrêt Mme. Rispal : une répartition des compétences entre juges administratif et judiciaire variable dans le temps
    • A - Une ultime compétence du juge administratif pour le passé
    • B - Une compétence des juges administratif et judiciaire redéfinie pour l’avenir
  • TC, 9/03/2015, Mme. Rispal

Télécharger