La question de la compétence juridictionnelle et du droit applicable est consubstantielle de l’histoire du droit administratif. L’arrêt Blanco du Tribunal des conflits du 08/02/1873 avait semblé résoudre le problème en faisant du service public la clé pour déterminer la compétence du juge administratif. C’était sans compter l’apparition de services publics industriels et commerciaux (SPIC) majoritairement soumis au droit privé et à la compétence du juge judiciaire (TC, 22/01/1921, Société commerciale de l’ouest africain, dit Bac d’Eloka). S’est, donc, posée, à compter de ce moment, la question de la distinction entre ces services publics et les services publics administratifs (SPA) pour déterminer le juge compétent et le droit applicable. C’est cette question qui est en cause dans les deux affaires étudiées à propos du service extérieur des pompes funèbres.
La première a pour origine une erreur de cercueil fourni à M. Bouissoux pour les obsèques de son père. Celui-ci a demandé à la société Roblot des dommages et intérêts pour cette erreur devant le Tribunal d’instance de Paris. La société a, alors, appelé en garantie la ville de Paris qui lui avait fourni le cercueil. Estimant que l’affaire relevait de la compétence de la juridiction administrative, le commissaire de la République du département de Paris a saisi le Tribunal des conflits pour qu’il prenne position sur l’ordre juridictionnel compétent. Le 20/01/1986, celui-ci décide que, si le litige entre M. Bouissoux et la société Roblot relève de la compétence du juge judiciaire, l’action en garantie de cette société contre la ville de Paris relève du juge administratif dans la mesure où le service public extérieur des pompes funèbres constitue un service public administratif.
La seconde affaire porte sur le même service, mais il s’agit d’un avis demandé par le ministre de la Réforme de l’Etat, de la Décentralisation et de la Citoyenneté au Conseil d’Etat à la suite de l’intervention de la loi du 8/01/1993 qui a mis fin au monopole des communes en la matière et changé les modes de financement et de fonctionnement du service. La Haute juridiction conclut que le service extérieur des pompes funèbres constituera, à la fin de la période transitoire prévue par la loi, un service public industriel et commercial.
Ces deux affaires mettent clairement en relief les conséquences que peut avoir le changement des modes de financement et de fonctionnement d’un service public sur sa qualification. Avec le critère tiré de l’objet du service, ces deux critères constituent, en effet, les outils utilisés par le Conseil d’Etat pour déterminer la nature d’un service public et donc le juge compétent (CE, ass., 16/11/1956, Union syndicale des industries aéronautiques, dit USIA). Plus précisément, au terme de cet arrêt, tout service public est présumé administratif. Il n’est considéré comme industriel et commercial que si aux trois points de vue – objet, financement et fonctionnement – il ressemble à une entreprise privée.
Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, la nécessité de recourir à la jurisprudence USIA pour qualifier le service extérieur des pompes funèbres (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les incidences de la loi du 8/01/1993 sur la qualification dudit service (II).
- I – Un service public dont la qualification relève de la jurisprudence USIA
- A - L’absence de qualification législative rend nécessaire le recours à la jurisprudence USIA
- B - L’objet du service : un critère apprécié différemment en l’absence de modification
- II – Un service public dont la qualification est impactée par la loi du 8 janvier 1993
- A – Le mode de financement du service : de la taxe à la redevance
- B – Le mode de fonctionnement du service : du monopole à la pluralité des intervenants
- TC, 20/01/1986, SA Roblot
- CE, avis, 19/12/1995 (extrait)