Le service public constitue, à côté de la police administrative, l’une des deux activités de l’Administration. Cette notion est si importante qu’elle permet, au début du XX° siècle, de déterminer la compétence du juge administratif (TC, 8/02/1873, Blanco). Pour que le droit administratif s’applique il faut donc démontrer que l’on est en présence d’un service public, celui-ci se définissant, alors, comme une activité d’intérêt général gérée par une personne publique. Cependant, cette construction jurisprudentielle va vite être mise à mal. Le Conseil d’Etat supprime, ainsi, le critère organique en reconnaissant qu’une personne privée peut gérer un service public en dehors de toute délégation contractuelle (CE, ass., 13/05/1938, Caisse primaire « Aide et protection »). Se pose, alors, la question de l’identification du service public lorsqu’il est géré par une personne privée. Surtout, le Tribunal des conflits soumet toute une catégorie de services publics, les services publics industriels et commerciaux (SPIC), au droit privé et à la compétence du juge judiciaire (TC, 22/01/1921, Société commerciale de l’ouest africain). Il faut, dorénavant, distinguer ces services publics des services publics administratifs (SPA) qui, eux, restent soumis à la compétence du juge. C’est ce type de problème que soulève les deux arrêts qui nous sont proposés.
C’est une confusion de cercueil qui est à l’origine de la première affaire. Ainsi, Mr. Bouissoux demanda à la société Roblot des dommages et intérêts pour cette erreur devant la tribunal d’instance de Paris. Lui ayant donné raison le 16 décembre 1982, la ville de Paris fit appel devant la cour administrative d’appel de Paris. Estimant que l’affaire relevait de la compétence de la juridiction administrative en raison de la nature administrative du service, le commissaire de la République de Paris demanda au Tribunal des conflits de prendre position. La seconde affaire porte sur le même service, mais il s’agit d’un avis demandé par le ministre de la réforme de l’Etat au Conseil d’Etat. Ces deux affaires sont séparées par la loi du 8 janvier 1993 qui a mis fin au monopole des communes en la matière et a permis de concéder ce service. Dans la première affaire, le juge des conflits estime, le 20 janvier 1986, qu’il s’agit d’un SPA. Dans la seconde, le Conseil d’Etat estime, le 19 décembre 1995, qu’il s’agit d’un SPIC.
Ces deux affaires mettent clairement en relief les implications induites par les changements opérés en matière de financement et de fonctionnement du fait d’une loi. Ecartant toute qualification législative, le Tribunal des conflits qualifie le service extérieur des pompes funèbres de SPA. Il s’agit là d’une application classique des critères de distinction dégagés par le Conseil d’Etat dans son arrêt Union syndicale des industries aéronautiques (CE, ass., 11/11/1956). Au terme de celui-ci, tout service public est présumée administratif, sauf si aux trois points de vue – objet, financement, fonctionnement – le service public ressemble à une entreprise privée. Dans l’affaire Roblot, le juge estime qu’à ces trois points de vue, le service public se rapproche d’une Administration. Suite aux changements opérés par la loi de 1993, le Conseil d’Etat nous livre une toute autre qualification. Ainsi, jugeant l’objet et non plus le but du service, le juge administratif estime qu’il s’agit d’un SPIC. Ce jugement se trouve favorisé par la mode de financement du service, qui tient à une redevance, et ses modalités de fonctionnement, la possibilité de déléguer le service.
Il convient donc d’étudier dans une première partie l’incidence des dispositions législatives sur la qualification du service extérieur des pompes funèbres (I), et d’analyser dans une seconde partie le changement de régime juridique d’une même activité (II).
- I – L’incidence des dispositions législatives sur la qualification du service extérieur des pompes funèbres
- A – L’absence de qualification législative
- B – Les effets de la loi mettant fin au monopole en matière de services extérieurs des pompes funèbres
- II – Un nouveau
régime juridique pour une même activité
- A – Une nouvelle appréciation de l’objet du service
- B-Le régime juridique applicable
- TC, 20/01/1986, SA Roblot ; CE, avis, 19/12/1995