La jurisprudence distingue, traditionnellement, les services publics administratifs (SPA) et les services publics industriels et commerciaux (SPIC) sur la base de trois conditions : l’objet du service, son mode de financement et ses modalités de fonctionnement (CE, ass., 16/11/1956, USIA). Il est, cependant, des cas où la qualification, soit du service public, soit de l’organe gestionnaire, découle d’un texte. C’est cette hypothèse qui est en cause en l’espèce.
Dans cette affaire, l’établissement public Voies Navigables de France, chargé de la gestion du domaine public fluvial, a émis, le 02/08/2006, à l’encontre de la société Eurobarges un état exécutoire afin d’obtenir le paiement des péages dus par la société à raison de l’utilisation dudit domaine. Cette dernière a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a rejeté sa demande le 11/12/2009. La société a, alors, fait appel devant la Cour administrative d’appel de Versailles. Celle-ci a fait droit à sa requête le 17/11/2011. Un pourvoi en cassation a été intenté par Voies Navigables de France devant le Conseil d’Etat : celui-ci a, le 17/05/2013, annulé l’arrêt des juges d’appel.
Sur le fond, le problème concernait la question de la publication de la délibération par laquelle Voies Navigables de France fixe les tarifs des péages, le but étant de déterminer si celle-ci est ou non opposable à ses usagers. Le Conseil d’Etat devait, cependant, trancher, en amont, un autre problème : celui de la compétence de la juridiction administrative pour connaître du litige. En effet, Voies Navigables de France est qualifié d’établissement public industriel et commercial (EPIC) par la loi. Or, en application de la jurisprudence Bac d’Eloka (TC, 22/01/1921, So. commerciale de l’Ouest africain), les litiges qui opposent les services publics industriels et commerciaux à leurs usagers relèvent de la compétence du juge judicaire. Il est, cependant, traditionnellement, admis que de tels EPIC peuvent, à côté de leur mission de SPIC et malgré la qualification législative, gérer des services publics administratifs, dont le contentieux incombe, alors, au juge administratif. Cette hypothèse d’établissements publics, dits à double visage, était, par le passé, largement entendue. Dans l’affaire du 17/05/2013, le Conseil d’Etat inverse cette tendance : la Haute juridiction conforte, en effet, la portée de la qualification d’EPIC donnée par le législateur et limite le champ de leurs services publics pouvant être regardés comme administratifs.
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, le caractère industriel et commercial de principe des services publics gérés par Voies Navigables de France (I) et d’analyser, dans une seconde partie, la restriction du champ de ses services publics pouvant être regardés comme administratifs (II).
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I – En principe, Voies Navigables de France gère un SPIC
- A – Une qualification législative d’EPIC …
- B – … qui englobe l’ensemble de ses activités
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II – Accessoirement, Voies Navigables de France gère un SPA
- A – Une exception strictement entendue
- B – Une exception appliquée à Voies Navigables de France
- CE, 17/05/2013, Voies Navigables de France