Les règlements constituent, avec les lois, l'une des formes d'exercice du pouvoir d'édiction des normes générales et impersonnelles. En effet, alors que les décisions individuelles visent une ou plusieurs personnes nominativement désignées, les règlements s'adressent, eux, à des sujets de droit indéterminés. Bien que se situant dans la frange inférieure de la pyramide des normes, ils constituent une source à part entière du droit administratif dont la place est, d'ailleurs, allée en s'accroissant à mesure que les prérogatives du pouvoir exécutif s'affirmaient. L'histoire du règlement, apparaît, ainsi, consubstantiellement liée à celle des autorités administratives, de sorte que les bouleversements qui les ont traversés ont irrémédiablement impacté le pouvoir réglementaire lui-même. L'on peut en dénombrer deux.
L'histoire du règlement, c'est d'abord celle d'une lente, mais constante affirmation face à la loi. Réduites à la portion congrue par les révolutionnaires suite aux abus commis sous l'Ancien Régime, les prérogatives du pouvoir exécutif n'ont cessé depuis de s'étendre faisant de ce dernier, en termes d'emprise sur les questions politiques, le pouvoir prépondérant au détriment du Parlement. C'est, ainsi, qu'après que les révolutionnaires aient caressé le rêve d'une loi omnipotente, il fut très vite admis la nécessité d'un pouvoir réglementaire minimum, cantonné, dans un premier temps, à l'exécution des lois. Puis, à partir de la III° République, le pouvoir réglementaire est progressivement sorti de son rôle de simple exécutant grâce à l'instauration d'une pratique constitutionnelle, poursuivie sous la IV° République, par laquelle le pouvoir législatif habilitait le Gouvernement à intervenir sur des matières réservées à la loi. Cette pratique sera consacrée par la Constitution de 1958 via ce que l'on nomme les ordonnances. Surtout, cette dernière offrira au pouvoir réglementaire un domaine propre où la loi est censée, en principe, ne pas intervenir : l'on parle, dans ce cas, de pouvoir réglementaire autonome. Malgré ces évolutions, le règlement, qu'il soit d'exécution des lois ou autonome, demeure une norme seconde : il reste, en effet, subordonné tant à la Constitution et au droit international qu'à la loi et aux principes généraux du droit.
L'histoire du règlement, c'est, ensuite, celle d'une diversification de ses autorités. En effet, les bouleversements sociétaux et politiques, liés, notamment, à la construction européenne et au processus de décentralisation, ont entraîné l'émergence, à coté du Gouvernement, d'autorités administratives tierces. C'est, ainsi, qu'une partie du pouvoir nouvellement concentré entre les mains de l'exécutif central a presque immédiatement été redistribuée à ces autorités.
Il est, alors, possible d'étudier tour à tour la lente affirmation du règlement face à la loi (I) et la diversification des autorités détentrices d'un pouvoir réglementaire (II).
- I - Une affirmation certaine face à la loi, mais à jamais inachevée
- A - D'une négation à un consentement contraint et limité
- B - L'émergence d'un pouvoir réglementaire propre
- C - La consécration du pouvoir réglementaire
- D - Un pouvoir réglementaire qui échoue à s'imposer
- II – Une dispersion des compétences, reflet de l'évolution des structures administratives
- A - Chef de l’État et Premier ministre : une image fidèle du bicéphalisme de l'exécutif
- B – Les ministres : des éternels oubliés que le juge ne peut ignorer
- C - Les collectivités locales : le fruit de l'élan décentralisateur
- D – Les autres autorités réglementaires nationales : une illustration de la périphérisation du pouvoir
- E – Les institutions de l'Union européenne : le triomphe d'une construction politique