Le droit des contrats administratifs est fortement dérogatoire au droit commun des contrats. Il s’est constitué par sédimentation d’une jurisprudence plus que centenaire du Conseil d’État d’abord, puis des juridictions administratives ensuite. L’ensemble présente des traits saillants, au premier rang desquels se trouvent les règles qui régissent l’exécution des contrats administratifs et qui confèrent à l’administration des pouvoirs unilatéraux importants. Ces pouvoirs, issus de principes généraux du droit, et donc applicables même sans texte, signent le déséquilibre de la relation contractuelle qui s’établit entre la personne publique et son cocontractant. Pourtant, si l’édifice est solide, il n’est pas immuable. Il arrive, comme c’est le cas avec l’arrêt CE, 8 octobre 2014, Société Grenke Location, req. n°370664, que le Conseil d’État décide d’amoindrir quelque peu ce déséquilibre.

En l’espèce, la société Grenke Location et le MUCEM (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) ont conclu, le 10 avril 2008, un contrat par lequel la société Grenke location s'engageait à acheter auprès d'un fournisseur désigné cinq photocopieurs pour les donner ensuite en location au MUCEM pour une durée de soixante-trois mois moyennant un loyer trimestriel de 5 563 euros. À partir du mois de mai 2008, le MUCEM a cessé de verser les loyers correspondant. Presqu’un an plus tard, en mars 2009, la société a fait application des stipulations du contrat lui offrant la possibilité d’exciper d’une exception d’inexécution de ses obligations par le MUCEM pour résilier unilatéralement le contrat. Elle a également sollicité le paiement de l’indemnité de résiliation prévue par le contrat et la restitution du matériel loué. Face à l’inaction du MUCEM, la société Grenke location a saisi le Tribunal administratif de Strasbourg qui a rendu un jugement mettant à la charge de l’État une somme à régler au bénéfice de la société. Sur appel de l’État, la Cour administrative d’appel de Nancy à infirmé le jugement de première instance et a rejeté les conclusions de la société, au motif, notamment, que les stipulations relatives à la possibilité de résiliation unilatérale par la société étaient illégales car contraires au principe général du droit qui interdit ce bénéfice au cocontractant de l’administration. La société Grenke location s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État.

Le Conseil d’État annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel, en ce que cette dernière n’a pas recherché si l’exécution de la clause satisfaisait aux conditions de légalité qu’il détermine. Ce faisant, le Conseil revient sur une jurisprudence établie, selon laquelle, en principe, le cocontractant de l’administration ne peut invoquer l’exception d’inexécution pour se soustraire lui-même à ses obligations contractuelles.

L’arrêt Grenke Location, revient sur ce principe établi (I), mais avec une prudence telle que l’on peut s’interroger sur son effet concret (II).

  • I - L’ouverture théorique de l’exception d’inexécution au profit du cocontractant de l’administration
    • A - L’interdiction de soulever l’exception d’inexécution : tout pour la protection de l’intérêt général
    • B - L’atténuation raisonnée d’un principe ancien
  • II - Des modalités pratiques de mise en œuvre compliquées
    • A - Une protection substantielle du service public
    • B - Des protections procédurales importantes
  • CE, 8/10/2014, Société Grenke Location

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