En droit administratif, la notion de « service public » émerge comme une des deux activités principales de l’administration aux côtés de la police administrative. Le droit français démontre largement, au fil des dernières décennies, son attachement à ce concept tourné vers la satisfaction de l’intérêt général.
Plusieurs critères sont dégagés au fil du temps par la jurisprudence, pour permettre la reconnaissance du caractère de service public à un certain nombre d’activités. L’existence d’un réel intérêt général, comme critère finaliste, est évidemment nécessaire, mais également l’exercice de cette activité par une personne publique ou une personne privée sous le contrôle d’une personne publique, à savoir le critère organique. Enfin, le critère matériel est également évoqué, c’est-à-dire que le juge retient l’application de règles et moyens exorbitants du droit commun.
C’est à travers le célèbre arrêt Blanco (TC 8 février 1873, Blanco) que le Tribunal des conflits fait apparaitre la compétence des juridictions administratives pour connaitre des affaires relatives au service public. Il exclut de ce fait l’application du droit privé et la compétence du juge judiciaire.
Près de 50 ans plus tard, la même juridiction apportera une nouvelle solution particulièrement innovante en matière de service public, dans l’arrêt devenu particulièrement célèbre sur la Société commerciale de l’Ouest africain. En effet, dans cette affaire, la Société a assigné la colonie de Côte d’Ivoire, le 30 septembre 1920, devant le président d’un tribunal civil, concernant le préjudice qu’elle a subi sur l’une de ses voitures, lors d’un accident survenu sur le bac d’Eloka. Le lieutenant-gouverneur de la Côte d’Ivoire élève un conflit de juridictions. En conséquence, le 22 janvier 1921, le Tribunal des conflits reconnait la compétence de la juridiction judiciaire pour connaitre du litige avec ce service de transport géré par l’administration dès lors qu’il existe, dans le fonctionnement de celui-ci, des conditions voisines d’une entreprise du secteur privé.
Il faut voir dans l’arrêt du tribunal des conflits, l’émergence d’une nouvelle catégorie de services publics (I), tandis qu’une application rénovée de la solution apportée dans cette affaire verra le jour par la suite (II).
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I - L’émergence d’une nouvelle catégorie de services publics
- A - Le critère du fonctionnement semblable à celui d’une entreprise privée
- B - L’application d’un régime de droit privé : la compétence du juge judiciaire
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II - Une application rénovée de la solution apportée par l’affaire Bac d’Eloka
- A - L’apparition d’une véritable notion de service public industriel et commercial
- B - Une compétence du juge administratif maintenue dans certains cas
- TC, 22/01/1921, Société commerciale de l’Ouest africain