Comme le rappelle le Pr. Vincent Tchen, « les autorités de police administrative sont réputées prévenir une atteinte à l'ordre public ou, plus généralement, mettre fin à une situation d’illégalité. Leurs missions se distinguent donc de celles attribuées aux autorités de police judiciaire qui répriment un trouble déjà avéré ou doivent constater les infractions à la loi pénale, rassembler les preuves, et rechercher les auteurs (…). Cette distinction est nécessaire, car l'acte de police administrative est par principe soumis au respect du droit administratif, alors que les mesures prises dans le cadre d'une mission de police judiciaire sont régies par le Code de procédure pénale » (V. Tchen, « Synthèse : Polices administratives », JCl. Adm., 16 mai 2022). La police administrative apparait aujourd’hui comme un moyen d’action considérable des pouvoirs publics. Les domaines dans lesquels elle intervient, d’une manière générale, ont pour conséquence d’interroger la conciliation des mesures adoptées avec les libertés publiques.

En mars 2020, la crise sanitaire liée au développement du Covid-19 a surpris le monde entier. L’épidémie naissante et sa propagation rapide, alors même que les acteurs médicaux se trouvaient limités dans leur action à la fois par la méconnaissance de la maladie et par le manque de moyens à leur disposition, ont appelé à la mise en œuvre de mesures tout à fait spéciales notamment dans le cadre de la police administrative : port du masque obligatoire, fermetures de restaurants et de lieux publics, mesures de confinement ou de couvre-feu, etc.

Dans notre affaire, le Maire de la commune de Sceaux (Hauts-de-Seine) a adopté un arrêté municipal en date du 6 avril 2020, subordonnant les déplacements dans l’espace public au port d’un masque pour les personnes âgées de plus de 10 ans. La Ligue des droits de l’Homme, dans le cadre d’un référé-libertés, a demandé au tribunal administratif (TA) de Cergy-Pontoise d’ordonner la suspension de cet arrêté. Le juge des référés ayant fait droit à la demande de l’association de défense des droits de l’Homme et des libertés, la commune de Sceaux a demandé au juge des référés du Conseil d’État d’annuler cette ordonnance. La requête est finalement rejetée par la haute juridiction qui continuera à appliquer cette « ligne » jurisprudentielle dans les mois qui suivront cette affaire.

Il apparait indispensable de rappeler le partage traditionnel qui existe entre police administrative générale et polices spéciales (I), tandis que la police spéciale de lutte contre la crise sanitaire a été créée par la loi du 23 mars 2020 et appartient principalement aux autorités étatiques, limitant de fait l’action communale en la matière (II).

  • I - Un partage traditionnel entre polices administratives générales et spéciales
    • A - Les pouvoirs de police du maire
    • B - Les pouvoirs de police des autorités étatiques
  • II - La lutte contre la crise sanitaire : une nouvelle police spéciale questionnant l’articulation entre les différentes polices
    • A - Une intervention principalement étatique
    • B - Une intervention limitée du maire
  • CE Ord., 17/04/2020, Commune de Sceaux

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