La responsabilité sans faute est l’une des particularités les plus remarquables de la responsabilité administrative. Celle-ci se composait, jusqu’à il y a peu, de la responsabilité sans faute pour rupture de l’égalité devant les charges publiques et de la responsabilité sans faute pour risque spécial de dommage. Cette dernière concernait notamment la responsabilité de l’Etat du fait des méthodes libérales de rééducation des jeunes délinquants. C’est dans ce dernier domaine que le Conseil d’Etat a inauguré en 2005 un nouveau type de responsabilité sans faute : celui fondé sur la garde.

Dans cette affaire, Mr. Lauze a été victime dans l’enceinte d’un lycée d’une agression de la part d’un mineur confié en vertu d’une mesure juridictionnelle d’assistance éducative au foyer d’action éducative de Nîmes, établissement relevant du ministre de la justice. L’intéressé a donc saisi le tribunal administratif de Nîmes afin d’obtenir réparation du préjudice ainsi subi, en se basant sur la jurisprudence GIE Axa courtage qui reconnait la responsabilité de l’Etat du fait des agissements des mineurs en danger placés sur la base d’une transposition en droit administratif de la notion civiliste de garde. Le juge de première instance a, le 8 décembre 2006, condamné l’Etat à lui verser la somme de 2 500 €. Le ministre de la justice s’est donc pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat. Le 17 décembre 2008, ce dernier a validé le jugement du tribunal administratif.

Avec cet arrêt, la Haute juridiction apporte d’utiles précisions à la jurisprudence GIE Axa courtage inaugurée en 2005. Cette dernière jurisprudence est venue créer une nouvelle hypothèse de responsabilité sans faute, en transposant la notion civiliste de garde en droit administratif. Concrètement, lorsqu’une décision de justice transfère à une personne publique la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie d’un mineur, cette personne est juridiquement responsable des conséquences dommageables des actes de ce mineur. Appliqué à l’origine aux mineurs placés dans le cadre de mesures d’assistance éducative, ce régime de responsabilité a été étendu aux mineurs délinquants. Précisons tout de suite que ce nouveau type de responsabilité sans faute ne fait pas disparaitre le régime basé sur le risque spécial de dommage, ces deux régimes faisant l’objet d’une articulation complexe. La décision de 2005 a été utilement complété par plusieurs solutions, dont celle objet du présent commentaire. Ainsi, l’arrêt Lauze vient apporter deux précisions : d’abord, la responsabilité de l’Etat fondée sur la garde est engagée même si l’établissement n’assurait pas la surveillance matérielle du mineur au moment des faits ; de plus, il n’est nul besoin que le préjudice soit anormal et spécial. Un autre arrêt rendu en 2009 a, enfin, décidé que ce régime de responsabilité s’appliquait quel que soit le statut de la victime : autrement dit, peu importe que celle-ci soit usager ou tiers par rapport au service public.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les origines de la jurisprudence GIE Axa courtage (I), puis d’analyser, dans une seconde partie, ses prolongements (II).

  • I – La jurisprudence GIE Axa courtage : entre notion civiliste de garde et responsabilité pour risque spécial
    • A – Une transposition de la notion civiliste de garde
    • B – L’articulation avec le régime basé sur le risque spécial de dommage
  • II – Les prolongement de la jurisprudence GIE Axa courtage
    • A – Les précisions de l’arrêt Lauze de 2008
    • B – Les précisions de l’arrêt Ministre de la justice c/ Association tutélaire des inadaptés
  • CE, 17/12/2008, Mr. Lauze

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