S’il arrive parfois que le législateur vienne censurer des jurisprudences qu’il désapprouve, notamment pour des raisons politiques, la situation contraire peut également s’observer. En effet, le juge est au contact direct de la réalité de manière quotidienne, il est donc souvent mieux à même d’élaborer les règles permettant de résoudre les problèmes rencontrés par les citoyens. Faisant office d’éclaireur, ses solutions peuvent ensuite être reprises et consacrées par le législateur. Cela fut le cas en matière de responsabilité de l’Etat du fait d’un aléa thérapeutique.

Dans cette affaire, Mr. B a été opéré d’une hernie discale qui s’est, aggravée suite à l’opération. Il a donc saisi le Tribunal administratif de Paris afin d’être indemnisé de ce préjudice en lui demandant de condamner l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris. Celui-ci a retenu le 19 Juin 2009 la responsabilité de ces derniers, mais pas celle de l’ONIAM. Un recours a donc été formé par Mr. B devant la Cour administrative d’appel de Paris qui, le 20 Octobre 2011, a fait droit à sa demande.

Le problème dans cet arrêt concerne la réparation des préjudices nés du fait d’un aléa thérapeutique. Ce régime de responsabilité a été élaboré en 1997 par le Conseil d’Etat dans son célèbre arrêt Bianchi. Mais, les différentes applications de cette jurisprudence ont montré que la responsabilité de l’Etat n’était engagée que très rarement, du fait de conditions d’application très restrictives. Le législateur est donc venu, le 4 Mars 2002, assouplir considérablement les conditions d’indemnisation des préjudices nés du fait d’un aléa thérapeutique, en supprimant notamment la condition exigeant que le risque revête un caractère exceptionnel. C’est là l’un des points de l’arrêt des premiers juges censuré par la Cour administrative d’appel de Paris : en effet, les premiers avaient exigé, à tort, le respect de cette condition, pourtant non reprise par la loi de 2002. L’autre apport de l’arrêt commenté est de préciser la notion de « conséquences anormales » au regard de l’état de santé du patient comme de l’évolution prévisible de celui-ci, puisqu’il s’agit là de l’une des conditions fondamentales de ce régime de responsabilité.

Précisons, enfin, avant de poursuivre que dans cette affaire, les juges d’appels ont retenu une faute des Hôpitaux de Paris : en effet, ces derniers n’ont pas réopéré Mr. B  au cours de sa prise en charge post-opératoire, ce qui a eu pour conséquence la perte de chance de se soustraire aux conséquences de l’aléa thérapeutique. Ce point tout comme celui relatif à la question des préjudices ne seront pas retenus dans le cadre de cette étude, ces derniers faisant l’objet d’une analyse classique de la part des juges d’appels.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, l’évolution de l’état du droit qui a conduit la jurisprudence Bianchi à s’effacer devant la loi du 4 Mars 2002 (I), puis d’analyser, dans une seconde partie, les apports de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris (II).

  • I – De la jurisprudence Bianchi à la loi du 4 Mars 2002
    • A – La jurisprudence Bianchi : un régime plutôt restrictif
    • B – La loi du 4 Mars 2002 : un régime assoupli
  • II – La loi du 4 Mars 2002 : un régime précisé par la Cour administrative d’appel de Paris
    • A – La suppression du caractère exceptionnel du risque
    • B -  La notion de « conséquences anormales »
  • CAA Paris, 20/10/2011, Mr. B (extrait)

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