Les manifestations, quels qu’en soient les objectifs, les mouvements de grève et autres rassemblements tendent à s’accentuer ces dernières décennies. Il n’est pas rare, qu’à leur occasion, des troubles et des dommages, aussi bien corporels que matériels, soient commis. Lorsque de tels préjudices sont causés, les victimes peuvent obtenir réparation de la part de l’Etat sur la base de la loi du 7 janvier 1983 qui institue un régime de responsabilité sans faute du fait des attroupements et rassemblements. C’est ce qu’il est arrivé dans l’affaire Cie. d’assurances Les Lloyd’s de Londres.

Dans cette affaire, plusieurs dizaines de jeunes gens s’étaient vu refuser l’entrée de la discothèque « Le Kiss » à Beaune lors de la nuit de la Saint-Sylvestre de 1989, en raison de leur origine. Les intéressés étaient restés devant l’entrée de l’établissement. Et, certains avaient, par la suite, pu y entrer, mais avaient commis plusieurs dégradations. La discothèque déclara, d’abord, son sinistre auprès de son assureur, la compagnie d’assurances les Lloyd’s de Londres, qui lui versa la somme de 945 000 francs. Dans un deuxième temps, la discothèque et l’assureur saisirent le tribunal administratif de Dijon afin que la responsabilité sans faute de l’Etat du fait des attroupements et rassemblements soit mise en cause. Mais, le tribunal rejeta leur requête le 29 mars 1994. Les intéressés firent donc appel devant la cour administrative d’appel de Lyon qui, le 17 septembre 1998, rejeta, également, leur recours. La discothèque et son assureur se pourvoient alors en cassation devant le Conseil d’Etat. Le 13 décembre 2002, la Haute juridiction fait droit à leur requête en reconnaissant la pleine applicabilité du régime prévu par la loi du 7 janvier 1983.

La responsabilité du fait des attroupements et rassemblements est une responsabilité sans faute à la charge de l’Etat dont la raison d’être est de prévoir la prise en charge par la solidarité nationale des dommages causés à leur occasion. La particularité de ce régime est qu’il est prévu non par le juge administratif, mais par le législateur lui-même. C’est de ce régime que le Conseil d’Etat fait bénéficier à la compagnie d’assurances Les Llyod’s de Londres. L’intérêt de cette affaire est que la Haute juridiction apporte une précision quant à la définition de la notion d’attroupement / rassemblement, notion qui est au cœur de nombreux contentieux. Au cas particulier, le juge reconnaît qu’il peut y avoir attroupement ou rassemblement même si aucun visée protestataire n’est émise par le groupe. L’Etat verra donc sa responsabilité être engagée dans cette affaire, mais celle-ci sera en partie atténuée en raison de l’existence d’une faute de la victime.

Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, les principes du régime de responsabilité sans faute du fait des rassemblements (I) et d’analyser, dans une seconde partie, l’engagement de la responsabilité sans faute de l’Etat en l’espèce (II).

  • I – Les principes du régime de responsabilité sans faute du fait des rassemblements
    • A – Un régime fondé sur les risques que font peser les rassemblements
    • B – Un régime dont les contours sont strictement définis
  • II – L’engagement de la responsabilité sans faute de l’Etat dans l’affaire Cie. Les Lloyd’s de Londres
    • A – Des conditions d’application remplies : l’existence d’un rassemblement
    • B – Une responsabilité de l’Etat atténuée par la faute du dirigeant de la discothèque
  • CE, 13/12/2002, Compagnie d’assurances Les Lloyd’s de Londres

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